Avec son parc de presses à injecter, Ram Chevilles et Fixations produit des consommables pour des gaines et des tubes. En 1951, Ram (pour Recherche Appareil ménager) fabrique des tringles à rideaux, en fournissant les fixations. Depuis, l’ETI familiale, qui s’est repositionnée comme plasturgiste pour le bâtiment, n’a connu que trois propriétaires. « Je suis toujours en lien avec mes deux prédécesseurs », glisse fièrement Bernard Fournier, actuel président, aux commandes depuis 2009.
L’industriel produit 30 millions de fixations par an pour les segments électrique et sanitaire, distribuées uniquement en négoce. Alors que le marché s’affaisse de 7 %, son activité se maintient en 2024 à un niveau quasi étal (8,9 M€ en 2023). Son unique usine à Wissous (Essonne) produit en 2 x 8 : « Nous adaptons notre production à la demande, nous pouvons produire 30 % de plus, notamment en travaillant de nuit si les commandes s’enchaînent. Nous pouvons même livrer en douze heures si besoin. » Estimant manquer de parts de marché, Bernard Fournier a adressé une tribune (lire ci-dessous) aux distributeurs : « Vous avez un fabricant français à disposition, utilisez-le au mieux. »
Production locale
Pour convaincre de nouvelles enseignes, il mise sur la RSE et le circuit court. Depuis 2022, il a remplacé le plastique de ses packagings par du carton, réduisant l’empreinte carbone par boîte de 65 g de CO2 à 15 g : « Une boîte importée de Chine émet au moins dix fois plus de carbone. » Ses produits sont labellisés Origine France garantie par l’Afnor. Les plastiques sont fabriqués à partir de résine recyclée, le nylon recyclé vient d’Italie. Seul l’acier est importé d’Asie et les alliages sont réalisés sur place. Le reste est français, tandis que les palettes et le scotch sont reconditionnés.
Bernard Fournier estime que les distributeurs favorisent des produits importés. Pourtant, « la différence de coût est négligeable, d’autant que nous garantissons la qualité et le service après-vente. Puisque nous sommes basés en Ile-de-France, les distributeurs n’ont pas besoin de commander des stocks démesurés. Les artisans disent vouloir consommer local, mais les distributeurs ne jouent pas le jeu. Les consommables ne sont pas jugés stratégiques, mais c’est fondamental pour nous. » Pour améliorer sa visibilité, le dirigeant a développé des PLV en carton recyclé afin de souligner l’origine locale de ses produits, mais « nous avons du mal à les pousser en négoce. La communication est notre point faible ».
Écoconception
Le dirigeant revendique l’écoconception : « Nous excluons les fixations bimatières, énergivores et qui ne servent qu’au marketing. » L’entreprise a donc sollicité l’Ademe et BPI France pour acquérir de nouvelles presses électriques, 30 à 40 % plus chères, afin d’améliorer son empreinte carbone. L’industriel a aussi rénové l’isolation de son bâti et installé un éclairage led, en plus d’utiliser un logiciel WMS pour optimiser sa surface de stockage.
Enfin, « depuis longtemps, nous œuvrons à l’emploi local et à l’insertion avec les centres d’aide par le travail (CAT) et les établissements et services d’accompagnement par le travail (Esat). » Sur plus de 100 salariés, une grande partie sont d’anciens détenus ou porteurs de handicaps, notamment pour les postes de conditionnement. Cette politique vaut à l’entreprise le trophée RSE de Socoda en 2024 et une note EcoVadis Or en mai.
Tribune de Bernard Fournier : "Du choix du Made in France à la réindustrialisation il y a un monde"
"Les consommateurs sont clairs : 89 % des Français veulent acheter plus de produits fabriqués en France. Et pourtant… une cheville de fixation peut parcourir jusqu’à 20 000 km avant d’arriver sur un chantier en France. Cela paraît complètement illogique et c’est pourtant une réalité.
En tant que patron d’une PMI française, entreprise de plus 70 ans, qui emploie plus de 100 personnes, j’ai pris la décision cette semaine d’adresser une lettre aux distributeurs. Je veux leur lancer un appel : faites le choix du bon sens économique et écologique. Leur rôle est crucial dans le processus de réindustrialisation. Ils détiennent les clés d’une consommation responsable demandée par les Français et nécessaire à la réussite du Made in France. Ensemble, nous devons offrir à nos artisans et consommateurs des alternatives responsables et durables. Dans un environnement où les produits asiatiques inondent le marché, il est temps d’agir. Et nous sommes prêts à construire cette dynamique avec la profession et l’ensemble de la filière.
Faire le choix de la qualité fabriquée en France est possible. Les entreprises de pose, les artisans et les bricoleurs veulent des produits performants, responsables, et surtout, conçus localement. Ils veulent pouvoir choisir. Et ce sont les distributeurs qui peuvent leur offrir cette alternative !
Il existe des alternatives françaises fiables et compétitives. Il est temps de faire connaître ces solutions et de leur donner la place qu’elles méritent.
Les petits industriels français représentent une véritable richesse pour le pays, leur impact est fort sur les territoires : maintien de l’emploi, formation des jeunes, insertion professionnelle, investissements en R&D, etc. La réindustrialisation ne pourra pas se faire sans les distributeurs. Nous devons tous travailler main dans la main pour parvenir à proposer aux Français ce qu’ils demandent : des produits responsables, performants et fabriqués ici en France !"
Paru sur Economie Matin, le 17 avril 2025.
