Décryptage

Installations classées - Les bureaux d'études, nouveaux garants des cessations d'activité

De la mise en sécurité à la remise en état d'un site, ces acteurs vont jouer un rôle clé dans le contrôle des exploitants.

 

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L' d'accélération et de simplification de l'action publique, dite « Asap », a modifié certaines dispositions du Code de l'environnement relatives à la cessation d'activité des installations classées pour la protection de l'environnement (ICPE). Sa mesure phare consistait notamment à instaurer l'obligation pour l'exploitant d'une ICPE de faire attester, par un bureau d'études certifié ou équivalent, « de la mise en œuvre des mesures relatives à la mise en sécurité ainsi que de l'adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site, puis de la mise en œuvre de ces dernières ».

Les modalités d'application de cet article devaient être précisées par un décret. C'est chose faite avec le , lequel modifie et clarifie le processus de cessation d'activité d'une ICPE et les obligations qui pèsent à cette occasion sur les exploitants de sites industriels.

Champ d'application

Les installations concernées par les nouvelles obligations - qui entreront en vigueur le 1er juin 2022 - sont essentiellement celles soumises à autorisation ou à enregistrement. Pour celles relevant de la déclaration, seules 128 catégories d'ICPE devront simplement joindre une attestation de mise en sécurité rédigée par un bureau d'études certifié : ce sont logiquement les installations qui présentent le plus de risques de pollution (stockages d'hydrocarbures ou de liquides inflammables, fonderies de métaux, installations de fabrication de charbon de bois, etc. ). Elles sont limitativement énumérées au nouvel (C. env.).

Définitions. Le décret définit tout d'abord pour la première fois les notions de cessation d'activité (nouvel ), de réhabilitation ou remise en état ; le terme dépollution reste bien absent des textes. Quant à la notion d'usage, qui conditionne l'étendue de la réhabilitation des sites, c'est la loi Climat et résilience qui la définit ().

Clarification des étapes de la cessation d'activité

Le décret clarifie ensuite les étapes de la cessation d'activité des ICPE.

Mise en sécurité. Désormais, lors de la notification de la cessation de son activité (dans les trois mois avant l'arrêt effectif), l'exploitant devra préciser le calendrier des mesures prises ou prévues pour la mise en sécurité du site (). Dès que celles-ci auront été mises en œuvre, l'exploitant devra les faire attester par un bureau d'études certifié dans le domaine des sites et sols pollués - ou disposant de compétences équivalentes en matière de prestation de service dans ce domaine - puis transmettre l'attestation à l'inspection des installations classées.

Mémoire de réhabilitation. Au-delà de la mise en sécurité du site, l'exploitant doit ensuite s'assurer - comme c'est déjà le cas aujourd'hui - que les terrains seront compatibles avec le nouvel usage envisagé, soit dans l'arrêté préfectoral d'autorisation d'exploiter, soit après la procédure de détermination conjointe de l'usage futur avec le maire et le propriétaire du site. Il doit pour cela transmettre au préfet, dans les six mois qui suivent l'arrêt de l'activité, un mémoire de réhabilitation ( ). Ce document doit notamment comprendre le diagnostic défini à l'article R. 556-2 du code, préciser les objectifs de réhabilitation, développer un plan de gestion et, le cas échéant, proposer d'éventuelles restrictions d'usage. De plus, l'exploitant devra, a minima, traiter les sources de pollution et les pollutions concentrées dans les sols et les eaux souterraines.

Ressource en eau. Ce mémoire de réhabilitation devra être accompagné d'une attestation, par un bureau d'études certifié, de l'adéquation des mesures proposées pour la réhabilitation du site par rapport non seulement aux usages futurs, mais aussi par rapport aux intérêts protégés par le Code de l'environnement, dont la ressource en eau.

Ce dernier point est particulièrement important car le décret prévoit donc indirectement une obligation pour l'exploitant de vérifier si la pollution générée par ses activités a impacté les eaux souterraines. De plus, si l'installation est à l'origine d'une pollution des sols ou des eaux et que l'exposition des populations situées sur ou à proximité du site ne peut être exclue, l'exploitant devra transmettre son mémoire de réhabilitation et l'attestation du bureau d'études à l'Agence régionale de santé qui disposera alors de quarante-cinq jours pour faire part de ses remarques au préfet.

Une fois qu'il aura reçu le mémoire de réhabilitation et l'attesta tion du bureau d'études - qui peut être le même que celui ayant réalisé le mémoire de réhabilitation - confirmant l'adéquation des mesures proposées, le préfet disposera de quatre mois pour contester ces mesures, son silence valant accord sur les travaux et mesures de surveillance proposés par l'exploitant. A noter qu'en cas de demande d'éléments complémentaires de sa part, ce délai peut être suspendu.

Réalisation des travaux. L'exploitant pourra ensuite mener les travaux prévus dans son mémoire de réhabilitation. Une fois ceux-ci terminés, il devra encore faire attester « de la conformité des travaux aux objectifs prescrits par le préfet ou définis dans le mémoire de réhabilitation ». A noter que si le bureau d'études qui fournit l'attestation peut être le même que celui qui a réalisé le mémoire de réhabilitation, il doit être différent de celui qui a réalisé les travaux. Cette attestation devra être transmise au préfet, au maire et au(x) propriétaires(s) des terrains d'assiette de l'installation.

Surveillance ou restrictions d'usage. Le préfet pourra alors adopter un arrêté prescrivant des mesures de surveillance ou des restrictions d'usage. Sauf opposition ou demande complémentaire du représentant de l'Etat dans les deux mois suivant la transmission de l'attestation, la cessation d'activité sera réputée achevée. Ces nouvelles dispositions permettent ainsi de fixer un terme clair à la procédure de cessation d'activité, ce qui n'existait pas jusqu'ici puisque les directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement (Dreal) étaient censées dresser un procès-verbal de récolement mais sans véritable obligation ni contrainte de délai.

Privatisation des contrôles administratifs ?

L'un des apports principaux de ce nouveau dispositif tient au renforcement du rôle des bureaux d'études qui devront désormais attester, à trois reprises, que les mesures de mise en sécurité ont bien été mises en œuvre par l'exploitant ; que celles proposées dans le mémoire de réhabilitation sont adéquates ; et enfin, que les travaux de remise en état ont été correctement réalisés.

C'est notamment ce qui explique le report au 1er juin 2022 de l'application de ces nouvelles règles : en effet, les bureaux d'études doivent être certifiés conformément à une norme, et leurs attestations correspondre à des modèles définis par un arrêté ministériel. Or, par sa décision n° 428437 du 21 juillet 2021, le Conseil d'Etat a annulé, tant la norme existante () qui devait être modifiée à cet effet, que l'arrêté ministériel qui définissait les modèles d'attestations, faute pour la norme d'avoir été élaborée de manière consensuelle. Il était donc nécessaire de laisser un peu de temps à l'Etat pour reprendre ces textes, et aux bureaux d'études pour obtenir la certification.

Par ailleurs, cette réforme est critiquée en ce qu'elle apparaît comme un désengagement de l'Etat qui délègue en pratique son pouvoir de contrôle et de vérification aux bureaux d'études. Lesquels passent ainsi d'une obligation de moyens à une véritable obligation de résultat. Précisons que le préfet conserve néanmoins la possibilité de revenir vers un exploitant pendant trente ans à compter de la notification de la cessation d'activité si de nouveaux risques pour la sécurité et l'environnement apparaissent.

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