Alors que le gouvernement actuel semblait enclin à sanctuariser le projet de ligne ferroviaire à grande vitesse (LGV) reliant Lyon à Turin, la Cour des Comptes recommande de prendre le chemin inverse. Qualifiant le projet de « très ambitieux » dans un référé daté du premier août mais rendu public le 5 octobre, l’institution a constaté un « pilotage insuffisant », des prévisions de trafic « revues à la baisse », une « faible rentabilité socioéconomique » ainsi qu’un financement « non défini » et des coûts prévisionnels « en forte augmentation ». Ces derniers sont passés de 12 milliards d’euros en 2002 à 24 en 2011 et 26,1 milliards aujourd’hui. En cause, le tunnel de très grande longueur passant sous les PréAlpes et les Alpes françaises. « D’autres alternatives moins onéreuses ont été écartées », relève la Cour qui recommande de ne pas fermer trop rapidement l’option « consistant à améliorer la ligne existante ».
Explosion du fret
Le référé de la Cour des comptes était destiné à Jean-Marc Ayrault. Dans un courrier également rendu public, le Premier ministre estime que le projet répond à l' « objectif stratégique » de « sécuriser les échanges entre la France et l'Italie à travers les Alpes ». Selon lui, cette nécessité a été renforcée par les accidents survenus en 1999 et 2005 dans les tunnels alpins qui ont « mis en évidence la fragilité du système actuel qui repose principalement sur le mode routier ». « Depuis 1999, les trafics de marchandises ont diminué dans les Alpes françaises », rétorque la Cour. L'accord franco-italien de 2001, qui a donné le coup d'envoi du projet, a fixé une mise en service à l'horizon de la saturation des infrastructures existantes, soit en 2035 sur la base d'une capacité maximale de 15 millions de tonnes. Pourtant, si les travaux débutaient comme prévu fin 2012, la mise en service du tunnel interviendrait dès 2025.
Un projet politique
En clair, le Cour juge le projet peu utile et très cher. Mais dans sa réponse, Jean-Marc Ayrault, rappelle, à l’instar de ce que fait régulièrement Frédéric Cuvillier, son ministre délégué chargé des Transports, que le projet « s’inscrit dans le cadre d’engagements internationaux qui ont été récemment renouvelés ». De fait, la France et l’Italie ont signé un troisième accord bilatéral en janvier 2012 sur le projet. « Une fois cet accord ratifié, le lancement des travaux définitifs nécessitera un dernier avenant », a précisé Jean-Marc Ayrault. C’est d’ailleurs, selon nos confrères des Echos, « l’un des principaux dossiers qui seront examinés au prochain sommet franco-italien du 3 décembre à Lyon ». Mais le Premier ministre français concède tout de même que « le budget nécessaire à la réalisation de ce grand projet est considérable. En conséquence, une participation importante de l'Union européenne au financement du projet est indispensable », conclut-il. Une manière de botter en touche sans se mettre à dos ses partenaires italiens.