En février 2023, la Première ministre Elisabeth Borne donne suite aux recommandations du Conseil d’orientation des infrastructures (COI) en annonçant « une nouvelle donne ferroviaire » de l’ordre de 100 milliards d’euros d’ici 2040. Sur le premier quinquennat d’investissement prévu, l’effort portera tout particulièrement sur la régénération et la modernisation du réseau avec l’allocation de 1,5 Md€ par an supplémentaire à l’horizon 2026. Le développement du réseau bénéficiera, lui, de 75 M€/an jusqu’en 2027 puis de 300 M€/an jusqu’en 2040.
SNCF Réseau, la Fédération des industries ferroviaires (FIF), le Syndicat des entrepreneurs de travaux de voies ferrées de France (SETVF), le Serce et Syntec-Ingénierie se sont alors associés afin de répondre de manière unie aux défis lancés par ce programme, créant quatre groupes de travail thématiques. Fin mai, c'était l’heure du bilan.
Le premier groupe de travail, consacré à la trajectoire d’investissement, s’est traduit très concrètement dans la foulée de la table ronde : « dès aujourd’hui, nous diffusons la liste des 150 principaux chantiers pour la période 2025-2027 de manière à donner de la visibilité à la filière », a indiqué le PDG de SNCF Réseau Matthieu Chabanel. « Ce groupe de travail nous permet d’anticiper nos travaux, nos investissements et nos recrutements », souligne Philippe Rocher, président du SETVF.
Des stages de seconde pour attirer les jeunes
Nous diffusons la liste des 150 principaux chantiers pour la période 2025-2027 de manière à donner de la visibilité à la filière.
— Matthieu Chabanel, PDG de SNCF Réseau
Les recrutements, précisément, et l’attractivité générale du secteur sont un sujet majeur qui a lui aussi fait l’objet d’un groupe de travail. « Il y a des dizaines de milliers d’emplois à haute valeur ajoutée à pourvoir aujourd’hui », fait valoir Philippe Paillet, président de la commission Caténaires du Serce et par ailleurs à la tête de TSO Caténaires et TSO Signalisation. Comment attirer les jeunes, notamment vers les métiers techniques en tension ? « Une grande partie des 570 000 élèves de seconde n’ont toujours pas trouvé le stage qu’ils devront effectuer mi-juin, rappelle Philippe Paillet, nous devons être là pour eux ». Le sujet nécessitera des moyens : « c’est plusieurs millions d’euros qu’il faudra mettre sur la table », estime Philippe Rocher, du SETVF.
La sécurité, clé de la performance et de l’attractivité
Pour Patrick Jeantet, à la tête de la FIF, « l’attractivité passe par un nouveau récit du ferroviaire qui ne se limite pas aux grèves ou au prix du TGV ». Et par un renforcement drastique de la sécurité sur le terrain. « Les 18 mois qui viennent de s’écouler ont été difficiles avec six accidents mortels », rappelle Matthieu Chabanel. Au-delà de la catastrophe que représentent ces décès, « nous savons tous que si l’on travaille pas en sécurité sur les chantiers ferroviaires, la performance et l’attractivité ne seront pas au rendez-vous ». La stratégie d’externalisation est également interrogée : « en tant qu’ingénieristes, nous avons du mal à embaucher suffisamment vite pour être au rendez-vous de ce qui nous attend dans quelques années car ce qui nous est acheté aujourd’hui, c’est beaucoup de petites prestations dans l’assistance technique et cela ne nous permet pas de former et d’embaucher des jeunes », explique Annelise Baudoin, directrice ferroviaire de Systra et représentante de Syntec-Ingénierie.
Créer un « Gifer » ?
L’attractivité passe par un nouveau récit du ferroviaire qui ne se limite pas aux grèves ou au prix du TGV.
— Patrick Jeantet, président de la FIF
La filière devra également faire la preuve de son efficience. « En regardant ensemble la gestion d’un projet dans toutes ses strates – maîtrise d’œuvre, conception, investissement, RH, mobilisation du matériel et des moyens, méthodes – nous pourrons trouver à chaque fois la solution qui nous permettra de le réaliser dans les meilleures conditions » résume Philippe Rocher. Pour atteindre ses objectifs, la filière doit-elle se lancer dans la création d’un « Gifer », une structure qui regrouperait l’ensemble des acteurs, à l’image du Gifen, le groupement des industriels français de l’énergie nucléaire, auquel appartient le Serce ? Pour son représentant Philippe Paillet, c’est une nécessité. « Cela nous permettra de parler d’une seule voix face aux instances politiques, notamment pour leur faire comprendre que l’industrie ne peut pas se permettre de faire du stop and go ». Matthieu Chabanel est plus circonspect : « nous avons déjà beaucoup de structures, des fédérations professionnelles, un comité stratégique de filière... ; oui à un accélérateur des groupes de travail, non à un “machin” ».