Depuis janvier 2019, la ville de Kampen, aux Pays-Bas, peut se targuer d'abriter un pont en béton entièrement démontable et réutilisable. Cet ouvrage de 20 m de long et 6 m de large a été conçu comme un puzzle géant. Quarante modules, de 2,5 m sur 1,5 m, ont été préfabriqués en usine à Koudekerk aan den Rijn (Pays-Bas), puis assemblés par série de huit pour former des poutres de 20 m de long.
Ces dernières ont ensuite été transportées et montées directement sur le site pour bâtir le tablier. Trois jours seulement ont été nécessaires pour réaliser cette dernière opération. « D'une certaine manière, notre idée est similaire au principe des maisons modulaires, car il s'agit d'emboîter des pièces entre elles. Mais la comparaison s'arrête là, car notre but principal n'est pas de gagner en vitesse de construction », soutient Leon Dekker, directeur de l'innovation et du développement chez Consolis, société spécialisée dans la conception d'ouvrages et de bâtiments à hautes performances en béton.
« Le but est de changer la manière de penser la conception et le cycle de vie des ouvrages. »
Selon ses concepteurs, la plus-value du pont modulaire résiderait avant tout dans la flexibilité que son usage offre. « Les Pays-Bas ont un trafic routier dense, avec des axes de circulation restreints, traversés par de très nombreux canaux. Avec une telle configuration, . D'où l'idée d'une infrastructure démontable qui permette de construire un accès temporaire pour les besoins d'un chantier. Une fonction d'autant plus intéressante que, avec le changement climatique, les ouvrages qui franchissent les canaux sont amenés à être rehaussés. Avoir un pont facilement dé constructible pour pouvoir le surélever ouvrirait la palette des possibilités », poursuit Leon Dekker.
Technique ingénieuse. Pour assurer le maintien des modules entre eux, les ingénieurs ont choisi d'utiliser des câbles en acier. Ceux-ci ont été tirés après l'assemblage des éléments. C'est donc la précontrainte par post-tension qui assure la solidité de la structure, exactement de la même façon que pour un ouvrage en béton précontraint traditionnel. Seule différence avec les techniques classiques : les câbles sont ici glissés dans des gaines en plastique, remplies d'une résine, afin de pouvoir facilement les retirer en cas de démontage. Aucun coulis de ciment n'a été injecté à l'intérieur de la gaine qui protège les câbles. Des joints d'attache spécifiques ont également été utilisés pour assurer les liaisons entre les modules. Pour démonter le pont, il suffit en théorie de relâcher la mise sous tension, de retirer les joints, et le tour est joué.
Chaque module s'équipe en outre d'une puce RFID qui permet de l'identifier et de connaître ses propriétés. « Nous voulons suivre l'élément tout au long de sa vie, disposer d'une base de données où avoir accès à l'ensemble des informations techniques nécessaires pour réutiliser chaque partie. N'importe quel autre ingénieur, même dans plusieurs décennies, doit pouvoir retrouver les informations dont nous disposons actuellement », insiste Kees Quartel, directeur des ventes chez Spanbeton, filiale de Consolis. Dans un souci de durabilité, chaque élément a en effet été conçu pour durer 200 ans, de quoi le réemployer une multitude de fois. « Actuellement, dans le domaine du génie civil, nous réfléchissons peu à la fin de vie des ouvrages et à la réutilisation des matériaux. En rendant chaque pièce démontable et réutilisable sur une longue durée de vie, le but de ce projet est avant tout de changer la manière de penser la conception et le cycle de vie des infrastructures », résume Leon Dekker.
Pour l'heure, le pont est encore en phase d'essai et sous surveillance jusqu'à la fin de l'été. Il a été équipé de capteurs pour vérifier son comportement dynamique. Les phases d'analyse des données, puis celle de démantèlement du pont, sont prévues en septembre. Ce pont pourrait ensuite équiper un autre site aux Pays-Bas.


