Comment qualifieriez-vous la conjoncture actuelle pour les électriciens ?
Jean-Claude Guillot : En termes de volume, l’année 2012 a été satisfaisante. En revanche, en termes de résultats, les entreprises ont plus souffert que prévu. Et 2013 sera une année certainement plus difficile encore tant en termes de volume que de résultats pour nos entreprises. Comme dans les autres métiers du secteur de la construction, nos entreprises souffrent du manque d’activité, de l’état précaire de leurs trésoreries et du peu de visibilité sur les activités de demain. Nous traversons une période charnière et nous avons pour l’instant du mal à nous y faire.
J.-C. G. : Nous serons sortis de cette situation difficile lorsque nos entreprises retrouveront des marges. Le reste, ce sont des écrans de fumée. Bien sûr, réduire le temps de production du décompte général définitif (qui peut prendre jusqu’à dix-huit mois) est une très bonne initiative. Mais cela ne règlera pas tout. Idem pour le CICE. C’est une bouffée d’oxygène provisoire, mais cela ne créera pas un équilibre de marché.
J.-C. G. : Avant toute chose, croire que nous retrouverons, après la crise, une situation similaire à celle que nous connaissons, me paraît être une erreur. Le marché de l’installation électrique se présentera alors dans une configuration nouvelle. Il vaudrait d’ailleurs mieux parler de «mutation» plutôt que de «crise». Il est très important que nos adhérents intègrent cette donnée.
J.-C. G. : Ne nous cachons pas derrière notre petit doigt : la mondialisation offre un contexte que l’humanité n’a jamais connu auparavant. Il est donc particulièrement compliqué de faire des prévisions. C’est pourquoi nous devons développer notre capacité d’adaptation pour nous préparer aux mutations du marché, notamment, sur le front de la transition énergétique.
J.-C. G. : Le gros changement, c’est bien sûr le fait que la RT2012 exige un résultat final en termes de perméabilité à l’air. Et les électriciens sont fortement impactés par le coefficient de conversion utilisé pour passer de l'énergie électrique finale à l'énergie primaire, fixé à 2,58 dans le cadre de la RT2012. Pour défendre nos solutions de chauffage électrique, nous devrons travailler en forte collaboration avec le maître d’ouvrage et les concepteurs des installations de chauffage, car c’est au moment de la conception du bâtiment que tout se passe. Afin que l’électricité regagne des parts de marché par rapport au gaz. Dans le logement, la part du chauffage électrique est tombée de 80 à 20% en quelques années. Nos adhérents sont donc de plus en plus nombreux à élargir leur activité au chauffage gaz, clairement avantagé par la RT. Mais, avec l’ensemble de la filière, nous pourrons réaliser des installations de chauffage électrique dans le logement neuf, conformes à la RT2012.
J.-C. G. : En matière de rénovation, plusieurs cas de figure existent. Concernant l’installation électrique, en intervenant sur la gestion active du bâtiment, nous pouvons apporter des gains d’énergie importants sans toucher au bâti. Cela concerne une certaine typologie de bâtiment, essentiellement dans le tertiaire, avec des investissements peu élevés et amortissables sur trois à cinq ans pour des résultats conséquents (30 à 40 %).
J.-C. G. : C’est à géométrie variable. Certaines entreprises sont très en avance, d’autres se replient sur elles-mêmes. Certaines y sont allées très tôt, à fond, par exemple dans le photovoltaïque, et se sont écroulées en même temps que le marché. Le rôle de notre fédération est de donner à nos adhérents les outils afin que chacun d’entre eux définisse sa propre stratégie. Cela passe par de l’information et de la formation sur les marchés en développement. Nous tiendrons à ce titre une conférence, lors de notre assemblée générale, sur la fibre optique. Que représente-t-elle dans l’activité au quotidien de nos électriciens ? Ce n’est pas vraiment un nouveau marché, mais une extension de nos métiers, au même titre que l’installation et la maintenance d’infrastructures de recharge de véhicules électriques.
J.-C. G. : Les mesures proposées sont loin de nos attentes. Mais prenons avec humilité ses propositions , en espérant que les objectifs de 500 000 logements rénovés et construits par an seront atteints… Je crains qu’au final, nous soyons très loin de ces chiffres. Ce que souhaitent les électriciens, ce sont des mesures pérennes pour établir des stratégies à moyen et long termes. Ce qui est perturbant pour nous c’est de ne pas savoir de quoi demain sera fait. Ainsi, nous préfèrerions que le gouvernement fixe des objectifs en dessous de nos attentes, mais atteignables. Nous demandons, par ailleurs, un moratoire sur les normes.
J.-C. G. : L’inflation des normes et réglementations dans le résidentiel neuf (grande masse) est intolérable ! Cela a plus que doublé le prix de revient de nos installations en cinq ans. Et nous sommes loin, vu le contexte, de pouvoir répercuter cette augmentation des coûts dans nos prix.
J.-C. G. : Prenez un portier d’immeuble. Dans nos installations traditionnelles pour les logements, nous avions a minima un portier pour communiquer avec les usagers par la voix. Aujourd’hui, la norme c’est le portier vidéo en couleurs sur tous les logements. Pour l’électricien, le différentiel de coût de cette évolution réglementaire est de 1 à 10. L’électricien se retrouve complètement compressé parce que le client final, le promoteur, tire les prix. Quand celui-ci s’inscrit à la baisse, c’est toujours l’installateur qui en pâtit. À l’heure où l’on nous dit que les logements sont trop chers, nous disons : arrêtons d’augmenter le coût des logements par les normes sous peine de ne plus voir de clients solvables !
J.-C. G. : Nous souhaitons en effet que cette norme ne soit pas remise en question. Par contre, elle doit être plus adaptée à la réalité du volume de production de logements et ne doit pas devenir un outil marketing pour les fabricants. Nous devrions éliminer les installations superfétatoires rendues obligatoires par les normes.
J.-C. G. : L’avenir des électriciens est plein de promesses. Notre métier est noble et pérenne, et nos clients auront de plus en plus besoin de nous pour augmenter la puissance des installations et les piloter. À nous de saisir ces opportunités de progrès et nous développer dans une mutation sereine.