Huit conseils pour réussir un dialogue compétitif de maîtrise d’œuvre

La procédure de dialogue compétitif a été élargie à la maîtrise d’œuvre par le décret du 25 août 2011 modifiant le Code des marchés publics. Il s’agissait en partie de combler un vide causé par la disparition en 2010 des marchés de définition. Mais il reste délicat à mener et ne remplace pas totalement l’outil disparu.

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Maitre d'oeuvre

Introduit pour la maîtrise d’œuvre à l’article 74 du Code des marchés publics, le dialogue compétitif permet à un maître d’ouvrage qui ne peut pas définir précisément ses besoins ni son projet de consulter plusieurs équipes en vue d’obtenir des propositions  sur les solutions envisageables. A la fin du dialogue, les candidats remettent une offre qui servira de base à un marché de maîtrise d’œuvre ultérieur.

Il n’est possible de recourir à la procédure du dialogue compétitif que sous certaines conditions générales posées à l’article 36 du Code des marchés publics. La commande doit en effet être complexe. Autrement dit, le pouvoir adjudicateur « n'est objectivement pas en mesure de définir seul et à l'avance les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins » et/ou il « n'est objectivement pas en mesure d'établir le montage juridique ou financier d'un projet ».

1/ Respecter les conditions d’utilisation spécifiques à  la maîtrise d’œuvre

Aux conditions précédentes, s’ajoutent pour la maîtrise d’œuvre d’autres restrictions. Le dialogue compétitif n’est possible que « pour la réhabilitation d'un ouvrage ou la réalisation d'un projet urbain ou paysager » (article 74 du Code des marchés publics).

2/ Penser à la prime, voire au jury

Le maître d’ouvrage doit rémunérer les candidats pour les études menées dans le cadre de cette procédure à hauteur d’au moins 80%. Ces études doivent avoir été demandées et définies dans le règlement de la consultation.

Un jury peut être constitué pour examiner les candidatures et les offres finales. Méfiant à l’égard de la procédure de dialogue compétitif à laquelle il n’est « globalement pas favorable » pour des raisons de propriété intellectuelle, l’ordre des architectes préconise de mettre en place un tel jury. « Il apporte, pour Régis Rioton en charge de ces questions au sein du conseil de l’ordre, un point de vue puisqu’il est possible de faire appel, pour sa composition, à des personnalités compétentes selon l’ouvrage ». Des maîtres d’œuvres peuvent en être. En somme, ce jury constitue « une aide » rassurante pour toutes les parties.

3/ Organiser un dialogue étanche

Lors d’une procédure de dialogue compétitif, le maître d’ouvrage discute avec chacun des candidats de manière cloisonnée. Il lui faut donc répéter par exemple plusieurs fois les mêmes réunions avec les différents candidats. Il doit veiller à ne pas révéler ni partager les idées des uns et des autres. Les équipes ne communiquent pas entre elles, ce qui fait perdre en émulation par rapport à ce qu’apportaient les marchés de définition sur ce point.

Tout l’enjeu de la procédure consiste donc, pour François Meunier, architecte-programmiste urbain de l’agence Attitudes urbaines, à « trouver les moyens de susciter un dialogue pertinent tout en faisant en sorte que la maîtrise d’ouvrage puisse exister à part entière ». La maîtrise d’ouvrage doit être forte, « structurée et capable de garantir le respect de la propriété intellectuelle », complète Régis Rioton.

4/ Bien préparer la phase amont du dialogue et faire évoluer sa commande

Même si elle ne sait pas précisément ce qu’elle veut, la maîtrise d’ouvrage « doit problématiser ce qu’elle ne sait pas et préformuler une feuille de route », pour François Meunier. Par exemple pour un projet urbain, elle doit essayer de pressentir certaines interactions entre une métropole et un site sans pour autant savoir comment certaines contraintes peuvent interférer ni quelles solutions apporter.

Au fur et à mesure du dialogue, la maîtrise d’ouvrage a intérêt à mener une réflexion en parallèle, notamment avec les élus et ses  propres services de façon à faire évoluer sa commande et à nourrir ses recadrages.

Par ailleurs, la mission interministérielle pour la qualité des constructions publiques (Miqcp) recommande « dans un souci d’efficacité » d’utiliser le dialogue compétitif en procédure restreinte avec une étape de sélection des candidats. Elles préconise aussi de retenir au moins trois équipes candidates.

5/ Oter la pression aux équipes

Pour François Meunier, « s’il n’y a pas de marché de maîtrise d’œuvre en jeu à l’issue du dialogue, la pression est moindre. Les équipes candidates jouent alors davantage le jeu de l’échange ». Et seront moins sur la réserve, la rétention d’informations…

6/ Instaurer la progressivité dans le travail

Le dialogue doit répondre à certaines attentes prédéfinies par le maître d’ouvrage dans une feuille de route. Le maître d’ouvrage doit donc amener les candidats à partager un diagnostic commun, soit « un socle d’invariants en effectuant régulièrement des mini-recadrages », estime François Meunier. Cela évitera que les équipes prennent des chemins contradictoires ou que la réflexion mène à des impasses.

7/ Eviter l’effet tunnel

Les équipes ne se rencontrent pas pendant la phase de dialogue proprement dite, limitant de fait d’éventuelles interactions pouvant enrichir la réflexion comme le marché de définition le permettait. Il existe cependant des moments où le maître d’ouvrage a la possibilité de réunir tous les candidats. La Miqcp encourage les maîtres d’ouvrage à organiser une réunion avec les candidats, sur le territoire du projet urbain, avant le début de la phase de dialogue. Cette réunion doit être prévue dans le règlement de consultation. Elle est l’occasion pour le maître d’ouvrage de présenter ses attentes et ses objectifs et pour les candidats de poser toutes les questions.

Ensuite, pour la phase des entretiens, le maître d’ouvrage « peut demander à chacun des candidats s’il autorise à diffuser des éléments apportés dans le dialogue à l’ensemble des candidats », estime la Miqcp (1).

8/ Se cantonner à la procédure de dialogue compétitif

Le dialogue compétitif étant une procédure de consultation, le maître d’ouvrage dispose de moins de marges de liberté que celles dont il disposait dans les marchés de définition. Les candidats sont en concurrence, il n’y a pas de contrat. En d’autres termes, il faut éviter d’organiser des événements parallèles pouvant avoir une influence sur la compétition. Pour la Miqcp, la phase de concertation publique devra par exemple s’être déroulée en amont de la procédure de dialogue compétitif.

(1) Fiche Médiations n°23, octobre 2011 "De nouvelles règles pour la passation des marchés publics en matière de construction publique et de projets urbains"

Retrouver notre article "Les outils pour remplacer les marchés de définition", dans "Le Moniteur" n°5652 du 23 mars 2012.

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