L’a’urba fête aujourd’hui ses 50 ans, quel a été son apport majeur sur cette période ?
Crée 18 mois après la loi d’orientation foncière de 1967, c’est l’une des premières agences chargée d’aider la jeune communauté urbaine avec deux ambitions fortes : faciliter la coopération intercommunale, en pleine construction, et inventer un urbanisme métropolitain qui ne soit pas le fait d’un seul architecte mais pluridisciplinaire. Planification, mobilité, urbanisme toutes ces questions étaient déjà posées. L’a’urba a cherché des solutions avec cette interdisciplinarité qui regroupe économistes, sociologues, géographes, comme autant d’intercesseurs entre collectivités, communes, entre elles, et dans leur relation avec la communauté urbaine.
Les gros dossiers sont le reflet d’une époque, où l’a’urba s’est démarquée par une certaine dissonance, voire une impertinence par rapport à la doctrine du moment. L’urbanisme était alors géré par d’anciens directeurs de l’Equipement, qui ont notamment mis en œuvre les schémas directeurs et d’aménagement. Bordeaux a été le trop bon élève à ce moment-là : il fallait fabriquer du sol à construire, sur d’anciens terrains agricoles, et organiser plus ou moins cette urbanisation. Qui s’est fortement étalée en Gironde.
L’agence a accompagné la mutation complète du quartier populaire de Mériadeck et avec Bordeaux Lac a tenté une urbanisation type ville nouvelle. Puis avec Alain Juppé et Francis Cuillier à la tête de l’agence depuis 1995(2), ce fut le développement du tramway. Le vrai apport de l’a’urba, basé sur l’expérience de Francis Cuillier sur le tramway de Strasbourg, a été de mettre l’espace public au premier plan du tramway. Elle a aussi contribué à organiser la cogestion entre les 28 communes, qui ne peut être l’addition des ambitions communales. Le travail est toujours en cours.
« Lutter contre un certain malthusianisme qui pousse à ne pas croître et densifier trop vite »
Quels sont les principaux dossiers en cours ?
Nous poursuivons un gros travail un peu invisible sur les espaces publics. Avec la Métropole, nous travaillons sur les espaces publics ordinaires, pas ceux des grands projets, mais ceux du quotidien, marqués par un habitat aux constructions diffuses. On pousse vers une nouvelle manière de penser l’espace public, avec l’agriculture urbaine, même si c’est aussi un effet de mode. Et surtout la volonté de réduire l’artificialisation et l’imperméabilisation des sols. Les parkings enherbés fonctionnent très bien. Pas seulement dans les écoquartiers.
Nous travaillons aussi à dimensionner et anticiper la logistique urbaine pour optimiser l’utilisation des réseaux de chaleur, qui demandent de gros investissements, donc une densité de logement adéquate. Aux Bassins à flots, le réseau de chaleur est alimenté par une chaudière bois et la récupération des calories des eaux usées.
Nous accompagnons aussi la Fab et la Métropole dans la mise en œuvre des 50 000 logements autour des axes de transport et des 55 000 hectares naturels. Préparer le foncier prend du temps, et les élus ne sont pas tous prêts à densifier. Inventer un quartier autour d’un arrêt de tramway, cela nécessite du temps, des moyens et une volonté politique. Et lutter contre un certain malthusianisme qui pousse à ne pas croître et densifier trop vite.
Rocade et boulevards sont également au cœur de vos études ?
Oui, le succès de notre exposition sur la rocade au sein de l’agence a surpris. C’est un sujet à mettre à l’agenda des politiques : la rocade (44 km), c’est le grand territoire du projet métropolitain pour les décennies à venir. Il faut en revisiter les mobilités (plurimodales) et, surtout, accentuer autour de la rocade une vie économique, commerciale, avec une exigence paysagère afin qu’elle ne soit pas une simple voie de transit. Actuellement nous travaillons sur les passerelles douces et l’utilisation de terrains limitrophes à valoriser. La gouvernance est complexe, la rocade appartenant à l’Etat, certains terrains aux foncières des grands centres commerciaux. Il faudrait intégrer la rocade au sein d’une opération d’intérêt métropolitain.
Quant aux boulevards qui ceinturent la ville, la réflexion est en cours, pour organiser des séquences autour de certaines portes, créer des espaces publics spécifiques pour permettre aux lycéens de déjeuner autrement qu’à même le sol. Ou encore récupérer de petits espaces verts dans l’épaisseur entre deux fronts bâtis, comme le jardin de l’ancienne école normale. D’ailleurs, si l’on veut y circuler en voiture ou à pied et stationner, le tramway ne pourra sans doute pas y passer. Ces 10 km de boulevards, c’est le double du linéaire des quais, cela prendra du temps.
Références :
Les cahiers de la Métropole Bordelaise, CaMBo, le dernier numéro (#14) porte sur les affaires immobilières.
(1) Jean-Marc Offner est directeur général de l’a’urba depuis l’été 2009. Diplômé de l’École centrale (Lille) et de l’Institut d’études politiques (Paris), chercheur à l’Institut de Recherche des transports, il a notamment dirigé le Laboratoire techniques-territoires-sociétés (Latts) de 2000 à 2008.
(2) Francis Cuillier (, directeur de l’Agence de développement et d’urbanisme de l’agglomération Strasbourgeoise de 1990 à 1995, puis directeur de l’a’urba de 1995 à 2009. Grand prix de l’urbanisme en 2006.