Pourquoi une modification des outils de planification ?
Les objectifs du Grenelle de préservation des ressources et de maîtrise de consommation d’espace ainsi que la nécessaire transversalité de l’approche du développement durable ont incité le législateur à repenser les outils de la planification urbaine.
En France, la planification est organisée essentiellement autour de documents de prévision stratégique d’aménagement, les schémas de cohérence territoriale (Scot), et de documents de nature réglementaire, les plans locaux d’urbanisme (PLU) (ou plans d’occupation des sols-POS), seuls ces derniers étant directement opposables aux travaux et constructions. Pour atteindre les objectifs fixés par le Grenelle, la loi Grenelle 2 favorise le développement d’une planification réglementaire à l’échelon intercommunal.
Quel est l’outil de planification privilégié par la loi Grenelle 2 ?
La loi Grenelle 2 fait du Scot l’échelon privilégié pour lutter contre l’étalement urbain et préserver la biodiversité.
Créés par la dite « SRU » pour remplacer les anciens schémas directeurs élaborés par des communes regroupées en EPCI ou en syndicats mixtes, les Scot ont notamment pour objet de fixer « les orientations générales de l’organisation de l’espace », de définir « des objectifs en matière d’habitat, de transport et de commerces » et de délimiter des « espaces agricoles naturels ou urbains à protéger » (anciens articles L. 122-1 et suivants du Code de l’urbanisme-CU).
La loi Grenelle 2 rend le Scot plus opérationnel à travers son document d’orientation et d’objectifs.
Quel contenu pour le document d’orientation et d’objectifs du Scot ?
Ce document devra arrêter des objectifs chiffrés de consommation économe de l’espace et de lutte contre l’étalement urbain, qui peuvent être ventilés par secteurs géographiques (art. L. 122-1-5 nouveau du CU), ainsi que les modalités de protection des espaces nécessaires au maintien de la biodiversité et à la préservation ou remise en bon état des continuités écologiques, et pourra :
- définir les grands projets d’équipements et de desserte par les transports collectifs ;
- déterminer les objectifs d’offres de logements nouveaux et les objectifs en matière de réhabilitation du parc de logements existant, public ou privé ;
- définir des secteurs dans lesquels l’ouverture de nouvelles zones à l’urbanisation est subordonnée à l’obligation pour les constructions, travaux, installations et aménagements de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées ;
- déterminer une valeur minimale en dessous de laquelle ne peut être fixée la densité maximale de construction résultant de l’application des règles du PLU. Si ces dernières sont contraires aux normes minimales de hauteur, d’emprise au sol et d’occupation des sols fixées par le document d’orientation et d’objectifs, elles cessent de s’appliquer passé un délai de 24 mois à compter de la publication du schéma, de sa révision ou de sa modification ;
- définir des secteurs, situés à proximité des transports collectifs existants ou programmés, dans lesquels les PLU doivent imposer une densité minimale de construction.
- définir des normes de qualité urbaine, architecturale et paysagère applicables en l’absence de PLU ou document d’urbanisme en tenant lieu ;
- imposer des obligations minimales ou maximales de réalisation d’aires de stationnement pour les véhicules motorisés et non motorisés, que les PLU ou document d’urbanisme en tenant lieu devront imposer.
Enfin, pour les communes qui ne sont pas couvertes par un Scot, l’ouverture à l’urbanisation par les PLU sera interdite dans les zones à urbaniser (délimitées après le 1er juillet 2002) et les zones naturelles. Cela s’appliquera d’abord de façon progressive, puis pour toutes les communes à compter du 1er janvier 2017 (art. L. 122-2 modifié du CU).
Enfin, le Scot doit prendre en compte, lorsqu’ils existent, les schémas régionaux de cohérence écologique et les PCET (plans climat-énergie territoriaux).
Que deviennent les plans locaux d’urbanisme (PLU) ?
Egalement créés par la loi « SRU » du 13 décembre 2000, les PLU étaient censés remplacer les plans d’occupation du sol (POS) pour mettre en œuvre un véritable projet urbain, incluant la notion de développement durable, par le biais du projet d’aménagement et de développement durable (PADD).
Mais les PADD se sont révélés partiellement insuffisants pour permettre l’application des ambitions du développement durable au vu des objectifs du Grenelle de l’environnement.
Repensés par la loi Grenelle 2 (art. 14 et 19), les PLU ont désormais pour objectif de prendre en compte, notamment, la réduction des émissions de gaz à effet de serre, la maîtrise de l’énergie, la production d’énergie renouvelable et la préservation de la biodiversité (art. L. 121-1 du CU).
Les PADD comportent quant à eux des dispositions à la fois sur l’aménagement, l’habitat, les transports et les déplacements et fixent non seulement les orientations générales « d’urbanisme et d’aménagement », mais aussi celles relatives à « la préservation ou remise en bon état des continuités écologiques » (art. L. 123-1-3 du CU).
Afin de favoriser la maîtrise de la consommation d’espace et accompagner le renforcement des exigences environnementales, le PLU pourra désormais :
- prévoir, dans des secteurs qu’il délimite et situés à proximité des transports collectifs existants ou programmés, une densité minimale de construction (l’objectif étant de limiter l’étalement urbain et de densifier les zones bien desservies en transports) ;
- imposer aux constructions, travaux, installations et aménagements, notamment dans les secteurs qu’il ouvre à l’urbanisation, de respecter des performances énergétiques et environnementales renforcées qu’il définit.
Les PLU intercommunaux sont favorisés, mais ne sont pas imposés. Dans les PLU intercommunaux, les orientations d’aménagements et de programmation tiennent lieu de PLH (programme local de l’habitat) et de PDU (plan de déplacements urbains) (art. L. 123-1-4 du CU).
Le PLU doit prendre en compte, lorsqu’ils existent, les schémas régionaux de cohérence écologique et les PCET (art. L. 123-1-9 du CU).
Enfin, les collectivités auront à s’interroger sur l’efficacité de leur PLU puisqu’elles devront, même si cela reste facultatif, dans le cadre de l’évaluation environnementale procéder, au plus tard à l’expiration d’un délai de six ans (contre dix auparavant) à compter de la délibération portant approbation ou révision de ce plan, à une analyse des résultats de son application notamment du point de vue de l’environnement et de la maîtrise de la consommation d’espace (art. L. 123-13-1 du CU).
Quand ces dispositions seront-elles applicables ?
Les dispositions nouvelles relatives aux Scot et aux PLU entrent en vigueur six mois après la publication de la loi Grenelle 2 (soit le 13 janvier 2011), le cas échéant après leur intégration à droit constant dans une nouvelle rédaction du livre Ier du Code de l’urbanisme à laquelle il pourra être procédé en application de cette loi (dispositions finales des art. 17 et 19 de la loi).
Toutefois, précisent ces deux articles, les dispositions antérieurement applicables continuent de s’appliquer aux Scot et PLU en cours d’élaboration ou de révision.
Le rôle de l’Etat dans la planification est-il modifié ?
Enjeu national, sinon mondial, le développement durable opère un mouvement de recentralisation de la planification :
l Tout d’abord, au travers de l’outil de l’Etat, les directives territoriales d’aménagement. La loi Grenelle 2 transforme les anciennes directives territoriales d’aménagement (DTA) en directives territoriales d’aménagement et de développement durables (DTADD). Approuvées par décret après une évaluation environnementale, elles définissent la stratégie à moyen et long terme de l’Etat en matière d’aménagement et de développement durables (art. L. 113-1 nouveau du CU).
Contrairement à l’ancienne DTA, la DTADD peut être modifiée ou révisée et, en dépit de son caractère d’inopposabilité directe, peut devenir opposable si elle est relayée par un projet d’intérêt général (PIG) arrêté par l’autorité préfectorale (art. L. 113-4 du CU).
Peuvent en effet être qualifiés de PIG, pendant un délai de douze ans suivant la publication de la DTADD, après avis des collectivités locales concernées, les projets de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ou des espaces soumis à des risques, et les constructions, travaux, installations et aménagements nécessaires à la mise en œuvre de cette directive. Le PIG est un instrument d’aménagement relativement ancien, d’échelon étatique, qui s’impose aux documents d’urbanisme des collectivités locales et qui permet de poursuivre des objectifs divers tels que la construction d’équipements publics, l’implantation d’installations d’intérêt général, la maîtrise des risques industriels et naturels, la mise en valeur des ressources naturelles et, depuis la loi Grenelle 2, la cohérence des continuités écologiques.
- Ensuite, les dispositions de la loi Grenelle 2 annoncent une plus grande implication de l’Etat dans la définition et la mise en œuvre de la planification locale. Le préfet pourra, en effet, s’opposer à l’entrée en vigueur d’un Scot et d’un PLU, s’ils sont contraires à un PIG ou s’ils autorisent une consommation excessive de l’espace ou ne préservent pas les continuités écologiques (art. L. 122-11 et L. 123-12 du CU).
Le renforcement voulu de la hiérarchisation des normes laisse cependant une zone d’ombre sur l’articulation des Scot, tendant à devenir des outils de planification opérationnels, et des PLU à vocation intercommunale devenant des documents d’orientation. Si la volonté d’avancer vers un « urbanisme écologique » ressort clairement de la loi Grenelle 2, la hiérarchisation classique des documents d’urbanisme peine à s’accommoder de la nécessaire transversalité qu’impose le développement durable.