Observer - Le phare aiguille vers le bestiaire marin

La mise en scène de la relation entre l'homme et la mer a guidé l'aménagement minimaliste de la pointe du cap Fréhel.

 

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Discrets mais dissuasifs, des fils de fer et poteaux de bois d’une vingtaine de centimètres de hauteur encadrent les cheminements piétons, pour protéger l’écosystème des landes de bruyère. Le dessin des sentiers cadre les vues pour mettre en valeur le phare, symbole de la relation entre l’homme et la mer.

Effet Waouh garanti ! Après quelques pas le long d'un rideau de fougères sur le sentier qui part du parking, la lande mauve et jaune s'étale au premier virage, pour révéler le phare du cap Fréhel, à Plévenon (Côtes-d'Armor), dans sa majesté granitique, dernière construction visible avant l'océan. Dernière ? Pas tout à fait. Du haut du phare, le promeneur découvrira bientôt la pointe du cap, avec ses deux empreintes humaines : la corne de brume au bout du bout, et les ruines de l'ancien restaurant La Fauconnière, à mi-chemin, à droite.

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Epargner la lande. De la pointe au parking, les trois phases du chantier ont suivi le chemin inverse. Tout a commencé en 2013 par un bras de fer dans lequel s'est joué l'esprit du projet : fallait-il faire table rase du rendez-vous des touristes, des gastronomes et des ornithologues, juste en face des rochers où stationnent les guillemots de Troïl (oiseaux marins), les pingouins Torda et les mouettes tridactyles ? « Certains plaidaient pour une démolition radicale de La Fauconnière, d'autres pour sa conservation, et j'étais au milieu », se souvient Stéphane Riallin, chargé de mission à la délégation Bretagne du Conservatoire du littoral.

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La réponse médiane impose son évidence : rénovés jusqu'à 95 cm de hauteur après démolition du bâtiment, les murs de fondation en grès rose remplissent sans ostentation une fonction dite de « pot de miel ». Ils concentrent les flux pour épargner la lande et retenir les aventuriers tentés par les rochers dangereux prisés des oiseaux tout en offrant les assises qui évitent d'encombrer la vue avec un mobilier urbain incongru.

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Inspirés par les boiseries dessinées dans les années 1950 à l'intérieur du phare par l'illustrateur Mathurin Méheut, les bas-reliefs ponctuent la crête du mur pour donner à voir un aperçu du bestiaire marin et aérien, là où le visiteur peut en identifier les spécimens vivants. Signées par le scénographe Franck Watel et teintées dans le même rose que les pierres et les falaises, ces sculptures en béton expriment une idée chère au paysagiste Alain Freytet : le « droit à la non-lecture » interdit les panneaux pédagogiques qui parasiteraient la mise en scène de la relation entre le phare et la mer.

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Ni tracés laser, ni dessins numériques. Après la transformation de La Fauconnière, prolongée autour de la corne de brume, la méthode Freytet-Riallin, rodée au fil de vingt ans de complicité, a pu suivre son cours : avec sa part d'improvisations et sans jamais recourir aux tracés laser ou aux dessins numériques, le projet évolue au fil du dialogue avec l'ensemble des parties prenantes, toujours dicté par les sorties sur le terrain. Mètre après mètre, les fils de fer et les poteaux de bois d'à peine 20 cm de haut gonflent les surfaces mises en défens, avec des résultats déjà perceptibles : les taches mauves des bruyères émergent çà et là du grès rose, y compris sur les terrains décompactés pour favoriser la floraison des banques de graines. Sur le sentier, le rabotage des pierres a donné du fil à retordre au titulaire du marché de voirie, pour mieux concentrer le million de visiteurs annuel dans une emprise étroite, mais confortable.

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Ultime épreuve, l'éloignement du parking a tourné la page du XXe siècle, grâce à une comaîtrise d'ouvrage assumée par la commune de Plévenon, aux côtés du Conservatoire du littoral. La ténacité des élus locaux a eu raison des quelques grincements de dents émis par les automobilistes, habitués à stationner au bord des falaises. Mais qui regretterait la disparition de l'écran d'autocars, entre la lande et le phare ?

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Maîtrise d'ouvrage : Conservatoire du littoral (avec la commune de Plévenon pour la troisième tranche).

Maîtrise d'œuvre : Alain Freytet, paysagiste mandataire, Nicolas Watel (doublevébé), scénographe.

Entreprises : Société rhéginéenne de TP (VRD), Golfe Bois Création (aménagement paysager, renaturation, plantations), Lefèvre (maçonnerie).

Montant des travaux : 1,1 million d'euros TTC.

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