Décryptage

Déchets du bâtiment: les professionnels affûtent leurs arguments

Le secteur du bâtiment déplore le manque de concertation autour de la rédaction du projet de loi "économie circulaire". Ils avancent leurs arguments pour plomber la volonté du gouvernement de mettre en place une responsabilité élargie du producteur (REP) au bâtiment, organisant la reprise et la gestion des déchets.

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Déchets de plâtre
Déchets de plâtre

Alors que la toute dernière mouture du projet de loi "Economie circulaire" qui sera débattu au Parlement à la rentrée prévoit la mise en place d’une responsabilité élargie du producteur (REP) au bâtiment, organisant la reprise et la gestion des déchets, les professionnels du secteur affutent leurs arguments.

Quatorze organisations représentant les filières du bâtiment et du déchet (1) estiment ce mercredi 20 juin 2019, "sur la base d’un état des lieux approfondi", que la mise en place d’une REP "bâtiment globale et d’une gratuité de la reprise générale (mesure 33 de la Frec) ne constitue pas une réponse appropriée à la problématique".

Distinguer les flux

"Cet état des lieux démontre l’existence de situations très disparates entre les filières de déchets observées, rendant inadaptée une réponse homogène de type REP sur l’ensemble du périmètre bâtiment", poursuivent-elles. Elles jugent ainsi important de "distinguer" les filières présentant des taux de valorisation supérieurs à 70 % (inertes, métaux, bois) de celles s’avérant moins performantes. "Un accompagnement peut s’avérer nécessaire dans ce second cas, pas dans le premier."

Le collectif plaide ainsi pour "une approche de la problématique plus fine". Il s’agirait d’abord d’identifier les flux et filières pour lesquels "un accompagnement structurel est véritablement nécessaire compte tenu des lacunes constatées". Ceux-là pourraient éventuellement faire l’objet de "dispositifs légaux" mais seulement après une expérimentation visant à "s"assurer de leur validité et d’en tester le paramétrage". Les flux qui "proposent d’ores et déjà des schémas pertinents de circularité" bénéficieraient d’une "approche plus souple", avec une incitation et un soutien à la R&D, l’écoconception, l’optimisation de la reprise du tri et de la valorisation et au recyclage et réemploi.

Engagement pour la croissance verte ?

La première étape de cette stratégie serait la mise en place avec l’État d’un contrat d’engagement pour la croissance verte (ECV) portant sur l’ensemble des déchets du bâtiment. "Il permettra de mieux cibler les moyens, de mieux coordonner les actions et d’introduire de nouveaux objectifs, notamment sur certains déchets non dangereux triés", prévoient les quatorze organisations.

Cet ECV serait volontaire mais permettrait de mettre à l’agenda des "mesures concrètes" :

  •     la création d’un système de traçabilité national centralisé pour réduire les dépôts sauvages ;
  •     la création de nouveaux points d’apport dans les zones de carence en prenant en compte les contraintes pesant sur les entreprises ;
  •     une fiabilisation du diagnostic "déchets" pour les chantiers concernés ;
  •     la mise en place d’outils de reporting détaillé sur la performance de gestion des déchets de chantiers pour la maîtrise d’ouvrage professionnelle ;
  •     l’interdiction de prendre en compte la gestion des déchets dans le compte prorata.

Les professionnels proposent par ailleurs de "travailler avec les pouvoirs publics à la conception d’un financement permettant d’expérimenter la reprise sans frais des déchets triés sur quelques familles de matériaux choisis pour leur potentiel de recyclabilité".

Ce que prévoit le gouvernement

Cette proposition est publiée alors que le gouvernement est en train de finaliser son projet de loi économie circulaire. L’avis du Conseil national de la transition écologique sera adopté jeudi 20 juin. Dans le texte actuel, l’article 9 prévoit la mise en place d’une REP pour "les produits ou matériaux de construction du secteur du bâtiment destinés aux ménages ou aux professionnels, à compter du 1er janvier 2022, de sorte à ce que les déchets de construction ou de démolition qui en sont issus soient repris sans frais en tout point du territoire national lorsqu’ils font l’objet d’une collecte séparée".

Le gouvernement précise toutefois que "la présente disposition ne s’applique pas aux produits ou matériaux faisant l’objet d’un système équivalent de prévention, de collecte et de traitement des déchets permettant la reprise sans frais en tout point du territoire national des déchets de construction ou de démolition qui en sont issus lorsqu’ils font l’objet d’une collecte séparée". En clair: la filière fera l’objet d’une REP à moins que la profession ne prouve qu’elle peut atteindre les objectifs de la loi par un autre moyen.

Dans l’étude d’impact du projet de loi qu’AEF info a consultée, le gouvernement considère que "le déploiement d’un accord volontaire avec les professionnels du secteur du bâtiment apparaît difficilement envisageable dans la mesure où ces derniers ne semblent pas s’être engagés dans une démarche de déploiement de l’économie circulaire dans le secteur d’activité bien que ce dernier soit soumis à une obligation de tri et de valorisation des déchets depuis près d’une dizaine d’années. En effet, 58 % des déchets du gros œuvre et 78 % du second sont actuellement éliminés et ne font donc l’objet d’aucune valorisation". "De même le déploiement de l’obligation de reprise des déchets issus des matériaux, produits et équipements de construction a pris un retard significatif sous-entendant que seule une approche régalienne pouvait être envisagée afin d’atteindre les objectifs de valorisation fixés par la directive-cadre déchets."

La filière veut "débattre sérieusement"

"La filière s’étonne qu’aucune réelle concertation n’ait été engagée pour travailler collectivement à la rédaction du projet de loi antigaspillage, alors même qu’elle formule des propositions concrètes dans son étude", répondent les quatorze organisations. "Elle rappelle que [son] étude a été initiée dans le cadre d’un groupe de travail constitué à l’initiative des pouvoirs publics et qu’elle fait suite à la commande passée par ces derniers. Elle rappelle également qu’elle s’est engagée dans cet effort collectif avec pour objectif de créer une dynamique positive, à même de permettre une amélioration significative de la reprise des déchets du bâtiment et de leur recyclage. Elle réitère donc sa demande de pouvoir débattre sérieusement avec le gouvernement des propositions formulées dans le cadre de cette étude."

(1) AIMCC, Capeb, CGI, FDME, Federec, FFB, Fnade, Fnas, FNBM, FND, USH, Seddre, Snefid et Unice.

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