Une fleur dont les pétales sont les douze étoiles de l’Union européenne : le logo de l’écolabel était visible partout le 7 décembre dernier à l’ouverture du salon Couleurs de Paris. Les industriels présents y développaient presque tous la même stratégie de communication autour de leurs certifications vertes. Contraints par la directive COV de revoir leurs formulations, les fabricants ont cherché à valoriser leur effort de recherche et développement, tout en surfant sur la vague de la construction responsable. « Sur un marché très concurrentiel comme les peintures intérieures, la différence se fait notamment sur la labellisation, confirme Michel Plana, directeur marketing d’Onip. Notre communication insiste sur le fait que 90 % de notre gamme est certifiée soit NF, soit écolabel européen. » Ces deux certifications présentent des points communs, à commencer par la prise en compte de l’impact environnemental du produit sur tout son cycle de vie, et la délivrance par l’Afnor. Mais si la NF bénéficie, a priori, d’une plus grande notoriété chez les distributeurs et les artisans, l’écolabel européen tend à devenir le must en la matière. C’est cette certification qu’a choisie la marque Cecil Pro, nouvelle venue sur le marché des peintures bâtiment : « Sur le positionnement premium choisi pour notre lancement, l’écolabel européen apporte, en plus des données environnementales, des garanties techniques pour l’applicateur », explique Frédérique Bruchon. Chez les fabricants qui proposent les deux certifications, l’écolabel européen est réservé au haut de gamme, avec des écarts de prix pouvant atteindre 30 %.
Cet engouement pour les certifications environnementales peut surprendre sur un marché où l’on dit les applicateurs encore très attachés à la glycéro, produit peu écologique s’il en est… « Mais même les peintres qui pouvaient se montrer réticents comprennent aujourd’hui que le passage aux phases aqueuses est irrémédiable, rassure Jean-Pierre Knecht, chef de marché peintures intérieures chez PPG. Les prescripteurs exigent de plus en plus des produits certifiés sur les grands chantiers, les particuliers aussi. Depuis deux ans, nous menons un important travail de formation auprès des artisans, notamment sur la bonne utilisation de l’outillage qui restait un point souvent problématique. » Autre effort pour convaincre les applicateurs : l’amélioration des formulations pour rapprocher les peintures à phase aqueuse des performances des glycéros. Les industriels ont d’abord eu recours aux alkydes à émulsion, qui offrent un meilleur temps ouvert que les acryliques, puis à d’autres formulations mixtes comme le polyuréthane acrylique. « Le marché offre aujourd’hui de nombreuses solutions, chacune présentant ses avantages ; le peintre y trouvera forcément le produit qui lui convient », se félicite Pascal Hoareau, le président du Sipev.
Si bon nombre d’applicateurs ont attendu le dernier moment pour adopter les phases aqueuses, les industriels qui avaient les premiers joué cette carte semblent bénéficier d’un avantage concurrentiel. Chez Astral (AkzoNobel), la gamme HO a connu en 2010 un bond de 20 %. « Nous avons été clairement précurseurs en sortant ce produit il y a une dizaine d’années, constate Juliette Laporte, chef de produits de la marque. L’autre raison du succès, c’est un repositionnement sur les travaux courants, avec de petits conditionnements. » Jusque-là dominante dans le neuf, l’utilisation des phases aqueuses fait petit à petit son trou dans la rénovation. Pas un industriel qui doute aujourd’hui que les applicateurs finiront par basculer totalement sur les phases aqueuses. « Un artisan qui applique dans la même pièce une acrylique pour les murs, et une glycéro pour les menuiseries, voit bien que cette dernière jaunit plus vite. Pour ménager les peintres, on leur a laissé la possibilité d’utiliser des produits solvantés pour les usages spéciaux, mais à terme tout se fera à l’eau », veut croire Sylvain Ripoll, directeur tous marchés de Tollens.
Un nouveau chantier : la pollution intérieure
La réglementation devrait de toute façon accroître la pression vers des produits écologiquement vertueux. Car après la directive COV, et en attendant que Reach n’élimine du marché les substances les plus toxiques, la loi Grenelle impose à l’horizon 2012 un affichage des émissions de COV pour lutter contre la pollution intérieure. « Nous pensons que la problématique santé va devenir de plus en plus importante, et nous nous y préparons dès 2011, insiste Laure Goubet, directrice marketing de Daw Caparol. Notre groupe a de l’avance sur ces sujets puisqu’il développe la marque Capanature en Allemagne depuis 25 ans. » La France semble donc prendre le chemin de sa voisine d’outre-Rhin, où un référentiel santé pour les peintres et les habitants existe depuis quinze ans. Et ce n’est pas un hasard si un autre groupe originaire d’Allemagne, Keim, est le premier à mettre le bénéfice santé au cœur de sa stratégie, après avoir obtenu la première certification A sur la qualité de l’air délivrée par l’Afsset, référente en la matière. Positionné sur les peintures minérales, l’industriel n’utilise, par définition, aucun produit organique. « Le point faible de la directive COV est de ne s’attacher qu’à la composition massique du produit, et non aux émissions dans la durée, détaille Roland Perriot, directeur Keim France. Or une peinture déclarant 1 g/l de COV peut émettre plus de polluants qu’une autre affichant 30 g/l. » Reste qu’après avoir consacré beaucoup d’efforts pour éliminer les COV, nombre d’industriels confient leurs doutes sur le développement d’un marché des peintures santé souvent encore limité aux établissements hospitaliers et scolaires.

