Seize ans que Thierry Vincent travaille au sein du groupe familial de travaux publics Charier. A « 60 ans en janvier prochain », il n'a jamais passé si longtemps dans une entreprise. « Ici, je travaille à améliorer le bien-être des marins », plaide-t-il. Rebâtir un quai, aménager un ponton, agrandir un port, redessiner le lit d'un fleuve comme il le fait en ce moment sur la Loire à Saint-Julien-de-Concelles, au nord de Nantes (Loire-Atlantique), c'est continuer de « passer sa vie dans l'eau » mais pour un résultat plus « concret » que dans sa vie précédente, au service de multi nationales. Avant d'intégrer la famille des TP, Thierry Vincent a alterné un quotidien de marin-pêcheur à Erquy, dans la baie de Saint-Brieuc (Côtes-d'Armor), et celle d'ouvrier des industries pétrolières, gazières et des télécoms. Durant toutes ces années, il a parcouru le monde. « En mer, on voyage », explique-t-il simplement.
Il a su cela très tôt. Bien qu'auvergnat, son père était officier dans la Marine nationale. Sa mère, bretonne, venait d'une famille de Terre-Neuvas. Lui est né à Tahiti mais il a passé sa jeunesse en Bretagne. A 15 ans, il monte à bord d'un bateau de pêche pour tirer les chaluts. A 18 ans, il suit les traces de son père, intègre l'école aéronavale d'Hyères et passe un an et demi sur le porte-avions Foch. Il en débarquera pour « incompatibilité d'humeur ». Redevenu marin-pêcheur en Manche, il finit par « patronner » pour nombre d'armateurs, larguant les filets jusqu'à la côte anglaise et raclant la baie de Saint-Brieuc pour la coquille Saint-Jacques.
« En mer, c'est comme en montagne. Une mauvaise décision tourne vite à la catastrophe. » Thierry Vincent, conducteur de barges
Navire-grue et gazoduc
En 1996, marié et père d'une fille de 3 ans, il a envie d'élargir son univers. Il devient alors technicien sur le navire-grue PCV Saipem 7000, qui installe le gazoduc Blue Stream en mer Noire entre la Russie et la Turquie. Il en conserve une photo dans son téléphone. « Onze mètres de tirant d'eau ! Quand je la montre aux copains, ils ne réalisent pas. Moi je suis content de dire que j'en étais ! » Pendant des années, il mènera cette « vie de contrats ». Pour France Télécom Marine, il va poser des câbles en mer et faire « presque le tour du monde ». « Toujours avec l'accord de ma femme », précise-t-il. Il œuvre ensuite sur les puits de pétrole de Total dans le golfe de Guinée. A son retour, il se pose en intégrant le groupe Charier où il apporte son expérience au long cours. « En mer, c'est comme en montagne, explique-t-il, une mauvaise décision tourne vite à la catastrophe. J'aime cette rigueur qui n'est pas la même à terre. » Au sein des équipes de son employeur, il a gagné une réputation de râleur… sympathique.
Thierry Vincent continue de voyager dans son camping-car au fil des chantiers. Mais le grand large continue de l'attirer. Il y a peu, il a encore postulé pour un an sur la base scientifique italo-française Concordia dans l'Antarctique mais n'a pas été retenu. « Ça, ça m'aurait bien plu ! » lâche-t-il simplement, sans plus de regrets.