Le Centre hospitalier de l'Ouest guyanais avait décidé il y a quelques années, d'entreprendre des travaux de restructuration. A cet effet, il avait conclu un certain nombre de marchés publics, dont un ayant pour objet la conduite de l'opération, qui avait été confié à une entreprise aux droits de laquelle s'est substitué ultérieurement la société ICADE G3A (Groupe Caisse des dépôts). C'est ce marché qui a donné lieu à un litige, faisant suite à l'apparition de désordres susceptibles de rendre l'ouvrage impropre à sa destination pendant le délai de la garantie décennale.
Pour prévenir toute difficulté en la matière, ICADE avait fait insérer dans le marché une clause qui, selon le Conseil d'Etat, écartait "expressément la qualification de contrat de louage d'ouvrage pour ce marché public de prestations intellectuelles régi par les dispositions du Code des marchés publics et, sous réserve de certaines dérogations expresses, les stipulations du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de prestations intellectuelles (CCAG PI)". L'objectif visé était d'écarter toute relation contractuelle de louage d'ouvrage, et de faire en sorte de ne pas faire peser sur ICADE le risque de responsabilité décennale, au cas où des désordres seraient apparus dans les 10 ans de la réception de l'ouvrage.
C'était compter sans la faculté qu'a le juge de requalifier les relations contractuelles entre les parties. Le Conseil d'Etat a en effet jugé qu'"il ressort de l'ensemble des clauses de cette convention, par laquelle le groupement s'engage à faire quelque chose pour l'établissement, moyennant un prix convenu entre les parties, sans subordonner l'une à l'autre, qu'elle constitue un contrat de louage d'ouvrage au sens des principes dont s'inspirent les articles 1792 à 1792-5 du Code civil". Il a déduit de cette constatation que la Cour administrative d'appel de Bordeaux avait pu à bon droit reconnaître à la société ICADE "la qualité de constructeur de ce groupement lié par un contrat de louage d'ouvrage au centre hospitalier de l'Ouest guyanais dans le cadre de la réalisation des travaux de restructuration de l'hôpital de Saint-Laurent-du-Maroni".
Et c'est là le deuxième enseignement de cette décision. Le conducteur d'opérations est bien un locateur d'ouvrage. En d'autres termes, il est chargé contractuellement de faire quelque chose pour l'établissement hospitalier, moyennant un prix convenu entre les parties, sans subordonner une partie à l'autre, et cette relation contractuelle constitue bien un contrat de louage d'ouvrage au sens des principes dont s'inspirent les articles 1792 à 1792-5 du Code civil, c'est-à-dire un contrat relevant du champ d'application de la responsabilité décennale des constructeurs. Il n'est pas "seulement" une interface entre le maître d'ouvrage et les constructeurs : il est l'un des constructeurs au sens de ces dispositions.
En l'espèce, comme le dit l'adage, "les conseilleurs ne sont pas les payeurs", mais les "conducteurs" si.
Pour retrouver l'arrêt du CE 11 février 2011, "Soc. ICADE G3A", req. n° 330515, cliquez ici.