L’arme fatale du marketing

La bonne formule de la future relation client ? Valoriser l’activité et le savoir-faire de l’artisan en suivant au plus près son quotidien et en l’impliquant dans des stages de formation au grand public. Coller au quotidien du client

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Trouver de nouvelles différenciations

Après plusieurs années de concentration et de montée en puissance, les réseaux de négociants devront faire de gros efforts pour se différencier entre eux et avec leurs concurrents du bricolage, du discount ou d’Internet.

On a assisté ces dernières années dans l’ensemble des formes de négoce à une course à la taille pour maximaliser les profits par des effets d’échelle. Cette phase de maturation a été marquée par un renforcement de la puissance des acteurs, une professionnalisation du métier et la sophistication des approches d’achat et des systèmes logistiques.

En même temps, des mouvements profonds ont modifié l’environnement du négoce. Du point de vue technique, citons l’assouplissement des processus de production permettant l’élargissement d’une offre produits toujours plus perfectionnée techniquement. Du point de vue de la demande, les exigences des clients, professionnels comme particuliers, en services et en informations se sont démultipliées. Enfin, du côté commercial, la dernière décennie a enregistré l’émergence de concurrences fortes à prix discount et du commerce électronique qui se sont ajoutés à un marché du bricolage toujours en développement.

Mais pourquoi évoquer le passé récent ou le présent pour parler du négoce du futur ?

Parce que dans vingt ans, en limite de l’actuelle phase de maturation, les réseaux auront sans doute trouvé leur point d’équilibre, même s’il y aura alors encore quelques concentrations. Mais globalement plus matures et plus concentrées commercialement (voire plus internationales), les enseignes devront trouver de nouveaux critères de différenciation, entre elles et avec la concurrence exogène. « La question qui se posera alors portera sur la capacité de chaque enseigne de se différencier, souligne Laurent Bourguignon, directeur de missions chez Dia-Mart. Au-delà d’un phénomène actuel comme La Plateforme du Bâtiment visant les artisans multicompétents, verrons-nous l’émergence d’autres concepts ciblant d’autres catégories de professionnels ? Si c’est le cas, cela impliquera des techniques de vente plus pointues ou une recomposition de la segmentation des artisans ou encore l’apparition éventuelle d’autres formules de négoces. »

Christophe Benaroya, professeur et consultant en marketing à Toulouse, est persuadé, pour sa part, que les différenciations se développeront autour de véritables concepts de distribution, seuls capables de donner une cohérence de services. « Cela impliquera, en amont, de disposer d’un concept commercial fort en terme de positionnement de l’enseigne. »

Laurent Bourguignon approuve en partie ce point de vue, mais se montre plus nuancé. « Pour se différencier, on peut créer une marque forte avec un concept commercial et un mix marketing plaisant aux clients. Mais on peut aussi bâtir son avantage au niveau local sur la relation client. Plutôt que de surinvestir sur les agences pour leur donner une identité et un concept de réseau, le négociant se différencie alors en étant détaillant des marques et en apportant le conseil de proximité. »

Autrement dit, il y a-t-il une vraie capacité à se différencier par la normalisation du commerce ; un négoce à concept fort sera-t-il plus opérationnel localement qu’un négoce traditionnel qui possède un bon relationnel client ? « C’est important de le savoir, remarque Laurent Bourguignon, car entre les deux solutions, il y a tous les investissements nécessaires ou non, et donc le niveau de retour sur investissement. »

Concept normé ou proximité au client, quelle que soit la solution de différenciation choisie, le fondamental reste le même : cibler et tenir sa clientèle. De ce fait, ce qui est certain pour le négoce de demain, c’est l’importance que revêtira encore plus qu’aujourd’hui le marketing, c’est-à-dire l’art de la relation client.

Dans sa recherche de valeur ajoutée, le négoce va nécessairement être plus efficace en termes de marketing et services.

Pour être crédible, le négoce aura deux impératifs : une excellence technique, fonctionnelle et professionnelle – il l’a déjà en grande partie et la conservera – et une excellence relationnelle et marketing. Dans ce domaine, il devra choisir entre se placer sur un marketing « d’entrée » (volumes, prix, attraction) à faible valorisation, ou se placer sur un marketing de fidélisation, à marge ; ce qui impliquera pour lui d’avoir une vraie stratégie marketing pour fidéliser les clients, créer de la valeur et se différencier de la concurrence.

« Dans les années à venir, estime Christophe Benaroya, le négoce sera face à la nécessité d’une recherche obsessionnelle de la valeur. Cela impliquera un bouleversement de la conception de l’approche marketing, par exemple en se posant la question : quelles sont les difficultés quotidiennes de mes clients et des clients de mes clients ? Comment puis-je les aider à y faire face ? »

Autrement dit, le négoce devra être capable de mesurer un certain nombre de problèmes quotidiens de ses clients professionnels, comme la question de la trésorerie, la difficulté à répondre à des appels d’offres, ou l’accès à un service téléphonique efficace, etc.

« Cette recherche des problèmes quotidiens des clients est une donnée fondamentale. Car la règle de base du marketing est : là où il y a un problème, il y a une opportunité pour valoriser une offre. Ce qui compte de plus en plus, c’est le lien avec le client, en termes d’apprentissage et d’expériences sur l’agence elle-même. Par cette exploitation de nouveaux gisements merchandising, le négoce va s’éloigner de plus en plus de l’offre de produits bruts. Il va se tourner davantage vers une offre de services à valeur ajoutée. L’objectif sera de valoriser l’activité du client et sa propre activité, via le marketing. Le négoce doit assumer son rôle. S’il veut valoriser, il ne doit pas regretter de vendre plus cher que la concurrence. »

Pour Laurent Bourguignon : « Le grossiste sera amené à prendre en compte la dimension productivité de l’artisan et à se poser les questions : comment bâtir mon offre, transférer mon savoir-faire, soutenir la compétitivité de mes clients professionnels ? »

La formation : service de base

w Informer et former les clients tant professionnels que finaux, est la principale piste pour créer des gisements de valeur ajoutée pour le négoce.

Aider les artisans à gagner en productivité et les valoriser, c’est d’abord soutenir leur notoriété auprès du grand public. Parmi les services qui se développent dans ce sens, il y a la mise à disposition de chaque client professionnel d’une page Internet sur le portail de l’enseigne. Service émergent, ce partage du Web sera totalement banalisé dans une génération.

Dans dix ou quinze ans, la valorisation des travaux des clients professionnels auprès de la population pourra emprunter bien d’autres médias. Le Centre national d’études spatiales de Toulouse, avec lequel travaille actuellement Christophe Benaroya, œuvre sur de nouvelles technologies de communication, venant du Japon et de Corée, notamment des systèmes connectant un réseau de télévision locale au téléphone mobile. « Les prototypes seront prêts fin 2005, début 2006 avec des sites pilotes, précise le consultant marketing. Dans dix ans, cet outil de communication sera couramment employé. »

Actuellement, une pléthore de capacités d’informations est en train de se mettre en place. Dans moins d’une génération, tout réseau de grossistes pourra ainsi disposer d’un canal audiovisuel local pour se promouvoir et promouvoir ses clients professionnels ou proposer des formations grand public.

Former le client final, en partenariat avec l’artisan, est une autre grande piste de valorisation à la fois de marchés et du savoir-faire du professionnel. Certains services sont encore peu rodés dans le négoce. En dehors des show-rooms, les services qui aident en même temps le client professionnel et son propre client particulier sont plutôt rares. Par exemple, comme l’interlocuteur principal du négoce est le professionnel, le grossiste pourrait organiser des séances de formation aux particuliers, via l’entrepreneur.

Ces formations pourraient concerner des travaux basiques : ceux auxquels les particuliers peuvent s’initier en GSB ou qui ne risquent pas de porter ombrage au savoir-faire de l’artisan. Plus valorisants seront les stages sur des solutions techniques qui ne sont pas vendues en GSB ; le négoce se donnant ainsi la possibilité de montrer au grand public l’offre et les techniques professionnelles pour l’attirer et dynamiser les marchés. Exemple typique de ce type de travaux : la domotique. Le particulier n’est pas capable de l’installer complètement. L’objectif pour le négoce est de montrer l’existence des produits et valoriser le travail de l’installateur. L’action marketing revient ici à partager l’information pour motiver l’achat.

Autres sujets de formation appelés à connaître de beaux jours : tous les domaines liés au développement durable et de l’éthique (produits sains, démarche HQE…). Et pour les entrepreneurs que l’organisation de stages « pro » pour les particuliers effraie à cause du risque de perte de maîtrise sur le savoir- faire, Christophe Benaroya a une réponse de spécialiste en marketing : « La rétention d’informations est courante à l’heure actuelle. C’est une mauvaise politique. L’information à délivrer aux particuliers est une question de curseur ». C.Q.F.D.

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