71% de plus en 10 ans : le prix du foncier est fortement atteint par la spéculation. Et les Français rencontrent de plus en plus de difficultés pour se loger. Dans les zones tendues, c’est-à-dire là ou le marché immobilier local affiche une inadéquation entre la demande de logement et l’offre, les prix sont parfois rédhibitoires pour les ménages. La spéculation les pousse à s’éloigner des centres pour habiter en périphérie.
C'est le constat qui ressort du rapport du député Jean-Luc Lagleize, à l’origine d’une proposition de loi qui vise à réduire le coût du logement en dissociant le bâti du foncier.
« Le terrain peut représenter jusqu’à 58% du prix de la construction en zone tendue », rappelle le député. L’urgence à agir est d’autant plus forte que les besoins en logement augmentent.
Jean-Luc Lagleize missionné par Julien Denormandie, le ministre de Logement, a vu sa proposition de loi votée à l’unanimité par l’Assemblée nationale en novembre. Elle passera devant le Sénat le 1er avril.
Un texte « quelque peu dénaturé »
Dans ses recommandations, le député propose notamment d’instaurer de la transparence sur le foncier privé et d’inciter à la surélévation des logements pour réduire les coûts.
Le Bail Réel Solidaire (BRS), créé par la loi Macron de 2015, pourrait aussi être utilisé par les bailleurs sociaux pour céder des logements à un prix moindre aux locataires.
Cependant, plusieurs dispositions ont déjà été modifiées, voire supprimées, le 4 mars par la commission des Affaires économiques du Sénat, laissant peu d’espoir au député quant à la préservation de l’intégrité de son texte. Il a été « quelque peu dénaturé » confesse-t-il, lors de l’atelier « foncièrement cher », organisé par l’étude Cheuvreux et l’association AMO le même jour.
Redéfinir le droit de propriété
La commission a ainsi jugé la dissociation foncier-bâti « pertinente » mais considère qu’elle serait inefficace pour freiner « à elle seule » la hausse du coût du logement.
Dans le détail, elle a retoqué l’habilitation du gouvernement à légiférer par ordonnance pour créer les organismes fonciers libres et un bail réel (article 2). Ce sujet « essentiel » qui aboutit à redéfinir le droit de propriété doit rester de la compétence du Parlement, selon les rapporteuses Dominique Estrosi Sassone et Valérie Létard.
Sur les Organismes de Fonciers Solidaires (OFS, créés par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové de 2014), la proposition législative voulait élargir leur mission. Ils pourraient ainsi intervenir sur les locaux commerciaux et professionnels en bas d’immeuble d’habitation pour revitaliser les centres villes. Aujourd’hui, ils ne prennent en charge que les logements à usage mixte ou de résidence principale et les équipements publics.
La commission considère qu’il faut « conserver les quatre piliers qui font leur succès, c’est-à-dire la gouvernance publique, la non lucrativité, la vocation sociale et les dispositifs anti-spéculatifs qui permettent de pérenniser dans le temps l’investissement public au profit du logement social ».
Le fonds friches retoqué
Le député a annoncé que la commission sénatoriale avait également annulé la disposition sur la création d’un fonds pour les friches. Dans son rapport, il proposait de recenser les friches au sein de l’Observatoire du foncier et de créer un Fonds national pour la dépollution de ces espaces.
Gilles Bouvelot, directeur général de l'Établissement Public Foncier Île-de-France voyait cette initiative d’un bon œil : « il faut une intervention de l’Etat sur les friches pour ne pas les laisser avec une valeur négative. A l’usage, nous pouvons en faire des écoquartiers ». Avant de nuancer : « Ce fonds friche est nécessaire, sous certaines conditions ».
La commission sénatoriale a au contraire jugé qu’il fallait « attendre les conclusions du groupe de travail » lancé par le gouvernement sur les friches « pour aboutir à des propositions suffisamment précises pour figurer dans la loi ». Mais Jean-Luc Lagleize reste serein : « tout est ouvert pour la seconde lecture à l’Assemblée nationale ».
Non à l'interdiction des ventes aux enchères du foncier public
Le député proposait aussi de supprimer les ventes aux enchères sur le foncier public. Là encore la commission sénatoriale a montré son désaccord : « en l’absence d’étude d’impact et d’évaluation, il n’y a pas de motif suffisant » pour interdire aux collectivités territoriales de vendre leur patrimoine aux enchères.
Plusieurs autres dispositions ont été modifiées par la commission. La suite du processus législatif portera sur les mesures financières.
« Cela concerne une vingtaine de propositions sur le changement de la fiscalité dans l’immobilier. Nous devons travailler avec Bercy. » Plusieurs pistes sont à l’étude, notamment le Pinel « de nature à favoriser l’inflation foncière », selon le député. La proposition de loi retournera en seconde lecture devant l’Assemblée nationale à la fin de l’année.