Quelle est la situation du marché de la construction en Pologne, un an après l'arrivée du nouveau gouvernement conservateur, celui d’Andrzej Duda (parti Droit et Justice) ?
Il faut distinguer deux grands secteurs bien différents : le bâtiment et les infrastructures. En ce qui concerne le premier, le marché offre beaucoup de potentiel dans différents secteurs. Celui du résidentiel, notamment, montre un dynamisme extraordinaire. Il y a en Pologne presque 50% de moins de logements par famille qu'en Europe de l'Ouest. La demande existe donc pour longtemps. Dans le domaine de la promotion immobilière, ce marché est à ce jour exclusivement développé en résidentiel privé. Un nouveau programme gouvernemental dénommé "Logement+" prévoit toutefois la réalisation de 6 000 logements sociaux à l’horizon 2018. Ce projet peut ouvrir de nouvelles perspectives de développement [pour une entreprise comme Eiffage] même si, pour le moment, l’objectif gouvernemental est de privilégier l'accès à ce marché des petites entreprises locales.
Le résidentiel est un segment de marché particulièrement exigeant en termes d’optimisation de la conception et de technique.
Des fonctionnaires polonais en charge de ce secteur vont d'ailleurs très prochainement aller en France pour rencontrer des acteurs publics et privés du logement social et s'instruire de leur expérience.
Qu'en est-il des autres segments du bâtiment ?
À côté du logement, les surfaces commerciales se portent bien aussi, mais la structure de la demande est bien différente qu’au début du siècle. Terminée l'époque des très grands chantiers dans les grandes villes. Le centre commercial Posnania
(100 000 m²) est probablement l’un des derniers du genre, "la cerise sur le gâteau". Cette activité se tourne maintenant vers des villes de moins de 100 000 habitants et des complexes de 20 000 m² avec des budgets autour de 12-15 millions d'euros, loin des 140 millions de Posnania. Outre cette activité en neuf, un nouveau marché à fort potentiel a surgi celui de la rénovation des galeries commerciales de grande surface qui, au bout de 15 ou 20 ans, ne répondent plus aux standards contemporains.
Nous sommes prêts à répondre à ces deux marchés du neuf et de la rénovation. Les hôtels sont, eux aussi, en plein essor. Accor, pour qui nous en avons bâti quatorze, n'est pas seul en Pologne, loin de là. Hilton a lancé dix chantiers cette année, et Eiffage est chargé de trois d'entre eux. Les voyages d'affaires ont atteint pratiquement le niveau moyen européen et le tourisme estival classique se développe. Dans les grandes villes, il est parfois difficile de trouver une chambre et les prix sont élevés. Et enfin, dernier secteur à fort potentiel, la construction de bâtiments industriels, y compris dans le cadre de l’offre clés en main.
Qu’en est-il des infrastructures ?
Le marché de l’infrastructure accuse en revanche un recul de 20% par rapport à 2015, une baisse sans précédent, incomparable même avec 2007 et qui, selon les pronostics, se poursuivra au premier semestre 2017 avec un espoir de reprise au second. Les projets routiers sont en grande partie achevés, les chantiers ferroviaires n’ont pas démarré au dépit de besoins pressants et des dotations européennes disponibles, faute de projets de conception prêts à être mis en œuvre.
C’est une situation particulièrement difficile à gérer pour les acteurs spécialisés. Nous nous félicitons d’avoir anticipé cette évolution du marché et d’avoir renforcé nos positions dans le secteur du bâtiment.
Dans quelle mesure profitez-vous de l'expérience du groupe Eiffage en France et dans le monde ? Collaborez-vous avec d'autres sociétés françaises et occidentales ?
Les bons rapports d'Eiffage avec de grosses sociétés françaises clientes – par exemple Accor, Michelin ou Absys – s'étendent à nos filiales en Pologne et aux leurs. Le chantier de Posnania, immense, novateur, exigeant sur le plan technique, était pour nos équipes une grande expérience de coopération franco-polonaise. Expérience réussie à mon avis, après une période de rodage parfois éprouvante. Et surtout, expérience à renouveler pour faire jouer toutes les synergies entre les différentes expertises du groupe Eiffage, telles que l’énergie, les façades… Au-delà de notre capacité à mener à bien des grands projets comme celui de Posnania, nous capitalisons aussi sur le modèle constructeur-promoteur développé en France, et avons lancé ces derniers mois nos premiers projets immobiliers en résidentiel privé, bureaux et hôtellerie.
À terme nous développerons des produits plus spécifiques, type résidence service (étudiants, seniors…) ou logement social, sur lesquels les équipes immobilières françaises sont très actives et vont beaucoup nous apporter. Cela dit, on ne peut pas reproduire 100% du modèle français, il faut s’appuyer et capitaliser à la fois sur les savoir-faire d’Eiffage et sur les compétences locales pour être les plus performants et rester au plus près des attentes du marché polonais. En quelque sorte, prendre le meilleur des deux mondes! Notre ambition est de développer notre activité sur le territoire polonais et je suis convaincu que la marque Eiffage, qui est connue et appréciée, nous aidera beaucoup dans cet effort de croissance.
EPB, c’est quoi ?
Eiffage Polska Budownictwo (EPB), filiale d’Eiffage Construction, exerce ses activités en Pologne en tant qu’expert de la construction en entreprise générale. En près de 30 ans, EPB a réalisé plus de 650 projets en résidentiel, tertiaire, hôtellerie, mais aussi industrie ou encore commerce. Parmi les dernières réalisations, on peut, par exemple, citer le centre commercial Posnania à Poznan, le bâtiment OVO intégrant notamment un hôtel de luxe Hilton à Wroclaw ou encore la résidence de luxe Angel Wawel à Cracovie. Avec un effectif de 400 collaborateurs, EPB a réalisé 179 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015 sur les 3,5 milliards d’Eiffage Construction.
