Le bienheureux jardin d'Alexandre

Au milieu des bambous, le Bureau des paysages d'Alexandre Chemetoff évolue avec le temps.

 

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
A Gentilly, l’agence d’Alexandre Chemetoff est aussi dans le jardin, un espace profond et touffu qui faisait – il y a longtemps – partie d’une zone de carrières.

Il règne ici un fouillis délicieux. Les vélos sont garés dans l'entrée à côté des cafetières, elles-mêmes posées près du stock de bois. Dans l'immense local en enfilade, les maquettes sont empilées, les rouleaux d'archives alignés. Sur la terrasse à l'arrière, de gros pots plantés d'érables du Japon voisinent avec des nénuphars flottant dans des bassines de métal pleines d'eau. Les bureaux sont, c'est logique, couverts de grands plans et d'ordinateurs.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 30244_1768572_k4_k1_4071781.jpg PHOTO - 30244_1768572_k4_k1_4071781.jpg

 

Dans l'agence d'Alexandre Chemetoff, à Gentilly (Val-de-Marne), on se retient de feuilleter les livres rangés sur des étagères ou dans de petits tourniquets : des publications professionnelles, des volumes sur les villes où l'équipe a des projets en cours, des catalogues d'exposition et une vieille édition du « Guide Clause » de jardinage. « Tiens, vous devriez lire ça ! », suggère le maître des lieux en tendant un récent essai : « Et si l'Ukraine libérait la Russie ? » d'André Markowicz.

 

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 30244_1768572_k5_k1_4071782.jpg PHOTO - 30244_1768572_k5_k1_4071782.jpg

La tentation est grande aussi de toucher à tout, aux échantillons de matériaux exposés aux intempéries pour vérifier leur résistance, aux morceaux de branchages ramassés un jour et conservés depuis, ou à une petite maquette en carton peint. « On les fabriquait avec mon grand-père pour un circuit de train électrique », raconte l'architecte, paysagiste, urbaniste. Enfin, il faut bien l'avouer, on resterait volontiers à demeure dans ce lieu si bien nommé « Le Bureau des paysages », où l'agence se prolonge dans un profond jardin en pente. Un petit paradis, où des serres font office de lieux de travail parmi les bambous en bataille, un lieu secret dont on ne peut deviner l'existence depuis la rue.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 30244_1768572_k6_k1_4071786.jpg PHOTO - 30244_1768572_k6_k1_4071786.jpg

 

Continuité « dedans dehors ». A la fin des années 1980, Alexandre Chemetoff n'avait d'ailleurs aucune idée de ce qu'il allait découvrir au-delà de la façade de cette « petite maison qui ne payait pas de mine » mais affichait un panneau « A vendre ». Le concepteur menait alors divers projets dans ces banlieues du sud de la capitale. Dans ce secteur de la vallée de la Bièvre il œuvrait, par exemple, à faire revivre la mémoire de la rivière encore enfouie. « Quand j'ai visité, nous avons d'abord traversé le long garage pour aboutir dans ce jardin », se souvient-il. A l'époque, « Gentilly n'était pas très couru, ce n'était pas aussi “près” de Paris. Et puis, une usine voisine répandait une odeur un peu âcre ». Qu'importe, Alexandre Chemetoff achète cet « endroit extraordinaire » pour en faire d'abord le domicile familial, et un peu plus tard le lieu de son activité.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 30244_1768572_k7_k1_4071787.jpg PHOTO - 30244_1768572_k7_k1_4071787.jpg

 

Pour que l'agence puisse s'installer en 1994, l'édifice, hormis une partie du mur sur rue et l'ancien garage du rez-de-chaussée, est démoli. Les nouveaux espaces viennent se glisser entre les murs en pierre qui enserrent la parcelle. « Avec l'architecte Hervé Beaudouin, nous avons construit ce lieu nous-mêmes, comme un Meccano, explique Alexandre Chemetoff. Tout est assez rudimentaire. C'est un atelier. » Pour créer la sensation d'une continuité « dedans dehors », les façades sont de grandes verrières en simple vitrage fabriquées avec des structures en profilés d'acier galvanisé du commerce. La couverture est en bacs sandwichs métalliques. Les vastes plateaux ouverts se détachent de l'enveloppe du bâtiment pour donner la mesure du grand volume. Tout est laissé à nu, sans peinture : les vieux murs, les planchers en mélèze, la sous-face du toit. Un petit pavillon est rajouté dans un décroché du terrain.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 30244_1768572_k9_k1_4071792.jpg PHOTO - 30244_1768572_k9_k1_4071792.jpg

 

« Il y a un rapport entre ce qu'on est et ce qu'on fait, estime Alexandre Chemetoff. Un jour, des rouges-gorges sont rentrés dans mon bureau, alors quand on parle de nature en ville, je ne me sens pas complètement décalé. Voilà ce que montre cette agence, qu'on peut avoir un lieu de travail tout simple avec un jardin. » Au départ, dans ce dernier, un grand érable solitaire se dressait déjà au milieu du gazon. Les bambous n'ont surgi que plus tard, alors que l'agence travaillait sur le projet du jardin qui devait leur être dédié dans le grand parc de la Villette, à Paris (XIXe) et que des tests étaient réalisés à Gentilly. Depuis, ils se sont développés jusqu'à coloniser tout l'espace, à part l'aire d'expansion du houppier de l'érable et les surfaces qui ont, entretemps, accueilli trois serres.

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 30244_1768572_k10_k1_4071793.jpg PHOTO - 30244_1768572_k10_k1_4071793.jpg

 

Une serre pour recevoir. Là encore, leur installation est liée à un projet. L'équipe proposait d'en mettre en place au centre commercial qui allait être réalisé en 2007 à Angoulême (Charente). Ces structures horticoles en acier, de robustes modèles hollandais, ont changé d'usage au fil des saisons et des années. Depuis que le recours à la visioconférence s'est systématisé, l'une est désormais le lieu des réunions. Celle perchée en haut du jardin, dotée d'une cuisine, permet de recevoir confrères et maîtres d'ouvrage. « C'est toujours sympathique, informel, assure Alexandre Chemetoff. Ce lieu dit beaucoup de la façon d'entretenir des relations. Il crée les conditions pour que les gens se sentent bien ensemble. » La plus petite, enfin, est occupée par le « bureau d'été » de l'architecte, en attendant qu'il regagne le pavillon, quand les travaux prévus auront été menés. Ce prochain chantier a pour objectif de mieux isoler les locaux de l'agence aussi bien sur le plan thermique qu'acoustique. Actuellement, il y fait trop chaud ou trop froid et les planchers craquent à chaque pas. Et puis, ajoute l'architecte, « j'aime bien l'idée que les choses changent ».

Image d'illustration de l'article
PHOTO - 30244_1768572_k11_k1_4071794.jpg PHOTO - 30244_1768572_k11_k1_4071794.jpg
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires