Détection : Perpignan mobilise une brigade à quatre pattes
Kyrie, Taïky et Shanky sont les dernières recrues d'Eau Agglo, filiale du groupe Veolia, délégataire de la gestion de l'eau pour Perpignan Méditerranée Métropole (Pyrénées-Orientales) depuis le 1er janvier 2024. Leur mission : prélocaliser les fuites… en flairant l'odeur du chlore. « Plus de cinq ans ont été nécessaires pour former cette brigade canine avec des maîtres-chiens retraités de l'armée, relate Eric de Saint-Martin, directeur d'Eau Agglo. Il a fallu vérifier l'absence de risque sanitaire pour les animaux, les dresser, tester le procédé, en l'occurrence ici, en Roussillon, avant de le déployer en France. »
Détection de suintement invisible. Le trio à quatre pattes patrouille deux fois par an pendant une semaine, principalement en zone rurale où les vannes et les branchements sont peu nombreux, mais aussi dans des secteurs dotés de conduites en plastique qui résonnent moins que le métal lors de perte d'eau. Des agents prennent ensuite le relais pour affiner la détection et opérer les éventuels travaux. « Quelque 75 % des fuites ont été identifiées dans un rayon de 5 m autour de l'endroit marqué. Puisque le chien peut détecter un suintement invisible, par exemple sur un joint, nous avons placé un tube allonge pour surveiller les marquages en apparence non probants et, dans 80 % des cas, la fuite s'est produite quelques mois plus tard », témoigne le directeur, tenu à un objectif ambitieux : « Le rendement moyen des réseaux sur l'Agglo était évalué à 78 % en 2022. Nous devons atteindre 88,5 % dès 2028 et 89,2 % d'ici 2036, sur un volume vendu de 18 millions de mètres cubes par an. » Dans un département en extrême déficit hydrique, l'opérateur déploie les grands moyens. Cartographie satellite croisée avec de l'intelligence artificielle, prélocalisateurs acoustiques… Près de 40 000 compteurs à ultrasons de Kamstrup sont aussi entrés en service sur les 120 000 prévus d'ici fin 2026. A eux seuls, ils permettront d'économiser 400 000 m3 par an, en identifiant les ondes émises par une fuite sur les branchements, soit 75 % des incidents du réseau.
Reste que la gestion du patrimoine passe d'abord par sa connaissance. C'est pourquoi Eau Agglo s'appuie sur la modélisation numérique pour cartographier les réseaux, avec une solution de géoréférencement dernier cri du groupe RTI. « Cette panoplie d'outils nous permet d'utiliser au mieux nos ressources humaines, dont six agents dédiés à la recherche de fuites », conclut Eric de Saint-Martin. « Il s'agit en somme de réduire la meule de foin pour que l'aiguille soit plus facile à trouver ! »
Réparation : le chemisage gagne du terrain à Montpellier
Réparer une canalisation sans ouvrir de tranchée : tel est le principe du chemisage. En pratique, une gaine textile imprégnée de résine est insérée dans la conduite. Elle est déployée sous pression, sur toute la surface interne, puis solidifiée par polymérisation via l'injection de vapeur d'eau. La Régie des eaux de Montpellier 3M (RE3M) utilise cette technique depuis plusieurs années sur ses réseaux d'assainissement. Et pour cause. « Particulièrement adaptée aux secteurs urbains denses et contraints, elle revient au minimum 50 % moins cher qu'une méthode classique et peut diviser par quatre le temps de travaux, avec une tenue mécanique garantie 50 ans par les fournisseurs », explique Mylène Begos, directrice du patrimoine de la régie.
Compte tenu des contraintes supplémentaires des réseaux sous pression et des normes sanitaires, la réhabilitation par l'intérieur des conduites d'eau potable est plus récente, peu d'entreprises disposant d'ailleurs des accréditations nécessaires. En amont, des investigations restent aussi primordiales pour vérifier l'état de la canalisation et choisir la meilleure solution, de même que des contrôles d'étanchéité et de potabilité avant la remise en service. Toutefois, RE3M a eu recours au chemisage des conduites d'eau potable dès 2021, dans le cadre des travaux préalables de la ligne 5 du tramway, en restaurant une conduite DN 1300. « Plus récemment, nous avons réhabilité un feeder de diamètre 150 sur 100 m avec le système Primus Line qui s'appuie sur une gaine armée et des raccordements spécifiques », précise Mylène Begos.
Moins d'impacts sur la population. Ces opérations pourraient en appeler d'autres. En 2025, 13,2 M€ seront injectés dans le renouvellement des réseaux dont 6 M€ pour l'eau potable. Entre budgets contraints et flambée du coût des travaux, l'option chemisage - économique mais aussi moins impactante donc mieux perçue par la population - est plus que jamais dans les tuyaux. « En 2024, la cellule gestion patrimoniale s'est structurée en vue d'établir une feuille de route de réhabilitation des réseaux. Parallèlement, la formation des équipes se poursuit », conclut la directrice du patrimoine.
Surveillance : le réseau de Carcassonne mis sur écoute
Les murs ont des oreilles. Les canalisations aussi. Du moins dans l'agglomération de Carcassonne (Aude) où Suez a déployé environ 800 prélocalisateurs acoustiques depuis 2018, dans le cadre d'un contrat de délégation de service public (DSP) concernant 34 des 83 communes du territoire, soit 75 % des usagers. Placés à intervalles réguliers, ces capteurs détectent les bruits générés par les fuites sur un réseau de 800 km, lui-même sectorisé. Sur les différentes sous-sections, 70 compteurs assurent le suivi des débits entrants et sortants en vue de déceler rapidement les tronçons fuyards. Enfin, plus de 45 000 compteurs intelligents ON'Connect auront été installés chez les habitants à horizon 2029, pour un suivi quotidien de leur consommation doublé d'une alerte en cas d'anomalie.
Intelligence artificielle et agents réactifs. « Les millions de données recueillies sont transmises, analysées et partagées en temps réel au centre de pilotage Visio de Béziers », souligne Emmanuelle Dussutour, directrice d'agence territoriale de Suez. « Ces outils experts couplés à l'intelligence artificielle permettent à nos agents de gagner en réactivité. Ils repèrent et réparent plus vite, avec plus de précision. Ce qui aide les collectivités à dépenser le bon euro au bon moment et au bon endroit. » Les résultats sont là : « Les rendements dépassent 90 % sur la ville de Carcassonne. Les pertes en eau ont été réduites de 30 %, soit 500 000 m3 par an, équivalant à 10 % du volume distribué », se réjouit Régis Banquet, président de l'agglomération. L'élu compte également inciter les usagers à plus de sobriété. Le 1er janvier 2025, une tarification unique et progressive a été instaurée, à titre expérimental, pour les communes en DSP. Elle repose sur un principe simple : moins on consomme, moins on paye.
