Cinq ans après le Covid, nos villes sont-elles aussi vertes que nous le souhaiterions, ou du moins le sont-elles plus ? Une chose est sûre, le secteur du paysage ne connait pas la crise. « Là où le bâtiment est en difficulté économique, le secteur du paysage connait une croissance continue. Nous avons enregistré +3,5% de croissance au second semestre 2024. La dynamique déjà amorcée avant la crise a continué », observe Pierre Darmet, directeur des relations institutionnelles de l’Union nationale des entreprises du paysage (Unep).
Les trois grandes parts de marchés du paysage que se disputent les promoteurs (25%), les collectivités (25%) et les particuliers (50%) sont toutes en croissance sur le plan économique. Preuve que la demande est vraiment là : la part de marché des particuliers a connu un essor particulièrement important après la pandémie, et ne cesse de croître depuis.
Les espaces extérieurs font partie du logement
Pour Pierre Darmet, ce n’est pas si surprenant : « le Covid a permis de rappeler que l’espace extérieur fait partie du logement alors que nous avions tendance à l’avoir oublié. »
« Avant le Covid, les promoteurs tendaient à faire disparaitre certains espaces extérieurs pour des raisons économiques, confirme Laure Planchais, paysagiste et urbaniste. Cela pouvait être par exemple un balcon, un rebord de fenêtre, une toiture qui devenait non accessible... La pandémie a remis en valeur ces espaces, qui sont redevenus un argument de vente pour les promoteurs », observe cette dernière. Ce qui s’est clairement vu dans l’engouement suscité par les labellisations privées : le label BiodiverCity, qui note et affiche la performance des projets immobiliers prenant en compte la biodiversité, a ainsi vu ses demandes doubler en l’espace des trois années qui ont suivi la pandémie. Un signe que le marché a réellement changé, même si la crise économique a depuis remis un peu en question les préoccupations des promoteurs sur le plan de la biodiversité.
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Besoin de nature au quotidien
Quant aux collectivités, elles sont nombreuses à avoir modifié leurs politiques urbaines et leurs plans d’urbanisme afin d’intégrer davantage de nature en ville. Certaines sont même allées jusqu’à adopter la règle des « 3.30.300 » initiée en 2021 par le chercheur néerlandais Cecil Konijnendijk, et qui consiste à faciliter l’accès des espaces de nature en ville aux habitants en promouvant trois règles simples : voir au moins trois arbres par les fenêtres de son logement, vivre dans un quartier disposant d’au moins 30 % de surface arborée et résider à moins de 300 m d’un parc ou d’un espace vert.
Nantes Métropole a intégré en 2024 cette règle au sein d’une charte pour protéger et renforcer la présence des arbres en ville, de même que la commune de Saint-Georges-de-Reneins (Rhône) qui l’a adoptée dans le cadre d’un projet de végétalisation de ses espaces publics. Un phénomène qui reste toutefois à remettre dans un contexte plus global, estime Thomas Boucher, paysagiste et urbaniste au sein de l’agence Praxis.
Selon ce dernier, la pandémie a surtout conforté une dynamique qui était déjà présente chez les aménageurs publics. « Il y a une combinaison de multiples facteurs, que ce soit un retour du végétal face à l’excès de minéralisation en ville, la lutte contre les ilots de chaleur, le déploiement des nouvelles mobilités ou le besoin quotidien de sensations de nature … qui poussent les collectivités à s’interroger sur de nouvelles pratiques de renaturation. Le Covid constitue l’un des accélérateurs de cette prise de conscience », estime l’expert.
Cours d’école et parcs privés
Autre tendance à l’œuvre : la porosité entre espace vert public et privé tend à s’amplifier dans les projets d’aménagement. Les collectivités sont ainsi de plus en plus nombreuses à rendre accessible des espaces verts privés ou semi-privés à leurs habitants, conscientes des bienfaits que ces derniers peuvent avoir sur leurs administrés. C’est le cas des cours d’école par exemple, mais aussi de parcs privés.
L’un des derniers exemples en date est celui du parc de la villa Windsor dans le bois de Boulogne, ouvert au public depuis 2024 suite à un appel à projet lancé par la ville de Paris. Ou encore d’Annemasse (Haute-Savoie), qui a souhaité sanctuariser les espaces verts et les espaces non construits au sein de son PLU. Ceux-ci sont de facto classés en zone naturelle, sauf pour les espaces non construits déjà artificialisés. La mairie a également racheté des terrains auprès de propriétaires privés. La villa privée Tiberghien devait ainsi initialement être démolie et remplacée par un nouveau programme de bâtiments. La collectivité est intervenue pour acheter la parcelle, où un parc public a vu le jour en 2015. Plus récemment, le parc Mila Racine a vu le jour en 2022. La ville a négocié avec le promoteur pour acquérir 6280 m2 d’espaces verts sur la partie arrière du terrain qui a été racheté par ce dernier.