Décryptage

Des délais d'urbanisme déconnectés de la fin de l'état d'urgence sanitaire : ce que contient l'ordonnance du 7 mai

Quatrième ordonnance de la série « délais », l’ordonnance n° 2020-539 du 7 mai 2020 fixant des délais particuliers applicables en matière d'urbanisme, d'aménagement et de construction pendant la période d'urgence sanitaire, a été publiée le 8 mai au « Journal officiel ». Son objectif : décorréler les modalités de reprise de l’instruction des autorisations d’urbanisme et des délais de recours de la date de fin de l’état d’urgence sanitaire. Ces derniers redémarreront donc le 24 mai.

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24 mai
Les délais d'urbanisme recommenceront à courir le 24 mai.

L’ensemble des mesures de neutralisation des délais d’instruction et de recours prévu par l’ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, déjà modifiée à deux reprises notamment en ce qui concerne les autorisations d’urbanisme, était calé sur la date de fin de l’état d’urgence sanitaire qui servait de point de repère pour le calcul des suspensions, reprises, prolongations diverses prévues par le texte. En matière d’urbanisme, afin d’empêcher une paralysie trop longue du secteur de la construction, le délai de référence avait déjà été réduit à la date de fin de l’état d’urgence sanitaire, en supprimant la période tampon initiale d’un mois supplémentaire.

La prolongation de l’état d’urgence sanitaire jusqu’au 10 juillet 2020 inclus, décidée par la loi adoptée le 9 mai par le Parlement et en cours d’examen par le Conseil constitutionnel, aurait reporté automatiquement la reprise de l'activité, réduisant à néant l’intérêt du régime dérogatoire. Afin de permettre une relance rapide de l’activité, il était nécessaire de déconnecter la fin de l’état d’urgence sanitaire du sort des autorisations d’urbanisme. Tel est l’objet de l’ordonnance du 7 mai 2020.

Confirmation de la reprise des délais le 24 mai

Le texte prévoit désormais une date précise et ferme pour les délais liés à l’instruction des dossiers de permis de construire et d’aménager, des déclarations préalables, des certificats d'urbanisme ainsi que les procédures de récolement. Ceux-ci recommenceront le 24 mai 2020, pour le délai qui restait à courir au 12 mars. La date est par conséquent inchangée, mais elle est désormais certaine, et probablement définitive.

Pour lever toute ambiguïté, il est également précisé que les délais impartis à l'administration pour vérifier le caractère complet d'un dossier ou pour solliciter des pièces complémentaires dans le cadre de l'instruction d'une autorisation d'urbanisme relèvent du même régime.

S’agissant des délais de recours, rappelons que l’ordonnance du 15 avril 2020 avait substitué, par dérogation aux dispositions générales de l’ordonnance « délais » du 25 mars, une simple suspension du délai de recours en lieu et place d’une prolongation.

Ce dernier recommençait en outre à courir dès la fin de l’état d’urgence sanitaire, sans période tampon, mais uniquement pour le reliquat qui restait au 12 mars 2020,  tout en sanctuarisant un minimum de sept jours pour permettre aux justiciables de saisir la juridiction. L’ordonnance du 7 mai fixe également au 24 mai la date à laquelle les délais de recours recommenceront à courir, pour le reliquat, en maintenant ce délai minimum de sept jours. A l’instar des délais d’instruction, la date est par conséquent inchangée, mais elle est également désormais certaine.

Autorisations connexes…

Par ailleurs, pour tenir compte des nombreuses interactions des recours contre les autorisations d’occuper le sol avec d’autres autorisations connexes, la reprise des délais de recours, dans les mêmes conditions, est étendue aux recours formés à l'encontre des agréments bureaux en Ile-de-France lorsqu'ils portent sur un projet soumis à autorisation d'urbanisme, ainsi qu'aux recours administratifs préalables obligatoires dirigés contre les avis rendus par les commissions départementales d'aménagement commercial pour les projets soumis à l’avis de ces commissions.

… Et délai de retrait des autorisations d’urbanisme

Les ordonnances précédentes n’avaient pas traité du sort spécifique du délai de retrait des autorisations d’urbanisme, laissant prise à de nombreuses spéculations d’interprétation. Le sujet est essentiel, dans la mesure où le caractère définitif des autorisations d’urbanisme conditionne les promesses de vente et le déblocage des financements relatifs aux projets immobiliers. Or, une autorisation définitive s’entend d’une autorisation purgée du délai de recours des tiers, mais aussi, purgée du délai de retrait, de 3 mois à compter de la date de l’autorisation. De ce fait, avoir réduit l’impact du report du délai de recours des tiers sans solutionner le sort du délai de retrait était en pratique, inefficace.

L’ordonnance du 7 mai 2020 comble cette lacune en précisant que le délai dans lequel une décision de non-opposition à une déclaration préalable ou une autorisation d'urbanisme tacite ou explicite peut être retirée, est également suspendu à compter du 12 mars, et recommence à courir à compter du 24 mai 2020, pour le délai restant à courir à cette date. A noter que le délai minimal de sept jours prévu pour les délais de recours n’est pas applicable pour le retrait des autorisations d’urbanisme, dès lors que ce délai est traité comme un délai d’instruction et non comme un délai de recours.

Des questions encore en suspens

Malgré ces améliorations notables, toutes les questions ne sont toutefois pas encore résolues. Il en va notamment ainsi des autorisations d’urbanisme soumises à enquête publique ou à participation du public par voie électronique (PPVE), principalement s’agissant des projets soumis à évaluation environnementale.

Deux dispositions de l’ordonnance « délais » sont en effet susceptibles de s’appliquer à ce cas de figure. Alors que l’article 12 ter de l’ordonnance du 25 mars 2020 modifiée prévoit que les délais d’instruction des autorisations d’urbanisme recommencent à courir à compter du 24 mai, son article 7 précise expressément que les délais prévus pour la consultation ou la participation du public – hors projets d’intérêt national et urgents - sont suspendus jusqu'à l'expiration d'une période de sept jours suivant la date de cessation de l'état d'urgence sanitaire.

Or, l’instruction de certaines autorisations d’urbanisme peut impliquer l’organisation d’une telle procédure de consultation du public. Il en va notamment ainsi des projets soumis à évaluation environnementale. La consultation du public constitue alors une étape à part entière de l’instruction, prévue par le Code de l’urbanisme. La reprise de l’instruction des autorisations d’urbanisme devrait par conséquent permettre d’organiser la consultation du public dès le 24 mai, par dérogation aux dispositions de l’article 7. Si cette approche apparaît cohérente, l’ordonnance n’est pas limpide sur ce point. Il serait opportun de clarifier cette question pour sécuriser la procédure d’instruction des autorisations d’urbanisme soumises à une procédure de consultation du public et permettre une reprise effective des consultations du public dans ce cadre dès le 24 mai, et non le 17 juillet si la prolongation de l’état d’urgence sanitaire est confirmée.

Une nouvelle ordonnance « délais », plus générale prévoyant les modalités selon lesquelles les autres délais de recours et procédures reprendront leur cours devrait être présentée en Conseil des ministres le 13 mai. Gageons qu’elle lèvera d’autres incertitudes révélées par la pratique, face à cette situation exceptionnelle.

Ordonnance n° 2020-539 du 7 mai 2020 fixant des délais particuliers applicables en matière d'urbanisme, d'aménagement et de construction pendant la période d'urgence sanitaire

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