Le marché français ouvre l'appétit des investisseurs

Délaissé au profit du bureau, le résidentiel intéresse de nouveau les « zinzins », qui entrent dans le secteur en nouant des partenariats avec les grands promoteurs.

 

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La rentabilité du résidentiel se rapproche désormais de celle du bureau.

Le marché hexagonal du logement a la cote auprès des « zinzins ». Selon Cushman & Wakefield, les investisseurs institutionnels (compagnies d'assurances, mutuelles, caisses de retraite, sociétés de gestion… ) ont injecté, l'an passé, 5 Mds € dans le résidentiel en France, soit une augmentation de 150 % en quatre ans ! « La crise est venue souligner le côté très sécurisé du résidentiel, là où d'autres actifs ont montré des turbulences. On est passé d'un investissement de diversification à un investissement de conviction », souligne Vincent Mahé, directeur général de CDC Habitat. Pour lui, l'évolution de la stratégie d'Axa est révélatrice de ce changement. « En 2014, quand nous avons lancé notre premier Fonds de logement intermédiaire (FLI 1), l'assureur ne nous a pas suivis. En 2018, il a mis 40 M€ dans le FLI 2. Et deux ans plus tard, il signait un partenariat de 2 Mds € avec In'li pour construire 20 000 logements intermédiaires. »

Conditions financières séduisantes. Philippe Bouvier, directeur général relations investisseurs chez Altarea Promotion, mesure cet appétit grandissant : « Il y a dix ans, on comptait entre cinq et dix investisseurs sur le logement en France. Aujourd'hui, le cercle s'est élargi. Ils sont une vingtaine à opérer et nous envoyons des dossiers à 80 contacts. » Le promoteur a d'ailleurs enregistré un record de ventes en bloc en 2020 avec 65 % des transactions réalisées auprès d'institutionnels, contre un tiers habituellement.

La France manque de logements, en particulier locatifs

Pour Vincent Mahé, « le mouvement s'est certes accéléré avec la crise du Covid mais il s'est en réalité enclenché dès 2018 ». Cette année-là, le résidentiel est devenu, en Europe, la deuxième classe d'actifs la plus investie derrière le bureau, dépassant le commerce. A la même période, en France, la vente par la SNCF du portefeuille Vesta, composé de logements de fonction pour les cheminots et de droits à construire, a marqué un tournant. « Avant de céder définitivement ce portefeuille au consortium composé de Swiss Life AM et CDC Habitat pour 1,4 Md €, la SNCF avait reçu 10 propositions d'un montant équivalent. Autrement dit, s'il y avait eu l'offre disponible, 14 Mds € auraient pu être investis dans le résidentiel sur l'Hexagone. Ce qui est énorme ! », analyse Christian de Kerangal, directeur général de l'Institut d'épargne immobilière et foncière (IEIF).

De Swiss Life à l'américain Hines, en passant par l'allemand Patrizia, le plus gros propriétaire de logements en Europe avec 12,5 Mds € d'actifs, tous les grands noms de la finance internationale scrutent le marché tricolore. « Ils sont prêts à acheter des portefeuilles significatifs, assure Stéphane Imowicz, président d'Ikory, société de conseil en immobilier résidentiel. En France, les fondamentaux en matière de résidentiel sont bons : le pays manque de logements, en particulier locatifs, et les besoins touchent toutes les catégories : sociaux, intermédiaires et haut de gamme. » A cela s'ajoutent des conditions financières séduisantes : un prix d'achat plus attractif que dans certains pays voisins, une valorisation de patrimoine assurée sur le long terme (sur les quarante dernières années, les prix ont augmenté en moyenne de 3,5 % par an) et une rentabilité qui se rapproche désormais de celle du bureau. « La hausse des prix de l'immobilier d'entreprise a entraîné une baisse de sa rentabilité locative. Aujourd'hui, les meilleurs actifs de bureau dans Paris affichent un taux de rentabilité de 3 %, contre 1,5 % en moyenne pour le logement », explique Christian de Kerangal.

Difficile de trouver des immeubles entiers. Malgré ces indicateurs au vert, l'Hexagone ne représente encore que 4 % du volume d'investissement du résidentiel en Europe, loin derrière l'Allemagne (38 %), la Suède et les Pays-Bas (voir graphique ci-dessus) . « La grande difficulté, c'est de trouver de l'offre. A la différence des particuliers, les investisseurs recherchent des immeubles entiers. Or, la France est un pays de propriétaires, avec des copropriétés émiettées et peu de blocs disponibles », note Christian de Kerangal. « La plupart des fonds étrangers ne veulent investir que sur des portefeuilles de 200 à 300 M€, en zones tendues, et à partir d'une certaine quantité d'actifs afin de réaliser des économies d'échelle. Pour l'instant, notre souci, c'est d'avoir la matière qui alimente ces investissements », reconnaît Philippe Bouvier, chez Altarea.

La foncière Gecina mise sur l'intégration de services comme des conciergeries dans ses résidences

Pour contourner la problématique de la pénurie de logements et accéder au parc locatif, la foncière de bureaux Gecina a trouvé une solution. Après plus de dix ans d'absence sur le résidentiel, l'entreprise, qui a opéré fin 2019 son retour sur ce segment à travers une filiale dédiée puis le rachat d'un premier immeuble d'habitation à Paris VIIIe , a annoncé en octobre dernier la création d'une société de copromotion avec Nexity. Cette structure commune, que ce dernier détient à 60 % contre 40 % pour Gecina, vise à développer, d'ici à quatre ans, 4 000 nouveaux logements « build to rent » en région parisienne et dans les grandes métropoles régionales françaises. « L'idée est de proposer aux clients de Gecina le même confort dans chacune des résidences de la marque », détaille Véronique Bédague, directrice générale déléguée de Nexity. La foncière entend construire « aux meilleurs standards environnementaux » et « encourager l'usage du bois ». Elle mise par ailleurs sur l'intégration de services, comme une conciergerie au sein de chaque résidence.

Priorité aux zones très tendues. Côté promoteurs, les avis sont partagés sur l'arrivée des « zinzins ». Celle-ci pourrait chambouler le secteur au détriment des petits opérateurs et créer des inégalités territoriales, craignait Alexis Rouque, délégué général de la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI), lors d'une conférence de presse organisée en novembre dernier : « Les grands investisseurs se concentrent sur les zones très tendues (A et Abis) quand les particuliers investissent en zone B1, là où l'on a également besoin de logement. » D'autres acteurs, au contraire, se frottent les mains. C'est le cas d'In'li. Pour atteindre son objectif de production de 80 000 logements intermédiaires dans le Grand Paris d'ici à 2030, la filiale d'Action Logement multiplie les partenariats. Elle a donc créé, l'été dernier, une foncière avec Axa IM Real Assets avant de signer, quelques mois plus tard, un partenariat avec le gestionnaire de fonds Primonial REIM, le groupe de protection sociale Pro BTP et la société d'ingénierie immobilière Midi 2i.

Toutes ces initiatives devraient plaire au gouvernement. Anticipant la fin du dispositif Pinel en 2024, il compte pousser les investisseurs institutionnels à intervenir plus fortement dans le résidentiel,afin d'économiser les deniers publics.

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