En 1994, lorsque la candidature de Lisbonne pour accueillir la dernière grande exposition du siècle est acceptée, les autorités portugaises ont leur plan depuis longtemps. L'événement, centré sur « L'océan, patrimoine du futur » doit donner un sérieux coup d'accélérateur au plan de modernisation de l'aire métropolitaine (voir p. 31). Surtout, il appuie un projet d'urbanisation volontariste à l'est de la capitale où une vaste friche industrielle de 350 ha le long du Tage est promise à une bonne desserte par la proximité de l'aéroport et l'extension des réseaux routiers et ferrés.
Adopté en 1993, le plan de l'architecte-urbaniste Nuno Portas fixe une stratégie de développement urbain à l'horizon 2010 dont l'Expo' 98 représente la première phase. Les principaux pavillons, dont la maîtrise d'ouvrage est assurée par la société à capitaux publics (Etat et ville) Parque Expo'98, sont conçus dans la perspective de leur usage ultérieur. Les pavillons internationaux, démontables, feront place, sitôt l'exposition finie, au nouveau quartier, dimensionné pour 25 000 habitants et 18 000 emplois. La trame viaire est conçue dans la perspective de cette quasi ville nouvelle. Ses deux avenues parallèles au fleuve, croisées de transversales plus étroites, perpétuent le tissu en damier de la ville basse de Lisbonne. Cette trame urbaine marque déjà fortement la zone de l'exposition proprement dite, concentrée sur 60 ha entre Tage et voie ferrée, autour du bassin, conservé, de l'ancien dock de Olivais. Juchés sur les puissants arcs de béton du viaduc ferré, les palmiers de verre et d'acier de la gare conçue par l'Espagnol Santiago Calatrava dominent l'enchaînement des vides et des objets construits le long du Tage
Foire internationale. Le défilé des grands pavillons commence au nord, avec une macrostructure blanche en tubes d'acier. Future foire internationale de Lisbonne, elle abritera une soixantaine de pavillons étrangers sous sa couverture en nappe tridimensionnelle.
Pavillon de l'Utopie. Suit le pavillon de l'Utopie, conçu par la firme architecturale américaine SOM, associée au Portugais Regino Cruz. On doit à des savoir-faire français la conception et la réalisation de sa couverture complexe en forme de coque. La grande salle modulable pour spectacles musicaux ou sportifs accueillera pendant l'exposition une scénographie de François Confino.
Pavillon du Portugal. Au-delà, le pavillon du Portugal, futur siège d'un ministère, est l'oeuvre du plus célèbre des architectes portugais, Alvaro Siza Vieira, avec Eduardo Souto de Moura pour l'aménagement intérieur. Le bâtiment, d'un classicisme hors du temps, joue de l'épaisseur de ses parois revêtues d'un calcaire à grain fin minutieusement calepiné et d'un portique à colonnade en surplomb sur le bassin de Olivais. Il sert de point d'ancrage à l'impressionnant voile de béton qui couvre « l'aire de cérémonies », grande fenêtre ouverte sur le Tage et la mer.
Océanorium. Planté dans le bassin comme un engin portuaire, l'Océanorium, ou pavillon des Océans, est l'oeuvre de l'américain Peter Chermayeff. Il affiche la technicité requise par son contenu : cinq aquariums, dont l'un géant, recréent les conditions d'habitat de la faune et de la flore marines de chaque partie du globe.
Pavillon de la Connaissance des mers. Plus au sud, le pavillon de la Connaissance des mers (futur musée des Océans) dresse le grand volume opaque de sa nef, dont l'intérieur évoque une cale sèche.
Pavillons internationaux. Puis, regroupés entre le môle du nouveau port de plaisance et un « jardin d'eau », les pavillons internationaux sont abrités par des ombrières de bois et d'acier laqué blanc. Dans cette deuxième zone internationale se trouve le pavillon français. La scénographie de Philippe Délis y valorisera la diversité de nos savoir-faire maritimes et occupera 2 000 m2 dans les constructions démontables types de l'Expo'. Simples et sobres, celles-ci sont constituées d'une structure modulaire en acier de 18 X 18 m sur 9 m de hauteur, avec remplissage de panneaux bois-béton (Viroc) revêtus de films à impressions colorées.
Quartier d'affaires. A proximité, mais hors de l'enceinte, quelques grands immeubles hôteliers ou tertiaires préfigurent le quartier d'affaires qui doit succéder aux actuels parkings de visiteurs. De même, le long du Tage, les premiers immeubles (promotion privée) sortent de terre au nord et au sud de l'exposition. Deux mille logements seraient déjà construits. Au nord, un parc de 80 ha (George Heargraves et Joao Nunes), prolongé au-delà du pont Vasco de Gama, occupera à terme la rive marécageuse.
Un quartier enclavé?
Il est encore difficile pour l'instant de se faire une idée juste de l'aspect final du site, tant sont nombreux les ouvriers - environ 6 000 - qui s'y pressent avec leurs engins. Ces signes du retard considérable pris par le chantier laissent de marbre les responsables de Parque Expo'98, sûrs que tout sera prêt pour le 21 mai. Mais on voit déjà qu'avec les nombreux vides qu'elle autorise, la trame pombalienne réussit magnifiquement à absorber la diversité des écritures architecturales tout en ménageant sans cesse des vues sur le Tage. On peut rester dubitatif en revanche sur sa capacité à franchir, en dépit de nombreux passages sous voûtes, la muraille que constitue la voie ferrée. L'enclavement serait-il le destin inéluctable des quartiers reconquis, tels Bercy ou Paris-Rive-Gauche, sur les rives de nos vieux fleuves industrieux ?