Fiche pratique n°5 : contrats de partenariat - La cession de créances

Le rôle majeur joué par la cession de créances dans le cadre des contrats de partenariat (CP) a justifié la mise en place d'un mécanisme spécifique visé à l'article L. 313-29-1 du Code monétaire et financier (cession de créances PPP). Néanmoins, les incertitudes portant sur ce dernier ont conduit à une utilisation marginale par les acteurs du marché. Il est dès lors peu surprenant que le législateur ait souhaité se saisir de la réforme des CP pour le sécuriser et renforcer la cession de créances PPP. Il s'agit là d'un apport significatif de la loi n° 2008-735 du 28 juillet 2008 relative aux CP.

A l'instar de tout créancier, le titulaire d'un contrat de partenariat dispose, en vertu de ce dernier, de créances sur la personne publique qu'il peut mobiliser, notamment, par le biais de la cession de créances dénommée « cession Dailly » et reposant sur les articles L. 313-23 à L. 313-29 du CMF.

Qu'est-ce que la notion de cession Dailly ?

La cession Dailly s'opère à la date portée sur le bordereau et est directement opposable aux tiers sans formalisme (mesures de publicité) particulier.

Les textes offrent en outre toute une panoplie de mécanismes formels permettant au cessionnaire de sécuriser encore davantage sa situation. Ainsi, en notifiant la cession au débiteur cédé, il lui interdit de se libérer auprès du cédant. De même, en obtenant du débiteur cédé, via la signature du bordereau, l'acceptation de la créance, le cessionnaire bénéficie d'un droit de créance ne pouvant plus être affecté par l'évolution du rapport d'obligations liant le cédant et le débiteur cédé.

Autrement dit, ce dernier ne peut plus se prévaloir vis-à-vis du cessionnaire « [des] exceptions fondées sur ses rapports personnels » avec le cédant « à moins que le [cessionnaire], en acquérant ou en recevant la créance, n'ait agi sciemment au détriment du débiteur ».

La cession Dailly avec acceptation conditionnelle constitue une catégorie consacrée par la jurisprudence permettant au débiteur cédé de conserver le bénéfice de l'exception d'inexécution si une telle condition figure dans l'acte d'acceptation même.

Certaines règles classiques de droit public et de comptabilité publique - règle du service fait, règle d'ordre public selon laquelle une personne publique ne peut être condamnée à payer une somme qu'elle ne doit pas, règle de l'unité de décompte dans les marchés publics - auraient pu a priori faire obstacle à la validité de l'acceptation de la cession de créances par une personne publique, mais le juge administratif en a décidé autrement.

Comment fonctionne la cession de créances dans les CP ?

Conformément aux articles de l'ordonnance du 17 juin 2004 et aux articles L. 1 414-1et L. 1 414-12 du Code général des collectivités territoriales, les CP reposent sur une rémunération versée par la personne publique à son cocontractant, le second disposant ainsi de créances sur la première.

La mobilisation des créances issues du contrat de partenariat , principalement par le biais de la cession de créances, constitue ainsi l'opération juridique par laquelle le créancier cocontractant (cédant) transfère à un tiers établissement de crédit (cessionnaire) les créances contre son débiteur personne publique (débiteur cédé).

Au-delà de l'opération juridique en apparence simple, la cession de créances participe directement du montage financier du projet en permettant l'optimisation du financement de l'opération via la réduction des taux d'intérêt. En effet, le ou les prêteurs ayant, au travers de ce mécanisme, pour contrepartie une personne publique, les conditions de taux se rapprochent de celles qui auraient été pratiquées dans le cadre d'un emprunt afférent à la réalisation d'une opération sous maîtrise d'ouvrage publique.

Par ailleurs, compte tenu du quantum sur lequel elle porte, la cession de créances constitue en pratique une garantie majeure pour les prêteurs.

En quoi consistait le mécanisme initial de cession de créances PPP ?

L'ordonnance du 17 juin 2004 sur les CP a créé une catégorie spécifique de cession de créances propre aux CP en insérant dans le CMF l'article L. 313-29-1.

Par différence avec la cession Dailly, la cession de créances PPP :

- ne pouvait porter sur l'intégralité de la créance dont dispose le titulaire du contrat de partenariat sur la personne publique en contrepartie de la réalisation des investissements qui lui sont confiés, mais uniquement sur une part de la créance cédée représentative d'une fraction du coût des investissements ;

- permettait de garantir au cessionnaire, nonobstant l'inapplicabilité des mécanismes de notification et d'acceptation, que la créance cédée lui serait « définitivement acquise » (irrévocabilité) « sans pouvoir être affectée par aucune compensation » (intangibilité) dès lors que la personne publique aurait constaté la réalisation des investissements.

Les modalités de notification aux comptables publics assignataires des cessions de créances PPP ont fait l'objet de dispositions réglementaires insérées aux articles R. 313-17-1 et R. 313-17-2 du CMF.

Quelques incertitudes ont pu entourer l'appréhension par les acteurs du marché, en particulier les prêteurs, de la fiabilité de ce mécanisme telles que, notamment, la notion de coût des investissements - comprend-elle les frais financiers et les autres coûts de financement (commissions bancaires de montage, d'engagement) ? -, le quantum de la part de la créance cédée représentant une fraction du coût des investissements - quel pourcentage maximum ? -, la constatation par la personne publique de la réalisation des investissements par son cocontractant - quelle(s) forme(s) ? - et le traitement juridique de l'autre part de la créance.

Autant de difficultés d'interprétation qui ont pu conduire, semble-t-il dans la majorité des opérations, à privilégier le mécanisme de cession Dailly à celui de la cession de créances PPP, cette dernière étant considérée comme moins sécurisée, ce, alors même que la création de ce mécanisme ad hoc reposait précisément sur une certaine méfiance à l'égard des dispositifs.

La faible utilisation de ce mécanisme dédié a ainsi fait partie des principaux enjeux de la réforme récente de l'ordonnance du 17 juin 2004, la Commission des lois et la Commission des finances du Sénat étant même d'avis - en première lecture - de proposer purement et simplement sa suppression.

Quel est le nouveau mécanisme de l'article L.313-29-1 du CMF issu de la ?

Tout en alignant leur régime sur la cession Dailly, le législateur n'en a pas moins encadré - en vue notamment de leur fiabilité - les cessions de créances PPP. Il a en effet :

fixé la part maximale de la créance pouvant être cédée.

L'article L. 313-29-1, premier alinéa, du CMF dispose désormais que la créance cédée ne peut excéder 80 % de la rémunération due par la personne publique au titre des coûts d'investissement et des coûts de financement ;

précisé l'assiette de la part cédée.

Le nouveau mécanisme étend l'assiette de l'ancienne cession de créances PPP en précisant que celle-ci est constituée des coûts de financement et d'investissement, ces derniers correspondant eux-mêmes - de façon non exhaustive - aux « coûts d'étude et de conception, (coûts annexes à la construction et (frais financiers intercalaires » ;

organisé une cession conditionnelle.

En effet, l'irrévocabilité de la cession - ou plutôt de son acceptation - demeure subordonnée au contrôle par la personne publique de la réalisation des investissements.

Précisons, à cet égard, que par symétrie, l'article 11, d bis), de l'ordonnance du 17 juin 2004 prévoit désormais que le contrat de partenariat comporte nécessairement des clauses relatives « [aux] conditions dans lesquelles, en application de l'article L. 313-29-1 du [CMF], la personne publique constate que les investissements ont été réalisés conformément aux prescriptions du contrat » ;

limité les possibilités de remise en cause de la cession de créances acceptée à compter de la constatation par la personne publique de la réalisation des investissements conformément aux prescriptions du contrat.

Il résulte, en effet, de l'article L. 313-29-1, second alinéa, du CMF qu'à partir de cette constatation et sauf à ce que le cessionnaire ait agi volontairement au détriment du débiteur cédé en acquérant ou en recevant la créance, cette dernière ne peut être affectée par l'évolution du rapport d'obligations (ni compensation, ni exception) entre le débiteur cédé et le cédant, y compris - et la sécurisation du mécanisme est ici notable -en cas d'annulation, de résolution ou de résiliation du contrat unissant ces derniers ;

visé expressément une règle classique en matière de finances publiques, à savoir la prescription quadriennale des créances publiques.

A l'aune de ce qui précède, il semble qu'une mise à jour de l'article R. 313-17-2 du CMF soit rendue nécessaire par l'entrée en vigueur des nouvelles dispositions gouvernant la cession de créances PPP, cet article se référant toujours à la « part représentant une fraction du coût des investissements, définie en application de l' ».

Nonobstant cet ajustement d'ordre réglementaire, force est de constater que les modifications législatives précitées paraissent de nature à répondre aux demandes de clarifications issues de la pratique du précédent dispositif.

On peut toutefois s'interroger sur l'opportunité de l'instauration d'un plafond de 80 % représentant la part maximale de la créance cédée. Afin que l'objectif poursuivi par le législateur soit respecté - à savoir le maintien du partenaire en risque en laissant au moins 20 % de sa créance insusceptible d'être cédée en application des articles L. 313-23 à L. 313-29 du CMF -, il conviendrait que la fraction non cédée demeure à risque et puisse être effectivement imputée par des pénalités.

Faute de quoi, la personne publique en viendrait à payer probablement plus cher une prestation globale que l'absence de plafond aurait permis d'optimiser financièrement.

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