1.Un champ d’application étendu
L’obligation de délivrer un logement décent est d’ordre public. Elle s’applique à tout bailleur mettant en location des logements à titre de résidence principale ou à usage mixte : professionnel et d’habitation principale (article 2 de la loi du 6 juillet 1989 sur les rapports locatifs). Cette obligation s’applique non seulement lorsque le bail est intégralement soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989, mais aussi :
- lorsque le bail est partiellement régi par cette loi, comme c’est le cas pour les locations meublées, les locations HLM ou encore les locations soumises à la loi du 1er septembre 1948 ;
- ou lorsqu’il est régi par les dispositions du code civil, comme c’est le cas pour les logements attribués ou loués en raison de l’exercice d’une fonction ou de l’occupation d’un emploi et les locations consenties aux travailleurs saisonniers.
Si une partie des locaux loués dans le cadre d’un bail commercial est à usage d’habitation, le bailleur est tenu, conformément à l’article 1719, 1° du code civil, de délivrer ces locaux en état de décence, dès lors qu’ils sont occupés par le locataire à titre d’habitation principale (Cour de cassa, voir Opé. Immo. n° 25, mai 2010, p. 50). En revanche, cette obligation ne s’applique pas aux logements-foyers et aux locaux destinés aux travailleurs agricoles qui sont soumis à des réglementations spécifiques.
2. Critères de décence
Les caractéristiques minimales que le logement loué doit réunir pour pouvoir être considéré comme décent ont été définies par le décret du 30 janvier 2002. Ces critères portent sur la surface minimale, sur le niveau de confort, et ou l’état du logement.
Respect de la sécurité physique et de la santé des locataires
Le gros œuvre doit être en bon état d’entretien et de solidité et assurer la protection des locaux contre les infiltrations par la couverture et les menuiseries extérieures et contre les eaux de ruissellement et les remontées d’eau.
Les dispositifs de retenue des personnes tels que les gardes corps des fenêtres, escaliers, loggias et balcons doivent être conformes à leur usage (un logement dont les garde-corps du balcon étaient dessoudés n’est pas considéré comme décent : C).
La nature et l’état de conservation et d’entretien des matériaux de construction, des canalisations et des revêtements de surface (sols et murs) ne doivent pas présenter de risques manifestes pour la santé et la sécurité. Tel n’est pas le cas en présence d’amiante ou de plomb à un niveau supérieur au seul légal.
Les réseaux et branchements d’électricité et de gaz et les équipements de chauffage et de production d’eau chaude doivent être conformes aux normes de sécurité définies par les lois et règlements et être en bon état d’usage et de fonctionnement (encadré ci-contre).
Les dispositifs d’ouverture et de ventilation doivent permettre un renouvellement de l’air adapté aux besoins d’une occupation normale du logement et des équipements. Les pièces principales (séjour, cuisine et chambres) doivent bénéficier d’un éclairement naturel suffisant et d’un ouvrant donnant à l’air libre ou sur un volume vitré donnant à l’air libre.
Éléments d’équipement et de confort
Le logement doit comporter :
- une installation permettant un chauffage normal, munie des dispositifs d’alimentation en énergie et d’évacuation des produits de combustion et adaptée aux caractéristiques du logement. Ne répond à ces critères le logement comportant uniquement une cheminée dans le séjour, un convecteur dans la salle d’eau et un poêle à bois et charbon dans la cuisine (cour d’appel de Nîmes, 29 janvier 2004, n° 02/02538) ;
- une installation en eau potable assurant à l’intérieur du logement la distribution avec une pression et un débit suffisants pour l’utilisation normale du locataire. Le bailleur est tenu d’installer l’eau, même s’il a informé le locataire que cette installation n’était pas possible et lui a proposé un relogement qu’il a refusé (Cour de cassation, 3e ch. civ., 15 décembre 2004, n° 02-20614) ;
- des installations d’évacuation des eaux vannes et ménagères empêchant le refoulement des odeurs et les effluents et munies de siphon ;
- un réseau électrique permettant l’éclairage de toutes les pièces et des accès ainsi que le fonctionnement des appareils ménagers courants indispensables à la vie quotidienne ;
- une cuisine ou un coin cuisine de manière à recevoir un appareil de cuisson et comprenant un évier alimenté en eau chaude et froide et raccordé à une installation des eaux usées.
Est aussi exigée une installation sanitaire intérieure comprenant :
- un WC, séparé de la cuisine et des pièces où sont pris les repas ;
- un équipement pour la toilette corporelle comportant une baignoire ou une douche, aménagé de manière à garantir l’intimité personnelle, alimenté en eau chaude et froide et muni d’une évacuation des eaux usées.
Si le logement ne comporte qu’une seule pièce (cas des « chambres de bonne »), l’installation sanitaire peut être limitée à un WC extérieur au logement, à condition que ce WC soit situé dans le même bâtiment et facilement accessible (par exemple, lorsqu’il est situé au même étage que les lieux loués). Mais dès qu’il comprend une pièce principale séparée d’une autre pièce par un mur, une installation sanitaire intérieure est obligatoire (Cour de cassation, 3e ch. civ., 21 mars 2012, n° 11-14838, voir Opé. Immo. n° 46, juin 2012, p. 41).
Dimension du logement
Le logement doit disposer au moins d’une pièce principale ayant :
- soit une surface habitable au moins égale à 9 m² et une hauteur sous plafond au moins égale à 2,20 mètres ;
- soit un volume habitable au moins égal à 20 m3.
La surface et le volume habitables doivent être calculés conformément aux dispositions des 2e et 3e alinéas de l’article R111-2 du code de la construction et de l’habitation (CCH). Ainsi, les parties du logement d’une hauteur inférieure à 1,80 mètre ne sont pas prises en compte dans le calcul de la surface habitable.
3. Les recours du locataire
Demande de mise en conformité
Si le logement loué ne répond pas aux normes de décence, le locataire peut demander au bailleur, à tout moment, sa mise en conformité sans que cette demande affecte la validité du bail en cours (article 20-1 de la loi du 6 juillet 1989). En revanche, il ne peut exiger du bailleur qu’il lui fournisse un logement de substitution. Le fait que le locataire ait accepté en parfaite connaissance de cause de prendre possession d’un logement en mauvais état ne décharge pas pour autant le bailleur de son obligation de décence (Cour de cassation, 3e ch. civ., 2 février 2010, n° 09-12691). Les travaux relevant de la décence ne peuvent être contractuellement mis à la charge du locataire, même avec une contrepartie (Cour de cassation, 3e ch. civ., 3 février 2010, n° 08-21205). La preuve de la non-décence peut être apportée par tout moyen, notamment par un constat d’huissier ou un rapport d’expertise établi par une autorité administrative (service communal d’hygiène, agence régionale de santé). À défaut d’accord amiable entre les parties (ou de réponse du bailleur à l’issue d’un délai de deux mois), le locataire peut dans un premier temps saisir la commission départementale de conciliation puis, si le désaccord persiste, saisir le juge du tribunal d’instance. Mais la saisine préalable de cette commission étant facultative, le locataire peut directement saisir le juge.
Pour faire valoir son droit à un logement décent, le locataire peut donner par écrit mandat d’agir en justice en son nom et pour son compte à une association mentionnée à l’article 24-1 de la loi du 6 juillet 1989.
Sanctions encourues par le bailleur
Il appartient au juge de déterminer, le cas échéant, la nature des travaux à réaliser et leur délai d’exécution (éventuellement sous astreinte). Celui-ci aura également la faculté de réduire le montant du loyer ou suspendre son paiement (avec ou sans consignation) et la durée du bail jusqu’à l’exécution complète des travaux. Le juge est aussi tenu de transmettre au préfet le jugement ou l’ordonnance constatant la non-décence du logement. Dès lors qu’il rapporte la preuve que la non-décence lui a causé un trouble de jouissance, le locataire peut prétendre à l’octroi de dommages-intérêts dont le montant est déterminé souverainement par le juge au regard du préjudice effectivement subi par le locataire. Le bailleur étant obligé par le seul effet de la loi de délivrer un logement décent, le locataire n’est pas préalablement tenu de lui adresser une mise en demeure formelle d’effectuer les travaux pour pouvoir prétendre à une minoration du loyer et à des dommages et intérêts (Cour de cassation, 3e ch. civ., 18 décembre 2012, n° 11-10061).