«Le climat actuel des négociations commerciales est tendu. Avec la LME tout est négociable ! En plus, la reprise économique est lente, les partenaires commerciaux ont du mal à faire des prévisions sur 2011, d’où anxiété et tensions dans les box d’achats… » Cet écho des négociations commerciales 2011, exprimé par Olivier Lauriol, directeur du cabinet Arkose, met en évidence l’enjeu de ce temps fort de la vie du négoce cette année. Difficile de percer les secrets de ces échanges mais plusieurs points d’actualité émergent cependant. Sur le plan réglementaire d’abord. La loi Chatel (dite LME) - outre la question des délais de paiement - a profondément modifié les règles du jeu de ces négociations. Sa mise en application reste d’actualité, la jurisprudence ne s’étant pas encore constituée. La loi autorise notamment la négociabilité des tarifs, l’ancien principe de « non-discrimination » ayant été aboli. Conséquence : un fournisseur peut réserver des conditions plus favorables à une catégorie de distributeurs. Par exemple, les grossistes peuvent bénéficier de meilleures conditions tarifaires que les coopératives d’artisans du bâtiment. La Commission d’examen des pratiques commerciales (CEPC) l’a admis, sous réserve évidemment que cette situation ne résulte pas d’une entente ou d’une autre infraction au Code du commerce.
Une convention unique
Autre point clé : à l’issue des négociations, une convention unique doit être rédigée avant le 1er mars (75 000 euros d’amende en cas de défaut). Elle consigne l’ensemble des conditions de vente (remises, etc.) et les services rémunérés par le fournisseur. « Cette convention permet un contrôle a posteriori de la relation commerciale par l’administration », explique Isabelle Baudet, professeur de droit à l’ESC de La Rochelle (1). La LME prohibe en effet « un déséquilibre significatif entre droits et obligations des parties ». Une brigade spéciale de la DGCCRF a été créée et les sanctions sont lourdes (elles peuvent atteindre 2 millions d’euros, voire plus). Nombre de distributeurs jugent pourtant peu précise cette notion de « déséquilibre significatif ». Darty, une des enseignes épinglées, invoque même une atteinte au principe de « légalité des délits et des peines ». Conséquence : la LME se retrouve actuellement sur la sellette du Conseil constitutionnel, qui doit rendre un avis d’un jour à l’autre. Les organisations professionnelles du négoce ont conseillé à leurs adhérents d’être très attentifs aux aspects juridiques de la rédaction de ces conventions. Le souhait des grossistes : que les spécificités de leur profession soient prises en compte par les autorités. Les relations avec les fournisseurs y sont, à leur avis, meilleures et plus équilibrées que dans la grande distribution. Ils ne souhaitent pas que les pouvoirs publics aillent plus loin dans l’encadrement de ces relations. « Le formalisme imposé par la LME est suffisant aujourd’hui pour encadrer la négociation commerciale entre négociants/grossistes et industriels », explique Bernard Manhes, président de la CGI.
Dernier point concernant la LME : la réduction des délais de paiement n’est pas sans effets sur les volumes négociés, du fait de l’amoindrissement du crédit fournisseur. « A mon avis, la réduction des délais de paiement a plus de conséquences sur les négociations commerciales, que le fait de devoir rédiger un contrat, ce qui se faisait déjà la plupart du temps » indique Matthieu Rolland, directeur d’Algorel.
Conséquences des hausses des matières premières
Autre préoccupation en 2011 : la hausse des cours des matières premières. Le cas du cuivre, coté au LME (London Metal Exchange), est l’un des plus spectaculaires. Or, les caprices de cet indice redorent (2010) ou plombent (2009) les résultats annuels des distributeurs. Mis à part le cuivre, la hausse de l’acier ou les matières plastiques ont renchéri les coûts de production chez les industriels, alors que le marché intérieur accuse plutôt des tensions déflationnistes, d’où turbulences et contrastes suivant les familles de produits. Le négoce se trouve au centre de ces mouvements contradictoires avec une capacité parfois limitée de répercuter les hausses. Dans un secteur comme la peinture - particulièrement exposé -, un acheteur chez un grossiste décoration dans le sud de la France, observe surtout une multiplication de la fréquence des augmentations de prix des fournisseurs, plutôt que de subites fortes hausses. Quant à la répercussion vers l’aval, elle demeure plus facile auprès des artisans que sur les marchés de redistribution (type rayon peinture des GSA…).
Par ailleurs, les conséquences des hausses industrielles ne sont pas toutes négatives pour les grossistes (effets positifs sur la valeur du stock, le CA et les marges…). Des compensations sont parfois obtenues par le distributeur lors de la négociation avec le fournisseur (marges arrières…) évoque un industriel de la salle de bains. « Le prix n’est jamais un problème tant qu’il peut être assumé », reconnaît un responsable d’enseigne du sanitaire chauffage. Le caractère compétitif du prix fournisseur reste néanmoins un des soucis principaux du négoce, comme le montre une étude de Développement Construction sur « les relations industries négoce ». Il en va notamment de la compétitivité de la filière professionnelle vis-à-vis des GSB…



