Installation de cinq plateformes mobiles au Palais-Royal pour la fondation Cartier

Cinq plateformes mobiles de près de 250 t chacune se déploient au Louvre des antiquaires afin d'accueillir la Fondation Cartier.

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Dans les cours intérieures du monument historique, des poteaux métalliques de 11 m de haut ont été acheminés par des grues géantes afin de supporter les plateformes mobiles et les verrières.

Un besoin d'espace pour présenter les 4 500 pièces de sa collection d'art contemporain a incité la Fondation Cartier à déménager. Elle va donc quitter son emblématique bâtiment du boulevard Raspail (Paris XIVe ) pour poser ses valises place du Palais-Royal (Paris Ier ), dans l'ancien Louvre des antiquaires. L'enveloppe de cet édifice haussmannien, un îlot entier long de 150 m édifié en 1855, a été traitée avec les précautions requises par son classement au titre de Monuments historiques.

A l'intérieur en revanche, son volume a fait l'objet d'un grand ménage. Les 280 boutiques qui en occupaient les étages bas jusqu'en 2018 ont disparu, pour laisser place à un espace d'exposition de 6 500 m². Les possibilités scénographiques y seront multipliées grâce à cinq plateformes mobiles. C'est bien « une machine au service de l'art » que son architecte Jean Nouvel a imaginé pour exposer les collections de l'institution.

Reprise structurelle

Pour bien comprendre ce chantier d'envergure, un retour en arrière s'impose. Dès 2020, la première partie des travaux est engagée, sous la maîtrise d'ouvrage de la Société foncière lyonnaise (SFL), propriétaire de l'immeuble, pour traiter la structure principale ainsi que le clos-couvert. Après un an de désamiantage et de démolition, l'entreprise Petit s'est attelée aux reprises structurelles en avril 2021.

« Les voiles qui portent les bâtiments de bureaux des étages supérieurs ont été équarris pour les réduire à sept poteaux cylindriques afin de libérer les volumes du musée », explique Mathieu Forest, architecte et directeur de studio pour les Ateliers Jean Nouvel (AJN). Ces travaux ont été réalisés en horaires décalés, « afin de garantir la continuité de services des bureaux occupés durant toute la durée du chantier », pointe-t-il.

En parallèle, les compagnons ont réalisé des fondations sur micropieux sous les deux niveaux existants de parking. « Dessus s'appuient des poteaux en béton en infrastructure puis en charpente métallique dans le volume d'exposition. Hauts de 11 m, ils ont été livrés d'un seul tenant avant d'être hissés au-dessus des toits au moyen d'une grue géante », se remémore Cyril Desroche, lui aussi architecte et directeur de projet aux AJN. Et d'ajouter : « Ces poteaux portent les charpentes des nouvelles verrières, insérées dans trois des quatre cours intérieures. » Leur structure comporte une poutre de couronnement de 1 m de haut et des poutres-jardinières transversales de 16 à 20 m de long, plantées de jeunes arbres.

Alignement parfait

La deuxième étape du chantier, démarrée au printemps 2022, était cette fois portée par la Fondation Cartier, titulaire d'un bail de vingt ans. Elle a consisté à aménager l'intérieur sur trois niveaux, du - 1 jusqu'au premier étage, soit 16 000 m² de surface. C'est durant cette période qu'ont été installés les cinq grands plateaux mobiles d'acier, soit 1 200 m² au total.

Les contraintes pour leur conception et leur fabrication étaient millimétriques. « Chaque plateforme doit s'aligner parfaitement avec ses voisines, ainsi qu'avec les coursives périphériques, avec des seuils et des ressauts inférieurs à 2 cm », souligne Mathieu Forest. Ceinturées de poutres de couronnement, elles prennent appui aux quatre angles sur les mêmes poteaux et fondations que ceux conçus pour supporter les charpentes des verrières. « Si l'une de ces jambes de force subit des tassements différentiels, c'est tout le système qui ne fonctionne plus », souligne Cyril Desroche. Ce défi majeur a été relevé par le charpentier SMB lors de la préfabrication des plateformes dans ses ateliers de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor). Ensuite, sur place, un système de palans a servi à acheminer les poutres métalliques depuis les portes d'entrée jusqu'à leur emplacement. Elles étaient alors assemblées sur des étais par boulonnage et par soudure, avant l'intégration des éléments de machinerie. Ce n'est qu'après cette étape que les équipes pouvaient couler les dalles en béton sur des planchers collaborants.

L'ouverture prochaine de l'institution, tout juste livrée, est annoncée pour le 25 octobre prochain, « avec l'exposition inaugurale qui présentera une sélection emblématique des œuvres de notre collection et témoignera de 40 années de création », annonçait en octobre dernier Alain Dominique Perrin, le créateur de la Fondation Cartier pour l'art contemporain.

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Un grand volume à désenfumer

L'espace muséal de la Fondation Cartier affichera des dimensions impressionnantes : 150 m de long pour 11 m de haut, et surtout, de multiples possibilités d'agencement autorisées par ses cinq plateformes mobiles. Dans ce contexte, assurer la sécurité incendie représente un défi. « Devant l'impossibilité de cantonner les volumes, nous avons mandaté le bureau d'études Lisi pour réaliser l'ingénierie de désenfumage. En l'occurrence, il s'agit de simuler numériquement le comportement des fumées à partir de scénarios de la préfecture de police », explique Cyril Desroche, architecte aux Ateliers Jean Nouvel.

Résultat : l'ensemble de l'édifice sera désenfumé en même temps au moyen de grilles d'extraction conséquentes.

Une opération complexe à réaliser puisque la partie supérieure du bâtiment ne fait pas partie du chantier. Il a pourtant fallu y reconstruire des gaines, créer des trémies jusqu'en toiture, et installer des ventilateurs pour évacuer les fumées.

Informations techniques

Maîtrise d'ouvrage : Cartier et Cie.

Maîtrise d'œuvre : Ateliers Jean Nouvel (architecte). BET : Terrel (structure bâtiment), Setec (structure, plateforme, fluides, ascenseurs), ISM (mécanique et structure), Ducks Scéno (scénographie), Tess (façades), L'Observatoire international (éclairagiste), Avel (acoustique), Ingénieurs et Paysages (paysage).

Groupement d'entreprises : Petit, filiale réhabilitation IDF de Vinci Construction (entreprise générale, mandataire), SMB (charpente), Tambè (mécanisme), Tunzini (CVCD).

Bureaux de contrôle : BTP Consultants, Veritas.

Surface : 16 000 m² SP, dont 6 500 m² d'exposition.

Coût de l'opération : 230 M€.

Plateformes mobiles : de lourdes machineries dans un édifice ancien

«Mobiles, les cinq plateformes d'exposition de la future Fondation Cartier logées dans l'ancien Louvre des antiquaires doivent se déplacer verticalement sur 11 m, et s'arrêter sur différentes positions », indique Cyril Desroche, architecte aux Ateliers Jean Nouvel. Avant de préciser : « Leur charge d'exploitation - d'une capacité de 1 t/m² afin de pouvoir y poser des œuvres monumentales comme celles en acier de Richard Serra - a dicté leurs dimensions. » A ce défi s'ajoutait une autre contrainte : loger les mécanismes dans la hauteur de la plateforme sans dépasser 1 m, faute d'espace technique disponible.

« Pour respecter ce cahier des charges, nous avons étudié et réalisé la structure des plateaux avec des poutres reconstituées soudées (PRS) de 750 mm d'épaisseur », indique Christophe Malle, responsable du chantier pour le charpentier SMB. La mécanique de levage, avec des treuils munis de tambours d'enroulement de 55 cm de diamètre pesant chacun 1 t, s'intègre entre ces éléments », précise Patrice Mathiot, président de Tambè, société spécialiste de la mise en œuvre d'équipements scéniques, qui a dû changer d'échelle de projet pour relever le défi. Afin de garantir la sécurité du dispositif à l'intérieur du bâtiment, treuils, câbles et points d'attache ont tous été doublés.

Près de 1 000 capteurs.

In fine, chaque plateforme pèse 1 t/m² (soit 350 t pour la plus grande), un poids égal à leur capacité portante. Quant aux éléments de pouliage pour les lever, ils s'insèrent dans les poteaux métalliques, qui ont été dédoublés pour les accueillir.

Les données de près de 1 000 capteurs devront être vérifiées avant de procéder au déplacement, qui prendra deux heures. « Pour bloquer une plateforme sur une position, chacune d'elles possède quatre blocs verrous de 3,5 t en acier forgé dans lesquels sont insérés quatre doigts d'indexage. Une fois à la bonne hauteur, ceux-ci prennent appui sur les poteaux structuraux », complète Frédéric Delphin-Poulat, responsable des opérations pour Tambè. Une maquette 3D a permis d'affiner la géométrie du dispositif au millimètre près.

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