Ce n’est plus un tabou. Des plans sociaux sont envisagés dans la promotion immobilière. C’est Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), qui l’a affirmé le 14 septembre. En cause : la chute des réservations de logements neufs liée à la hausse des taux d’intérêts depuis début 2022.
Trop tôt pour licencier
« Avec une baisse de 50% des ventes en moins de deux ans, le secteur comme n’importe quelle industrie n’est pas en mesure de conserver ses équipes commerciales », observe Philippe Depasse, directeur général délégué aux régions chez Sogeprom.
Le promoteur national de 290 salariés, dont 40 sont dédiés à la commercialisation, a gelé les embauches, « sauf sur les postes d’avenir comme la réhabilitation », illustre-t-il. Et de jurer qu’aucun plan social ne se profile au sein de la filiale de Société Générale. Comme d’autres promoteurs adossés à de solides actionnaires, la stratégie consiste à « faire le dos rond » jusque début 2024, poursuit-il. En attendant des mesures gouvernementales pour dégripper la machine et un reflux de l’inflation, qui reste élevée sur un an (4,9% en août).
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Au sein du toulousain GA Smart Building, spécialisé dans l’immobilier d’entreprise et la construction hors-site, la crise du logement n’aura pas la peau de sa jeune marque résidentielle Rooj de 10 salariés. « Je n’ai pas besoin de faire de plan social car j’ai peu recruté depuis notre lancement il y a un an. L’avantage aussi, c’est que nous n’avons pas de stock. Telle une start-up dans un groupe de 800 salariés et 8 usines, nous nous appuyons sur d’autres métiers comme Ossabois pour la conception de modules 3D qui nous permettront de monter jusqu’à 50 mètres, équivalent à R+14 », explique Sophie Meynet, directrice générale de « GA ». Les premiers programmes doivent être lancés en 2024 grâce à la vente en bloc.
Vers une baisse de prix de 20% en 2024
A contre-courant du marché, le francilien REI Habitat (35 salariés), spécialisé dans la construction bois, continue de recruter pour accompagner son développement : huit mises en chantier sont prévues en 2024, contre trois cette année. « Les investisseurs institutionnels et bailleurs sociaux, friands de la qualité environnementale de nos bâtiments RE 2020 seuil 2028, compensent la désertion des particuliers, qui représentent habituellement 80% de notre clientèle », témoigne Paul Jarquin, président-fondateur.
« Cette crise nous incite à revisiter complètement la chaîne de valeur de la promotion immobilière en interrogeant la valeur des terrains, le poids des honoraires, la rémunération des promoteurs, pour être à nouveau en phase avec la demande. Il faut s’attendre en 2024 à une baisse des prix de 20% à l’échelle nationale », anticipe de son côté Julien Narayanin, directeur général du groupe francilien Verrecchia (90 salariés). « Cette correction permettrait d’effacer partiellement la perte du pouvoir d’achat des clients liée à la hausse des taux d’intérêt », complète Paul Jarquin. Selon la FPI, les prix des logements neufs continuent d’augmenter, alors que dans l’ancien, ils baissent, à quelques exceptions près.
Le rebond attendu après les municipales de 2026
Secoué par la hausse du coût de construction en 2021, le marché n’est pas près de se relever. « Les chantiers à démarrer sont dans les starting-blocks mais il n’y pas le pistolet pour donner le départ, faute de demande. La crise va probablement durer jusqu’aux prochaines élections municipales de 2026. Des maires (qui souhaitent se représenter, NDLR) commencent à nous dire qu’ils veulent des travaux finis avant cette échéance. » Entendez : il y aura très peu de nouveaux permis de construire à se mettre sous la dent. Et donc de moins en moins de nouveaux chantiers seront à lancer. Ou, si vous préférez, de moins en moins de logements seront à vendre. La tempête ne fait que commencer.