La Fédération Nationale de la Décoration dévoilait hier, mercredi 14 mai, les données de ventes du secteur du premier trimestre 2025, recueillies avec Decodata. Cet indicateur, officialisé en 2022, a pour but de structurer les mesures du segment « depuis les montagnes russes du Covid », explique Philippe Poujol, président de la FND (et président du directoire de Décor Alliance). Au premier trimestre 2025, le secteur décoration a cumulé 608 M€ (soit -2,4% par rapport au T1 2024). « Depuis que le neuf est à l’arrêt, nous nous apercevons que la rénovation tire bien le secteur. »
Prix proches de 2019, charges de 2025
Dans le détail mensuel, le mois de janvier amorçait déjà un léger retrait à -1,5%, avant une chute de -6,5% en février et un léger regain en mars avec +0,5%. « Comparé aux autres secteurs, nous nous en tirons plutôt bien, tente de relativiser Philippe Poujol. Mais la situation n’est pas bonne : en valeur, les chiffres se rapprochent de 2019, alors qu’en volume, nous vendons moins qu’en 2019. » Résultat d’une inflation comprise entre 16 et 18 points depuis 2019. « En ce moment, nous vendons à des prix plus proches de 2019 mais avec des charges (les salaires et le foncier) de 2025. »
Par région, Decodata dévoile une chute la plus forte en Ile-de-France avec -6,5%. La région francilienne était la seule en positive l’an dernier grâce à l’effet JO 2024, et paie un retour de bâton en ce début d’année. La région Pays de la Loire recule de 6%, et la région Occitanie de 5%, « elle qui se portait plutôt bien depuis la fin du Covid », commente le président. En revanche, l’activité redémarre à 1,8% en Bourgogne-Franche-Comté.
Déstockage de l'inflation
La peinture a cumulé 288 M€ de ventes, soit -1,1% par rapport au début d’année 2024. Les ventes de peintures extérieures reprennent à +2,8% alors que les peintures intérieures perdent -2,4%. « La belle fenêtre météo a sûrement permis de gagner des volumes en mars notamment. » Malgré la légère baisse, les tendances retrouvent une certaine logique, avec un volume qui rattrape doucement la valeur. Les négoces déstockent de l’inflation, selon l’analyse de la fédération. Ce sont donc les marges de la distribution qui sont rognées.

Les revêtements (sols et murs) enregistrent 150 M€ et chutent de -5,9%. Une baisse qui concerne sur les sols à -7,1%, alors que les murs stagnent pratiquement (-0,7%). Philippe Poujol y voit la conséquence d’un investissement au point mort des ménages : « Les ‘gros’ chantiers sont encore à l’arrêt, les particuliers ont plus tendance à remettre un coup de peinture que de refaire tout leur sol. Pourtant, sur Google, la requête ‘revêtement’ remonte » espère-t-il.
L'innovation tire les consommables
Les équipements rapportent 36M€ de ventes, soit -2,1% sur un segment qui avait déjà énormément baissé l’an dernier. Le matériel et gros outillage perd 4,6%, les vêtements et EPI à -5%. Seul le petit outillage affiche +0,8%. Selon la fédération, cette situation s’explique par un suréquipement des entreprises après le Covid dû à la suractivité du secteur. Désormais, la baisse se tasse et les entreprises réinvestissent peu à peu via le petit outillage.
Les consommables stagnent quasiment, à 78M€, soit -0,8%. Les produits de mise en œuvre, soit la chimie du bâtiment s’établissent à -0,5% alors que la droguerie et le nettoyage perdent -1,5%. Philippe Poujol analyse que les consommables « se tiennent bien pendant et en dehors des périodes d’inflation grâce à une bonne innovation. Les outils de ponçage ont par exemple beaucoup progressé et les enduits à 3 phases traditionnels sont devenus des enduits pulvérisables et lissables à la main. Les entreprises investissent ainsi plus dans la préparation de chantier et nous assistons à une montée en professionnalisation. »
« Elargir le spectre clients »
Enfin, l’isolation thermique par l’extérieur (ITE) – qui regroupe notamment la quincaillerie, les chevilles, la laine de roche et PSE, les finitions enduits et bardage, etc. – enregistre 43 M€. Une hausse de +3,3%, qui compense la baisse de -2,5% l’an dernier.
« Le secteur doit continuer à travailler avec ces hauts standards pour rester pertinent aux yeux des professionnels, estime Philippe Poujol. Mais nous n’échapperons pas à l’élargissement de notre spectre de clients en proposant des services aux particuliers. Il faudra également se digitaliser. » En effet, le négoce décoration représente un secteur très concurrentiel puisque 1 400 points de vente en France se partagent les ventes à destination de 45 000 peintres environ.
Les chiffres de Decodata se basent sur la récolte de 80% des données des 200 adhérents de la FND, soit environ 1,8 Mds d’euros enregistrés en 2024, ainsi qu’une extrapolation pour prendre en compte les non-adhérents et tendre ainsi à l’exhaustivité. Decodata recensait donc 2,5 Mds € en 2024.
Rapprochement de la FND et de l'Etat
La fédération regroupe 92% du chiffre d’affaires total des négoces décoration en France. Elle souhaite se doter d’un CRM rapidement pour mieux structurer ses données, faciliter la communication avec ses adhérents. « Le coup de projecteur inattendu pendant le Covid a submergé nos petites agences. Nous n’étions pas en capacité de répondre aux très fortes demandes et nos affaires n’étaient pas suffisamment connectées. »
Désormais, la FND élargit ses relations avec l’Etat, en établissant notamment une nouvelle nomenclature exclusive avec l’Insee qui sera opérationnelle au 1er janvier 2026. Jusque-là, les données du segment étaient mélangées au sanitaire-chauffage. De même, la Banque de France et d’autres instituts ont approché la fédération afin de croiser des données pour perfectionner les études sectorielles et prédictives. « Plus d’infos pour nos adhérents et des données plus fiables pour l’Etat », résume le président.