Les réponses sont sans appel, surprenantes même dans la bouche de présidents de fédération professionnelle censés, coûte que coûte, entretenir l’espoir pour leur secteur. « Je n'ai, hélas, pas identifié un seul moyen nous permettant de sortir de la situation défavorable dans laquelle se trouve durablement l’industrie de la construction », déclare par exemple Václav Matyas, président de la SPS, l’association des constructeurs tchèques, à qui l’on demande s’il a trouvé des motifs d’espoir lors de la conférence.
« Le seul espoir est que toute crise connait une fin. Les derniers chiffres démontrent également que la Belgique est maintenant en récession », ajoute de manière encore plus tranchée Johan Willemen, président de la Confédération Construction et vice-président de la FIEC.
Durant cette conférence annuelle, qui s’est déroulée à Amsterdam le 7 juin, les délégués des 33 fédérations membres (issues de 29 pays et représentant 3,1 millions d’entreprises) ont ainsi oscillé entre abattement – le président de la CNC, l’Espagnol Juna F. Lazcano, évoque même une situation « dramatique » – et constat lucide face à une conjoncture économique qui ne cesse de se dégrader. La FIEC annonce dans un rapport de juin que l’activité des entreprises européennes de construction, durement frappée par des politiques d’austérité qu’elle juge « déraisonnables », a baissé de 4,5% en 2012 et que la diminution pourrait être de 2,6% en 2013 (www.fiec.eu). Plus grave encore : tous les segments sont à présent touchés.
Pas de reprise avant 2014
Le non résidentiel diminue de 4,1% en 2012 et de 2,6% en 2013 (dont -9,9% en 2012 pour les bâtiments publics), et les infrastructures de -6,5% et -3,7%. Des baisses redoutées, quoiqu’attendues en ces temps de coupes budgétaires drastiques. Mais c’est aussi le résidentiel qui échoue à compenser le déclin des autres segments, avec une diminution de -3,6% en 2012 et -2% en 2013. Même la rénovation résidentielle, qui devrait profiter des objectifs fixés par l’Europe en matière d’efficacité énergétique des bâtiments, recule de 2% en 2012 et stagne en 2013 (+0,2%). Selon le Français Jacques Huillard, vice-président de la FIEC en charge de l’économie (et dirigeant d’Eiffage Construction Métallique), « dans ces circonstances difficiles, les fédérations annoncent qu’il n’y aura pas de reprise avant 2014. »
Face à de tels augures, l’étroit chemin qui mène à une reprise a pu sembler introuvable à beaucoup durant cette conférence. Certains ont pourtant lancé des pistes. Pour M. Huillard, la relance passera par une réponse du public : « L’important est de convaincre les autorités d’intervenir. Il ne peut pas y avoir de croissance sans investissement ». Pour le dirigeant, le BTP a, plus que d’autres secteurs, des arguments pour convaincre les gouvernements : « Investir dans le bâtiment et les infrastructures crée de la croissance et des emplois. Sur cette base, nous sommes capables de fournir des solutions aux grands défis mondiaux, qu’il s’agisse de l'efficacité énergétique pour l'environnement bâti, de l'efficacité des ressources, de l'infrastructure durable ou d'adaptation au changement climatique ». Juna F. Lazcano rappelle à juste titre que ce constat de l’importance économique du BTP dans l’économie européenne est inscrit dans la Communication publiée en juillet par la Commission sur une « Stratégie pour une compétitivité durable du secteur de la construction et de ses entreprises ». Ulrich Paetzold, le directeur général de la FIEC, se montre toutefois prudent. « Le problème est que les gouvernements européens n’ont pas encore compris que le BTP correspond à des besoins auxquels il faut répondre et des emplois qui restent sur le territoire national ». Une position qui vient en écho de celle du président de l’organisation, l’Allemand Thomas Schleicher : « Mettre de l’argent dans la construction, c’est faire des investissements intelligents et ciblés » (Voir BEM du 17 juin, p.12).
Les pistes innovantes de la BEI
Plus concrètement, les délégations appellent de leurs vœux un soutien des États pour deux segments : les infrastructures et le logement, avec une volonté à chaque fois d’aller vers plus de durabilité. « Il faut continuer à investir dans des projets d’infrastructures et maintenir les subventions pour les travaux de rénovation avec un caractère énergétique », indique le Belge Johan Willemen. Le Tchèque Václav Matyas en appelle à des « mesures de soutien axées sur des investissements plus élevés » et estime que « seule une telle approche peut encore permettre à l'industrie de la construction de redémarrer, tout d'abord dans le domaine des infrastructures de transport ou de la construction de logements ». L’Espagnol Lazcano demande « des politiques d’investissements dans des bâtiments durables et des infrastructures vitales ». Il souhaite également que les investissements sur ces segments ne soient pas comptabilisés dans le calcul de la performance d'un pays quant au respect du pacte de stabilité et de croissance. »
Ces mesures, qui aboutissent au final à demander aux États des mini-plans de reprise via des investissements publics directs et des dispositions fiscales avantageuses, ciblés sur le BTP (au détriment, donc, d’autres secteurs) constituent un panel de remèdes certes efficaces, mais relativement classiques et qu’il ne sera pas simple de faire passer en ces temps de disette budgétaire. Dans une intervention remarquée durant cette conférence, Philippe de Fontaine-Vive, le vice-président de la Banque européenne d’investissement, a émis quelques pistes plus innovantes. Le banquier a estimé qu’il fallait « passer de la culture de la subvention à celle de l’innovation financière et du prêt ». Selon lui, il faut modifier « les cadres règlementaires » pour inciter les banques commerciales à investir dans des marchés longs, dont « elles ont tendance à se retirer. » Il estime également qu’il faut diriger l’épargne longue vers les projets d’infrastructures ». Actuellement, seul 1% de cet « immense réservoir (16 000 milliards d’euros en Europe) va vers les infrastructures. Enfin, le banquier a souhaité que les entreprises de BTP européennes soient plus présentes à l’international, rappelant que la BEI finance nombre de projets hors de l’UE.
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