Un coup d’arrêt dans la concentration, après des années de rachats, fusions et autres acquisitions. Il semble que les grands fabricants de peinture aient décidé de ralentir la cadence. Les enseignes du groupe PPG (qui a refusé de répondre à nos questions) n’ont ouvert aucun point de vente l’année dernière. Du côté du groupe Materis avec ses enseignes Zolpan et Couleurs de Tollens, nous avons relevé onze ouvertures, la taille du réseau retrouvant son niveau de 2010. Le nombre d’agences intégrées du réseau AkzoNobel s’établit à 130, soit quinze de moins qu’en 2011. Seuls les réseaux intégrés plus modestes, comme Nuances et Décoration du groupe Unikalo ou Caparol Center du groupe Daw ont connu une croissance soutenue. Le ralentissement profite aux groupements d’indépendants. Socoda conforte sa troisième place en dépassant les 300 millions d’euros de CA, tandis qu’Espace Revêtements et UGD occupent la quatrième et cinquième place devant AkzoNobel. Pourquoi ce ralentissement de la croissance des réseaux intégrés? «Le maillage de notre réseau intégré nous assure une bonne couverture nationale, nous restons ouverts aux opportunités sans rechercher en priorité la croissance externe», répond Jean-François Badet, PDG du groupe Tollens. Même constat pour le groupe AkzoNobel occupé à gérer des rachats effectués à prix forts avant la crise. Du côté d’acteurs plus modestes, la situation est identique. «Nous sommes désormais dans une phase de rentabilisation. De toute façon, ce modèle de réseau intégré a ses limites et, pour nous, il est arrivé à maturité», confie Pascal Hoareau, PDG d’Onip. La situation économique oblige les réseaux à se concentrer sur leurs agences. Car les investissements ne sont pas à l’arrêt.
Les concepts magasins se multiplient
Les distributeurs sont plus nombreux à mettre en place des concepts dans leurs agences. AkzoNobel vient d’annoncer le lancement d’une enseigne unique, « Sikkens Solutions » qui vise à développer le business des peintres en s’appuyant sur une offre de services spécifique et des formations (voir encadré). Materis Peintures a lancé en 2011 un nouveau concept pour ses magasins sous enseigne Zolpan. Il s’appuie sur un espace technique qui met en avant les savoir-faire de Zolpan sur l’ITE et l’étanchéité. L’autre enseigne du groupe, Couleurs de Tollens, voit son concept évoluer vers une spécialisation sur la couleur (voir encadré). Le groupe allemand Daw s’attaque au marché français avec son concept Caparol Center qui s’adresse aux indépendants. « Nous leur proposons un concept clé en main qui s’appuie sur l’Atelier Déco, un espace qui permet d’accueillir des particuliers accompagnés ou non de leurs artisans », détaille Nathalie Noyau, chargée du projet Caparol Center. Le réseau compte 27 agences et devrait passer le cap des 80 en 2018. Des acteurs plus modestes leur emboîtent le pas, comme l’enseigne Nuances et Décoration du groupe Unikalo. « Nous voulons devenir le multispécialiste de la décoration et développer nos parts en non-paint », déclare Christophe Manceau, directeur commercial de Nuances et Décoration. En guise de première étape, le réseau vient de lancer 27 collections de revêtement avec pour objectif de dépasser les 35 % de CA réalisé dans le non-paint. Néanmoins, cette idée de concept magasin ne fait pas l’unanimité. « Le concept s’appuie sur une marque forte pour se passer des vendeurs, analyse Marc Mafille, responsable marketing chez Jefco Sylco (groupe Allios). Nous préférons nous appuyer sur notre force de vente et mettre des moyens sur notre cœur de métier : le service, le conseil, le transport. » Le fabricant a choisi une autre piste pour se développer : améliorer sa notoriété avec un plan communication sur trois ans en direction des prescripteurs. Le constat est identique chez le distributeur francilien Colorine. « La priorité est avant tout de satisfaire les attentes de nos clients en mettant en avant nos qualités : réactivité, proximité, convivialité, conseil, professionnalisme, livraison, stock permanent », assène Alain Kraemer, président de la société. Il considère surtout que le plan de vente Colorine multi-produits et multi-marques est un atout dans un environnement où concentration et rationalisation se multiplient.
Des indépendants très sollicités
Si la croissance des réseaux intégrés se ralentit, les initiatives en direction des distributeurs indépendants se multiplient de la part des grands groupes et des groupements. De nouveaux outils commerciaux et des services leur sont proposés avec comme objectifs, la fidélisation et le recrutement. Materis Peintures, qui a atteint une taille satisfaisante avec son réseau Couleurs de Tollens, mise aujourd’hui beaucoup sur Plasdox, sa marque dédiée aux distributeurs indépendants, pour accentuer son développement. Présente dans 70 agences, « Plasdox a un gros potentiel de développement dans l’ouest et le centre de la France », juge Jean-François Badet. Plusieurs décisions ont été prises pour satisfaire les distributeurs. Le savoir-faire développé pour le réseau intégré est mis à leur disposition, tant pour la conception d’outils commerciaux que pour le concept point de vente ou les synergies sur les gammes non-paint, notamment sur la nouvelle gamme de brosserie en MDD. AkzoNobel cherche aussi à « renforcer les relations avec les indépendants » selon Xavier Rijmenans, directeur marketing. Le fabricant a fortement investi pour mettre en place le concept de point de vente Maître en Couleur. Il repose sur l’implantation de meubles d’aspect et de murs de couleurs, et sur la formation des peintres sur le conseil couleur. « Nous sommes partis du principe que la couleur fait peur, mais que la couleur fait vendre, explique Xavier Rijmenans, nous aidons les peintres labellisés Maître en Couleur à la vendre, ce qui est au bout du compte profitable aux distributeurs. » Le concept a été très bien accueilli. Présenté en mars 2012, il est déjà présent dans 130 points de vente et le sera dans 160 fin 2013. Les groupements d’indépendants ne sont pas en reste et aiguisent leurs arguments pour continuer leurs recrutements. Socoda propose à ses adhérents des outils commerciaux pointus et personnalisables. Par ailleurs, le groupement a relancé en 2011 sa marque de peinture Saint-Luc en étoffant son offre et en réactualisant ses outils marketing. « Avoir notre propre marque de peinture nous permet de nous différencier avec des produits innovants, sans COV, biosourcés, tout en contrôlant les offres commerciales et son image. C’est un gage d’indépendance », se réjouit Frédéric Thérond, président de la branche décoration chez Socoda. L’autre grand groupement, UGD affiche la volonté de dépasser son simple statut de centrale de référencement. « Nous voulons devenir une centrale de service pour nos adhérents », déclare Bernard Bigand, secrétaire général d’UGD. En plus du système ducroire, les adhérents vont bénéficier d’offres de formation, d’une détection d’offres publiques dans leur région, de catalogue numérique personnalisable et d’un service de gestion fournisseur (SRM).
Les nouvelles stratégies numériques
La crise a mis un coup de frein aux projets de développement des outils numériques chez beaucoup de distributeurs. Néanmoins certaines stratégies sont arrivées à émerger. Le groupe Tollens a réussi à établir des ponts entre sa présence sur Internet et ses magasins physiques. L’outil web « Tollens éditeur de couleurs » permet de faire des simulations, de créer des carnets de styles et de commander des échantillons qui peuvent être retirés en agence. Ce système permet de drainer la fréquentation web vers les points de vente. De l’autre côté, les agences Couleurs de Tollens s’équipent d’écrans en libre-service qui renvoient sur l’outil web. « Le site a été lancé en mars 2012 et nous observons depuis une hausse de 50 % de la fréquentation de nos sites. Cette hausse se répercute en agence de manière tangible mais difficilement quantifiable », relève Agnès Peignen, directrice communication & web du groupe Tollens. Le groupe AkzoNobel cherche à diversifier sa présence sur Internet en éditant un site informatif, wikipeinture. « Nous voulons qu’il devienne le site de référence des peintres dès qu’ils sont à la recherche d’une solution », expose Xavier Rijmenans. Et d’autres projets devraient voir le jour en 2014 avec l’éventuelle reprise de l’activité. Le ralentissement des acquisitions tous azimuts semble donc faire entrer la distribution décoration dans une nouvelle ère, celle de l’optimisation des réseaux existants.



