François Chaslin, décès d’un corbuséen

L’architecte et critique d’architecture auteur du livre « Un Corbusier » s’est éteint le 7 août, à l’âge de 76 ans.

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François Chaslin, le 18 juin 2013.

L’architecte et critique d’architecture François Chaslin est décédé le 7 août 2025, trois jours avant son 77e anniversaire, sur une plage du Finistère. Comment ne pas faire le parallèle avec celui qui prit autant de place durant sa vie : l’architecte Le Corbusier, disparu le 27 août 1965 à l’âge de 77 ans sur une plage de la Côte-d’Azur ?

François Chaslin lui avait consacré un ouvrage de 544 pages intitulé « Un Corbusier », paru en 2015 aux éditions du Seuil. « Je possède peut-être 400 livres et fascicules de Le Corbusier ou qui sont consacrés à son œuvre (2,90 m de rayonnages en tout cas et les nouveaux venus entassés par terre, en piles instables dans lesquelles je bute) », écrivait-il en préambule de ce livre qu’il qualifiait de « portrait » et non de biographie.

« Je suis allé avec mon carnet à dessin jusqu’à Chandigarh, à Moscou, à Tokyo, Boston et La Plata pour visiter ses édifices poursuivait-il. [...] J’ai dormi à la belle étoile sur la terrasse de [la Cité radieuse] de Marseille et 10 fois, 20 fois peut-être, couché dans les lits de fer du couvent de la Tourette, au contact direct de son béton et des enduits rêches qui la nuit vous rayent l’épaule. »

Un critique

A l’écrit autant qu’à l’oral, François Chaslin savait décrire avec style les lignes des bâtiments qu’il visitait. Pendant plus d’une décennie, il a été le producteur de l’émission de radio « Métropolitains », dédiée à l’architecture et la ville, diffusée sur France Culture, ainsi que de la revue parlée « L’Equerre et le Compas », enregistrée en public au Centre Pompidou à Paris. Journalistes spécialisés et critiques se réunissaient alors autour de lui pour partager leurs points de vue - convergents ou divergents - sur les édifices fraîchement livrés en France et à l’étranger.

François Chaslin soutenait la critique mordicus, un art qu’il exerça à travers de nombreux articles publiés dans « Le Monde », « Libération » ou encore « Le Nouvel Observateur ». En 2008, il fit paraître, aux éditions Infolio, un recueil de ceux qu’il avait consacrés, durant 28 ans, aux architectures de Jean Nouvel. « La critique, avertissait-il dans ce livre, n’encombre pas nos bibliothèques ; elle est périssable. Il arrive qu’elle se manifeste dans des exposés, débats ou émissions de radio, et les mots s’envolent. Le plus souvent, elle se développe dans "les périodiques". Or, les coupures de presse sont comme des feuilles mortes : elles s’entassent, se froissent, jaunissent, s’effritent et disparaissent. »

Un témoin

A travers ses multiples casquettes de rédacteur en chef (de « L’Architecture d’Aujourd’hui » notamment), de directeur des expositions de l’Institut français d’architecture, de professeur d’architecture (à Lille et Paris-Malaquais), ou plus récemment de correspondant de la section d’architecture de l’Académie des beaux-arts, François Chaslin a été le témoin privilégié de l’évolution de la discipline au cours des décennies.

En 2013, à l’occasion des 30 ans du prix de l’Equerre d’argent, « Le Moniteur » l’avait par exemple interrogé sur les clivages qui peuvent opposer les architectes. « Le débat philosophique entre les modernes et les postmodernes a traversé le XXe siècle et le monde occidental, mais il n’a plus guère de raison d’être, expliquait-il. Même si, aujourd’hui, de nouvelles questions se posent, sur l’écologie ou le logement social par exemple, il n’existe pas de débats aussi intenses qui induisent des clivages dans la population des architectes. Non pas que les jeunes générations soient moins capables d’argumenter. Au contraire, elles sont gorgées de culture théorique, historique et réflexive. Je crois qu’il n’y a pas d’enjeux extérieurs à notre monde architectural qui les fassent se regrouper derrière des bannières critiques. »

Selon nos confrères du « Monde » et de « Télérama », François Chaslin préparait un nouvel ouvrage sur Le Corbusier à paraître aux Editions de La Villette. Il souhaitait le dédier à son ami Jean-Louis Cohen, architecte et historien de l’architecture disparu, comme lui, un 7 août, il y a deux ans. Une même passion les reliait : Corbu, encore et toujours.

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