La naissance de l’annexe verte

La loi Grenelle 2 fait obligation d’adjoindre une annexe environnementale aux baux de bureaux ou de commerces portant sur des locaux de plus de 2 000 m².

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L’intérêt des acteurs de l’immobilier pour le bail vert n’a cessé de croître au cours de l’année écoulée. Les professionnels ont témoigné à son égard d’une approche contrastée. Certains ont engagé une démarche volontariste, tandis que d’autres ont considéré qu’il y avait urgence à ne rien faire dans l’attente de la loi Grenelle 2 et d’une clarification sur les obligations appelées à peser sur les propriétaires d’immeubles.

A cet égard, les 257 articles de la loi Grenelle 2 n’ont rien clarifié : il faudra attendre ses décrets d’application avant de connaître l’étendue de ces obligations.

L’article 8 de la loi instaure toutefois une obligation nouvelle d’annexe verte, prudente et probablement déjà en retard sur la pratique. Mais qu’importe. Le bail vert est né.

Bail vert ou annexe verte ?

La loi parle désormais d’annexe environnementale tandis que la pratique parle couramment de bail vert. Il s’agit là plutôt d’une commodité de langage. L’annexe environnementale ou annexe verte est un accord contractuel visant à maintenir ou à améliorer les performances environnementales de l’immeuble loué.

Elle est à ce titre l’un des composants du bail signé.

En faire une annexe plutôt que l’intégrer aux dispositions générales du bail permet de mieux identifier ses spécificités et ses objectifs, mais aussi, dans une certaine mesure, de lui conférer une certaine dose d’autonomie par rapport au bail lui-même.

Ainsi par exemple, l’annexe verte doit - en l’état de la réglementation qui comporte encore de nombreuses zones d’ombre, et des techniques, fortement évolutives - pouvoir s’adapter.

Sa durée pourra ainsi être différente de celle du bail commercial ; ses manquements pourront faire l’objet de sanctions d’une autre nature, telles que le fait de supporter le coût des mesures nécessaires pour obtenir une certification perdue plutôt que d’exposer le contrevenant à la résiliation du bail.

Une annexe peut par ailleurs être plus facilement « exportée » et rattachée à d’autres contrats poursuivant les mêmes objectifs que l’annexe environnementale ; il en est ainsi par exemple du contrat de gestion technique de l’immeuble.

Ainsi, au-delà de la terminologie, la notion d’annexe verte est plus adaptée aux finalités poursuivies que la notion de bail vert.

Le choix du législateur a été, sur ce point, pertinent et nous conduit à nous interroger sur les dispositions retenues par la loi Grenelle 2.

Quel est son champ d’application ?

L’article 8 de la loi Grenelle 2 fait désormais obligation aux parties signataires d’un bail ou d’un renouvellement de bail « portant sur des locaux de plus de 2 000 m² à usage de bureaux ou de commerces » de comporter une annexe environnementale (alinéa 1 du nouvel article L. 125-9 du Code de l’environnement).

Cette obligation ne concerne que les bureaux et les commerces, mais tous les bureaux et les commerces. Elle ne concerne donc pas les immeubles résidentiels ni les entrepôts, usines, locaux d’activités ou autres bâtiments d’une nature particulière, mais tous les bureaux sont concernés : bureaux commerciaux, administratifs ou civils. De la même façon, tous les commerces entrent dans le champ de cette obligation, qu’ils soient en pied d’immeuble ou dans les centres commerciaux, par exemple.

Toutefois, en ce qui concerne les commerces, le seuil de plus de 2 000 m² apporté à l’obligation de conclure une annexe verte, va exclure l’écrasante majorité de ceux-ci du champ de l’obligation nouvelle.

À titre d’illustration, une enquête de la chambre de commerce et d’industrie de Paris a démontré que 97 % des commerces de l’agglomération parisienne étaient d’une surface inférieure à 300 m².

L’obligation sera donc bien théorique et réservée à une poignée de très grands acteurs.

En l’absence d’une définition légale de la notion de commerce, il subsistera inévitablement quelques zones d’ombre. Ainsi, peut-on par exemple se demander si les hôtels sont des commerces au sens du nouvel article L. 125-9 du Code de l’environnement.

A noter encore : l’obligation d’annexe verte s’apprécie au regard des locaux loués et non pas au regard du type d’immeubles, ce qui conduira à avoir dans un immeuble important des baux relevant de cette obligation et d’autres qui n’y seront pas assujettis.

Que doit comporter l’annexe verte ?

La loi renvoit à un décret d’application quant à la teneur de l’annexe verte. Sur ce sujet, il est vraisemblable que le décret à venir sera prudent et ne comportera pas d’obligations très précises tant est grande la diversité des situations concernées.

La teneur de l’annexe verte ne peut être la même pour un grand magasin où l’un des sujets principaux est l’éclairage par exemple, et pour un immeuble de bureaux. Sur deux plateaux de bureaux identiques, elle ne sera pas la même pour un locataire ayant des horaires très encadrés ou pour des métiers coutumiers de « charrettes de nuit » ; elle sera radicalement différente pour un immeuble performant et pour un immeuble énergivore.

Cette prudence pragmatique était dans l’esprit des préconisations du groupe de travail « bail vert » de l’un des chantiers du Plan bâtiment du Grenelle de l’environnement, dont la recommandation était de faire porter le contenu de l’annexe verte sur :

- un état ou un estimatif des consommations des locaux,

- un descriptif de leurs équipements tels que chauffage, ventilation, climatisation, éclairage, distribution d’eau et gestion des déchets de l’immeuble ou des locaux,

- des objectifs d’amélioration des consommations en fonction de l’état, des caractéristiques des locaux et/ou de l’immeuble et de l’activité de l’utilisateur notamment,

- une obligation annuelle de suivi,

- les modalités de rencontres périodiques des parties en vue de décider des ajustements qu’elles jugeront nécessaires.

La loi Grenelle 2 apporte enfin, sur la teneur de l’annexe verte, une précision sans grand intérêt opérationnel, sinon à titre d’illustration des finalités poursuivies : « l’annexe environnementale peut prévoir les obligations qui s’imposent aux preneurs pour limiter la consommation énergétique des locaux concernés ».

Quand deviendra-t-elle obligatoire ?

La loi fixe au 1er janvier 2012 l’entrée en vigueur de cette obligation nouvelle pour les baux conclus ou renouvelés à compter de cette date, mais prévoit également que ces obligations prendront effet « trois ans après l’entrée en vigueur de la loi… pour les baux en cours ».

Par le biais de ce calendrier, la loi étend ainsi l’obligation d’annexe environnementale aux baux existants. Cette extension est bienvenue si l’on considère que les obligations de travaux sur immeubles existants, dont le principe est réaffirmé par l’article 3 de la loi Grenelle 2, devront être satisfaites dans un délai de huit ans à compter du 1er janvier 2012, c’est-à-dire avant le 31 décembre 2019.

En raison de la durée nécessitée pour la réalisation de ces travaux, les baux en cours seront donc concernés, ceci sans même tenir compte de la protection des locataires titulaires d’un bail commercial, dont on peut se demander si elle sera concernée par les nouvelles obligations légales.

Quel impact la loi nouvelle aura-t-elle sur les baux en cours ?

La protection statutaire du locataire commercial n’est pas touchée par l’instauration d’une annexe verte. Elle n’a du reste pas vocation à l’être dans l’avenir.

Mais cette protection statutaire crée diverses contraintes de nature à ralentir ou à compliquer la réalisation de travaux d’amélioration des performances énergétiques, tout particulièrement dans les immeubles existants.

La rigidité des règles relatives à l’évolution des loyers en cours de bail fait peser des interrogations sur les accords contractuels visant par exemple à répartir le coût des travaux d’amélioration des performances énergétiques entre le bailleur et le preneur.

Mais c’est surtout la durée du bail commercial et le droit à renouvellement illimité selon les mêmes clauses et conditions qui vont constituer le frein le plus notable à la réalisation de travaux substantiels dans l’immeuble.

Par exemple, il est impossible de prévoir un programme de travaux lourds d’un immeuble occupé par un utilisateur unique, pour le terme contractuel de son bail, sans l’accord de ce dernier.

Il est également impossible de consentir des baux d’une durée intermédiaire entre deux et neuf ans, pour harmoniser le calendrier de restructuration d’un immeuble entier à l’occasion du départ connu à moyen terme de son principal utilisateur.

A toutes ces situations, la réponse viendra essentiellement de l’annexe verte que les deux parties auront tout intérêt à aborder dans une logique de projet commun.

Quelle portée pour les obligations de travaux et d’information ?

La loi Grenelle 2 apporte sa contribution à l’instauration d’un dialogue entre les parties en créant une obligation de communication mutuelle de « toutes informations utiles relatives aux consommations énergétiques des locaux loués ».

Elle contribue également à la réalisation de travaux en dépit d’une attitude de refus de l’utilisateur, en permettant au bailleur « l’accès aux locaux loués pour la réalisation de travaux d’amélioration de la performance énergétique » (nouvel article L. 125-9, 2e du Code de l’environnement). Il reste à savoir si ces deux obligations nouvelles sont communes à toutes situations locatives, comme on peut le souhaiter, ou si la portée de ces deux mesures est limitée aux bureaux et commerces relevant de l’obligation d’annexe environnementale. La lecture de la loi ne permet pas de répondre à cette question importante.

L’annexe verte : entre obligation et volontarisme ?

La loi Grenelle 2 a le mérite de donner une consistance textuelle à cette annexe verte, si nécessaire à l’amélioration pérenne des performances environnementales des immeubles, mais elle n’est qu’une toute première étape sur le chemin difficile qui conduira aux objectifs ambitieux d’amélioration de la performance des bâtiments, annoncés jusqu’alors.

Dans cette démarche, la loi devra être complétée par une démarche volontariste des parties à une relation locative qui, au-delà des obligations légales, peuvent toujours conclure spontanément des annexes vertes comme elles l’ont déjà fait avant l’entrée en vigueur de la loi Grenelle 2.

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