«Les pots d'échappement vont finir par rejeter un air plus propre que celui qu'on respire », bougonne un constructeur de machines. Il n'a pas tort en ce qui concerne deux composants : les poussières de combustion et les oxydes d'azote qui sont dans le collimateur des pouvoirs publics depuis plusieurs années. L'Europe, les Etats-Unis et le Japon imposent un calendrier de réduction par phases de leurs niveaux d'émission qui, entre 2005 et 2016, doivent être divisés par dix ! Dernière étape en date : le 1 er janvier 2012, avec le passage à l'Etape 3B des moteurs dont la puissance est comprise entre 57 et 130 kW (77 et 176 ch), soit ceux que l'on trouve dans la plupart des matériels de chantier.
Etape 3B
Cette réglementation vaut aussi bien pour les moteurs des matériels agricoles que pour les engins de chantier. Et c'est là que le bât blesse. « Le volume du marché des engins de chantier est plus petit que celui des autres, et il englobe des centaines de modèles, dont certains ne se vendent qu'à quelques dizaines d'exemplaires. Les économies d'échelle sont bien plus difficiles à trouver. Proportionnellement, la réglementation pèse plus lourd pour les constructeurs de matériels que pour les fabricants de tracteurs ou de camions », constate Renaud Buronfosse, délégué général du Cisma, le syndicat français des constructeurs d'engins. « Le coût du passage aux nouvelles normes est tel qu'il absorbe une part importante de notre capacité d'investissement et grève notre compétitivité dans les pays émergents à fort développement », dénonce Georg Sick, directeur général de Mecalac. Il est vrai que les bureaux d'études des constructeurs ne travaillent plus que sur ça, au détriment d'autres projets. Car il ne s'agit pas simplement de substituer un nouveau moteur à un ancien : il faut redessiner les capots, revoir les circuits de refroidissement, augmenter la taille des radiateurs, eux-mêmes responsables du bruit de l'engin, etc. Ces conséquences en cascade obligent à redessiner les machines à un rythme effréné : cinq ans pour passer de l'Etape 3A à l'Etape 3B, seulement trois ans pour l'Etape 4. Est-ce économiquement viable ? « Non ! », ont plaidé les constructeurs auprès de la Commission européenne, par l'intermédiaire de leur syndicat, le Cece.
Il reste possible de surseoir à l'échéance un ou deux ans
Ils n'ont pas obtenu de modification du calendrier, mais une augmentation du nombre de machines d'ancienne génération qu'ils ont encore le droit de vendre après le passage aux nouvelles normes. C'est le mécanisme dit de « flexibilité ». « Les petits constructeurs, qui ne fabriquent que quelques machines par an, disposent d'un autre mode de quotas qui leur est très favorable », précise Cosette Dussaugey, secrétaire générale technique du Cisma. A cela s'ajoute la possibilité de stocker des moteurs de l'étape précédente tant qu'ils sont encore en fabrication. Bref : le couperet n'est pas si tranchant et il reste possible de surseoir à l'échéance pendant un an ou deux. Les acheteurs ne s'en plaindront pas car, en fin de parcours, ce sont bien eux qui subissent les conséquences du changement des normes moteur avec des machines de 15 à 20 % plus chères.