Interview

"Il faudrait aller vers un DTU douche sans ressaut pour limiter les risques de sinistralité", Philippe Estingoy, AQC

Les douches zéro ressaut, obligatoires dans les logements neufs depuis 2021, ont fait l'objet d'un guide technique publié par le CSTB l'été dernier afin d'accompagner les acteurs de la promotion et de la construction. Mais pour Philippe Estingoy, directeur général de l’Agence qualité construction (AQC), le document ne balaye pas les craintes exprimées depuis l'origine quant aux solutions techniques disponibles pour répondre aux exigences réglementaires.

Réservé aux abonnés
Image d'illustration de l'article
Philippe Estingoy, directeur général de l'Agence qualité construction

Quel regard portez-vous sur le "Guide pour la mise en œuvre d’une douche accessible « zéro ressaut » dans les salles d’eau à usage individuel en travaux neufs" du CSTB ?

Ce guide confirme ce que j’ai dit il y a deux ans : les solutions techniques pour réaliser ces douches de façon massifiée en limitant l’occurrence des désordres liés à des infiltrations d’eau, aux bruits ou aux problèmes de relation de voisinage, n'existent pas toutes. Un travail d’analyse très poussé des enjeux et des questionnements qui surgissent a été effectué dans ce guide en mobilisant de nombreux professionnels ; mais celui-ci ne donne pas les solutions techniques de détails pour la réalisation des douches zéro ressaut entre deux étages qui n’ont pas de lien de propriété. Et d'ailleurs, la première page du guide est explicite sur ce point : elle indique que c’est une version provisoire en attente de solutions techniques complémentaires, notamment pour les receveurs finis ou à revêtir en PVC qui ne sont pas évalués à ce jour.

Quels sont ses apports ?

Ce guide se livre à un intéressant rappel de références normatives et précise quelques éléments techniques. Par exemple, la zone aspergée doit présenter une pente minimale de 1 %. Cette caractérisation a son importance car l'angle de la pente augmente l’épaisseur de la dalle et donc les surcoûts.

Autre sujet, l’obligation d’une étanchéité généralisée de l’ensemble de la salle d’eau pour éviter les désordres liés à l’eau. Du fait de la présence de parois des douches cloisonnées, cette exigence d'imperméabilité n'était pas nécessaire auparavant.

Enfin, des dispositions doivent être prises quant au choix des revêtements de sol et notamment de leurs caractéristiques de résistance à la glissance pieds nus. Il ne faut pas qu’il y ait trop de différentiel de glissance entre la zone douche et la zone hors douche. Là encore, cette exigence n'existe pas pour le moment avec les douches cloisonnées car il est de la responsabilité de l’utilisateur de ne pas mettre d’eau dans la partie sèche. Cette réflexion sur la glissance est très pertinente mais n'est pas aboutie. Il faudra faire bouger les normes de références produits sur ce sujet.

Il faut entre 5 et 7 ans pour qu'un DTU sur un sujet aussi complexe sorte!

—  Philippe Estingoy, directeur général de l'AQC

Que faudrait-il pour aider les acteurs de la construction dans la réalisation de ces douches ?

Ce n'est pas l'objet de ce type de guide mais nous aurions aimé disposer d'un rapport qui donne des indications pour optimiser le coût de réalisation de ces douches et connaître les solutions les moins sinistrogènes. Les professionnels ont identifié que ces équipements représentent un surcoût de 2 000 à 4 000 euros par salle d’eau et demandent d'accomplir des gestes très techniques de la part de nombreux corps de métier. Or la gestion de divers intervenants et des interfaces multiplie les risques.

Cette première version du guide propose des éléments de mise en œuvre généraux, il faut maintenant entrer dans le détail de solutions techniques qui permettront dans un second temps de mettre en place des normes produits - notamment pour les siphons. Et ensuite, d'aboutir à la création d'un DTU qui permettra delimiter l'occurrence des désordres. Mais cela prendra du temps, il faut entre 4 et 7 ans pour qu'un DTU complexe comme celui-ci sorte !

Il faudrait également, comme le gouvernement l'a annoncé, des retours d'expérience.C’est sur cette base que l’on pourra alimenter la réflexion sur les difficultés effectivement rencontrées par les acteurs sur le terrain et trouver les meilleures solutions techniques.

Ainsi, dans le cadre du village olympique, Solideo ayant devancé l'obligation, tous les logements sont équipés de douches sans ressaut.  Dans ce cadre une étude sur les douches sans ressaut en construction bois est également en cours, avec la mobilisation de très nombreux acteurs. Un premier bilan pourra être établi fin 2023.

Abonnés
Analyses de jurisprudence
Toute l’expertise juridique du Moniteur avec plus de 6000 commentaires et 25 ans d’historique
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires