Il y a 30 ans, le 6 février 1973, il était 19H46 quand un incendie se déclarait au CES Edouard Pailleron dans le 19e arrondissement de Paris, provoquant l'effondrement total du bâtiment en quelques minutes et ensevelissant 20 personnes dans les décombres, dont 16 enfants.
Le feu avait été mis par deux collégiens en rupture de discipline. Ils s'étaient introduits dans l'établissement et avaient versé du white spirit dans une corbeille à papier avec l'intention de faire flamber le CES mais sans savoir que les locaux étaient utilisés le soir par des élèves du conservatoire voisin.
Ils ne savaient pas non plus que le collège d'enseignement général était de construction modulaire avec ossature métallique non protégée, vides multiples, panneaux d'aggloméré de bois et isolants en polystyrène expansé et qu'il allait totalement s'effondrer en quelques minutes, pendant que se dégageaient gaz toxiques et fumée opaque. Les vingt malheureux n'avaient aucune chance de s'en sortir.
L'incendie provoqua une émotion considérable d'autant plus que très rapidement, grâce à l'action d'une Association de familles des victimes, on apprenait que près d'un millier d'établissements scolaires étaient de construction métallique, assemblés comme des meccanos, présentant le même danger au feu que Pailleron.
Les jeunes incendiaires passaient au second plan et le procès des constructions industrialisées commençait. Celles-ci avaient poussé comme champignons dans les années 60.
Avec la prolongation de la scolarité de 14 à 16 ans, on avait dû accueillir un million d'élèves supplémentaires. En dix ans, on construisit 2350 nouveaux collèges. Il fallait aller vite et, souvent, on préféra ces constructions légères, rapides à monter. Parallèlement, l'Education nationale obtenait une simplification radicale des procédures de contrôle.
Indignation et électrochoc: dès la fin de l'année 1973, un décret instaurait des procédures de sécurité et de contrôle de leur mise en oeuvre. Il fallut cependant attendre 1981 pour que des concours d'architecture soient imposés.
Entre-temps, des responsables des constructions de l'Education nationale étaient condamnés (puis amnistiés) et l'on commençait à détruire ou réhabiliter les bâtiments scolaires à ossature métallique.
"Le message est passé", souligne Jean-Marie Schléret, président de l'Observatoire national de la sécurité, créé en 1994, et qui, d'enquêtes en recommmandations annuelles, n'a cessé d'enfoncer le clou sur la mise en sécurité des bâtiments et des équipements.
Cependant, il reste encore des centaines de bâtiments scolaires de construction industrialisée, même s'ils ont tous été l'objet de travaux.
Et, témoin de cette persistance des erreurs des années 60, plusieurs incendies ont ravagé des bâtiments identiques au CES Pailleron, sans cependant jamais faire de morts. Le dernier en date s'est produit en mars 2001 dans un collège de Bavay (Nord), dont le centre de documentation était de type Pailleron. Lui aussi s'est effondré comme château de cartes. Et là aussi, le feu avait été mis par deux collégiens qui "en avaient marre de l'école"...