Brocs et biffins s'agitent sur leurs stands du marché aux Puces de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis). Un peu plus loin, dans la quiétude de la rue Eugène-Lumeau, les collaborateurs de l'agence RMDM accèdent à leur bureau comme ils s'engouffreraient dans leur maison, par la cour puis la cuisine. Et ressortent aussitôt par la fenêtre pour se poser dehors avec un café. Trois ans auparavant, l'agence se situait à deux rues de là, au sein même d'un entrepôt des Puces. A l'étroit, les architectes ont cherché un lieu dans le quartier pour construire de nouveaux locaux en autopromotion. Les trois associés se sont réparti les tâches : Alexandre de Muizon a trouvé le terrain, Eric Dolent s'est occupé du projet et Philippe Maillols de la gestion administrative.

La dent creuse en « L » de 200 m2 est entourée de maisons aux jardinets imbriqués les uns dans les autres. Au lieu de se raccorder sur la rue aux deux pignons voisins, ils choisissent de libérer une cour de 50 m2 . Le petit immeuble en R + 4, qui abrite quatre appartements au-dessus de l'agence, affiche sur le côté et à l'arrière une volumétrie en gradins dégageant des terrasses. « Comme nous sommes à bonne école avec les promoteurs, nous avons maximisé les surfaces, tout en créant des courtoisies envers chacun des voisins afin qu'ils soient heureux de nous voir arriver », explique Eric Dolent. Pour faciliter le chantier dans cette rue exiguë, ils optent pour une structure mixte, poteaux et planchers en béton, façade à ossature bois avec un bardage en douglas lasuré noir. Malgré les vis-à-vis, ils prennent le parti de dessiner d'immenses baies - mais avec vitrage réfléchissant. Eric Dolent pensait s'installer dans le duplex aménagé au sommet. « Puis j'ai compris que je n'avais aucune envie de vivre au-dessus de mon bureau. Je ne serais plus jamais sorti d'ici… »

Nouvelle dynamique. A l'intérieur, entre béton brut et contreplaqué de bouleau, règne la sobriété, caractéristique du travail de RMDM qui réalise majoritairement d'élégants logements collectifs en Ile-de-France. « La livraison de l'agence a coïncidé avec le moment où nous avons connu un développement extrêmement important. Ce lieu nous a placés dans une autre dynamique et les projets ont suivi. Il a changé le regard des maîtres d'ouvrage : c'est comme si nous avions déjà réussi. Cet investissement a été déclencheur, même pour nous », confie Eric Dolent. Ces bureaux les ont également rendus plus attractifs au niveau des recrutements. Car jusque-là, les jeunes architectes rechignaient à venir travailler en banlieue. Depuis l'installation, l'équipe est passée de 6 à 16 membres.

Si aujourd'hui les trois associés travaillent sous la verrière du rez-de-chaussée, il n'en a pas toujours été ainsi. « Au départ, nous partagions l'open space du premier étage avec les autres mais nous nous sommes rendu compte qu'ils étaient plus à l'aise quand nous n'étions pas sur leur dos ! » précise Eric Dolent. Quant aux réunions, elles se déroulent au sous-sol… ou sur la grande table de la cuisine.

« Ce bâtiment a modifié les relations entre collaborateurs », raconte Luc Marguerite, architecte à l'agence, qui en a suivi le chantier. Des pots et des barbecues animent souvent la cour. « Nous vivons tous dans des micro-appartements. Ici, c'est comme une maison où l'on a envie d'ajouter des luminaires, des plantes… » confirme Ariane Levy, organisatrice en chef des festivités.

En véritables Audoniens, les architectes de RMDM participent à l'intense renouvellement de leur ville. Après avoir livré 83 logements avec Bouygues Immobilier dans le nouveau secteur de la ZAC des Docks, ils viennent de déposer le permis de 130 logements supplémentaires avec Emerige. Et même si, par manque de temps, Eric Dolent n'assiste plus aux déballages des marchands, il continue d'aller aux Puces le week-end.
