Fissures liées aux retrait-gonflement des argiles, variations extrêmes de l’hydrométrie et des températures, inondations à répétition… Nos routes font face aux ravages du changement climatique en plus d’accuser un vieillissement. Rien que les crues historiques survenues dans le Pas-de-Calais ont nécessité 50M€ pour remettre les routes en état. Avant que la facture ne devienne trop salée, les acteurs du secteur appellent à une refonte du modèle de financement du réseau routier.
Réallouer à la route les recettes en provenance de la route
Où trouver l’argent de l’entretien de nos routes ? Question centrale aux premières assises de la route organisés le 22 janvier au siège de La Banque Postale. Parmi les pistes à l’étude figure celle de réaffecter aux routes les recettes des routes. En effet, ces dernières (hors concessions) génèrent environ 37,5Mds€ chaque année (en majorité grâce à la TICPE) mais seulement 15Mds de ces taxes et prélèvements sont réalloués aux routes, selon les chiffres présentés par Yves Crozet, économiste et professeur de l’université Science-Po Lyon. La différence alimente le budget général de l’Etat.
L’idée est fortement défendue par les départements, confrontés à une dégradation de leurs finances, mais qui doivent en même temps assurer un tiers du financement des routes. Le ministre chargé des Transports, Philippe Tabarot (LR), en poste depuis le 23 décembre dernier pourrait œuvrer dans le sens de cette refonte du budget des transports : « Nous partageons ce combat commun pour avoir un meilleur fléchage des recettes, notamment sur ce qui est ponctionné sur le transport pour qu’on puisse le retrouver dans nos budgets. Pendant des années, j’ai essayé de le faire au Parlement et je vais essayer de le faire dans mes fonctions ministérielles. »
Faire contribuer les autoroutes
L’autre piste clairement énoncée concerne la redistribution des revenus issus des concessions autoroutières. Le terme des sept concessions historiques se profile dans les années 2030 et les voix se font de plus en plus nombreuses pour renégocier le partage des revenus des concessions.
« On peut avoir un débat entre l’Etat et les exploitants qui permette de préserver la recette et essayer d’en capter une partie pour financer le reste des infrastructures », a suggéré le précédent ministre des Transports François Durovray. Collectant une recette annuelle d’environ 12,5Mds€, les sociétés concessionnaires d’autoroutes ont affiché en 2023 un bénéfice record de 4,1Mds€ selon l’Autorité des transports.
« Le système [de financement] est profondément injuste car il bénéficie aux sociétés d’autoroute et il y aura un débat qu’il faudra rouvrir clairement autour de cette question », alarme François Sauvadet, président des Départements de France. « [Les concessions d’autoroutes] entretiennent pratiquement que 1 % du réseau de route. »
Faire davantage contribuer les véhicules électriques
Autre gros problème pour notre (éventuel) futur parc de véhicules entièrement électrique : la TICPE (Taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques) finance l’immense majorité du budget dédié aux routes. Or, cette taxe repose sur les ventes d’énergies fossiles et son montant baisse depuis quelques années. « A l’horizon de 2050, il n’y aura plus de recettes sur le pétrole. Il faut une transition fiscale », tranche Claude Riboulet, président de l’Institut des routes, des rues et des infrastructures pour la mobilité.
L’idée émerge de faire davantage contribuer les véhicules électriques, mais sur quelle base ? « La taxation des véhicules électriques, c’est une évidence. Il y a un million de lignes de codes dans une voiture électrique, vous pouvez bien en rajouter une pour payer aux kilomètres qu’elle parcourt », propose l’économiste Yves Crozet.
Quid des poids-lourds ?
Enfin, les acteurs de la route se penchent sur le rôle des poids-lourds qui participent largement à la dégradation des routes. Pour rappel, depuis 2013 et que la charge des poids lourds est passée à 44 tonnes (seuls les secteurs agricoles et agroalimentaires y étaient autorisés précédemment), la dégradation des routes s’est accrue.
La fréquentation des petites routes par les poids-lourds a également un intérêt économique. « Nos routes sont très encombrées par les poids lourds, car beaucoup contournent pour ne pas payer les frais d’autoroutes, », témoigne Nadège Lefebvre, présidente du conseil départemental de l’Oise. Contrairement à la France, l’Allemagne ou encore la Suisse ont ainsi mis en place une écotaxe sur les poids-lourds. Précédemment, le mouvement Bonnets rouges en 2013, avait conduit le gouvernement français à enterrer le projet de taxe sur les poids-lourds.