Comment enrayer le déclin de la biodiversité ?
L’objectif fixé par la loi Grenelle 2 est de (re)constituer un réseau d’échanges cohérent à l’échelle du territoire national, pour que les espèces animales et végétales puissent, à l’instar des hommes, circuler, s’alimenter, se reproduire, et assurer leur survie.
Ces nécessaires maintien et rétablissement des continuités écologiques impliquent que l’espace rural, les cours d’eau, les zones urbaines mais également les grandes entités paysagères et écologiques demeurent ou redeviennent, partout où cela est possible, des espaces de vie pour la nature.
L’article 121 de la loi Grenelle 2 ajoute donc à cet effet, dans le livre III du Code de l’environnement, un titre VII. Son objet : définir des trames verte et bleue nationales, cohérentes à l’échelle du pays et même du territoire européen, qui se déclinent et se définissent plus précisément localement par un pilotage coordonné entre l’État et la région, avant appropriation par les collectivités territoriales au travers des documents d’urbanisme.
Ainsi que définies par le nouvel article L. 371-1-I° du Code de l’environnement, les trames verte et bleue « ont pour objectif d’enrayer la perte de biodiversité en participant à la préservation, à la gestion et à la remise en bon état des milieux nécessaires aux continuités écologiques, tout en prenant en compte les activités humaines, et notamment agricoles, en milieu rural ».
De quoi est constituée la trame verte ?
Elle comprend :
- les espaces naturels importants pour la préservation de la biodiversité, et notamment tout ou partie des espaces protégés visés au livre III et au titre Ier du livre IV du Code de l’environnement ;
- les corridors écologiques constitués des espaces naturels ou semi-naturels ainsi que des formations végétales linéaires ou ponctuelles, permettant de relier les espaces mentionnés au paragraphe précédent ;
- les surfaces en couverture environnementale permanente situées le long de certains cours d’eau, sections de cours d’eau et plans d’eau de plus de dix hectares.
Que couvre la trame bleue ?
Elle comprend :
- les cours d’eau, parties de cours d’eau ou canaux figurant sur les listes établies en application des dispositions de l’article L. 214-17 du Code de l’environnement ;
- tout ou partie des zones humides dont la préservation ou la restauration contribue à la réalisation des objectifs de qualité et de quantité des eaux visés au IV de l’article L. 212-1 du Code de l’environnement, et notamment les zones humides visées à l’article L. 211-3 de ce même Code. Cela vise entre autres les zones humides d’intérêt environnemental particulier dont le maintien ou la restauration présente un intérêt pour la gestion intégrée du bassin versant, ou une valeur touristique, écologique, paysagère ou cynégétique particulière. Ces zones peuvent englober les zones humides dites « zones stratégiques pour la gestion de l’eau » ;
- les cours d’eau, parties de cours d’eau, canaux et zones humides importants pour la préservation de la biodiversité et non visés ci-dessus.
Sous quelle forme sont mises en œuvre ces trames ?
La trame verte et la trame bleue sont mises en œuvre au moyen de deux outils d’aménagement élaborés au niveau national et territorial.
- Au niveau national : un document cadre intitulé « Orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques » est élaboré, mis à jour et suivi par l’autorité administrative compétente de l’Etat en association avec un comité national « trames verte et bleue ». Ce comité, dont la composition et le fonctionnement seront fixés par décret, regroupe les représentants des collectivités territoriales, des partenaires socioprofessionnels, des associations agréées, des personnalités qualifiées et des représentants des parcs et comités de bassin.
- Au niveau régional : un document cadre, le « schéma régional de cohérence écologique », est élaboré, mis à jour et suivi conjointement par la région et l’Etat, en association avec un comité régional « trames verte et bleue » créé dans chaque région. Ce comité comprend l’ensemble des départements de la région ainsi que des représentants des groupements de communes compétents en matière d’aménagement de l’espace ou d’urbanisme, des communes concernées, des parcs, des associations agréées concernées et les partenaires socioprofessionnels intéressés. Sa composition et son fonctionnement seront fixés par décret.
Comment sont-elles élaborées ?
- Au niveau national, les « orientations nationales » sont mises à disposition du public en vue de recueillir ses observations avant d’être adoptées par décret. Elles comprennent :
• une présentation des choix stratégiques de nature à contribuer à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques ;
• un guide méthodologique identifiant les enjeux nationaux et transfrontaliers relatifs à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques et comportant un volet relatif à l’élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique.
- Au niveau régional, le schéma régional de cohérence écologique est transmis à l’état de projet aux communes concernées et soumis pour avis aux départements, aux communautés urbaines, aux communautés de communes, aux communautés d’agglomération et aux parcs concernés. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas rendu par écrit dans les trois mois à compter de la saisine.
Le schéma est ensuite soumis à enquête publique par le préfet de région. A l’issue de l’enquête, le schéma est soumis à délibération du conseil régional et adopté par arrêté du préfet de région. Il est tenu à la disposition du public et porté à la connaissance des communes ou de leurs groupements compétents en matière d’urbanisme.
Le schéma régional de cohérence écologique comprend, hormis un résumé non technique :
• une présentation et une analyse des enjeux régionaux relatifs à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques ;
• un volet identifiant les espaces naturels, les corridors écologiques, ainsi que les cours d’eau, parties de cours d’eau, canaux ou zones humides ;
• une cartographie comportant les trames verte et bleue ;
• les mesures contractuelles permettant, de façon privilégiée, d’as- surer la préservation et, en tant que de besoin, la remise en bon état de la fonctionnalité des continuités écologiques ;
• les mesures prévues pour accompagner la mise en œuvre des continuités écologiques pour les communes concernées par le projet de schéma.
Pourra-t-on s’assurer de leur efficacité ?
Oui. Les résultats de la mise en œuvre des orientations nationales, du point de vue de la préservation et de la remise en bon état des continuités écologiques, seront analysés à l’expiration d’un délai fixé par décret.
Sera également analysé, à l’expiration de ce délai, le développement du territoire en termes d’activité humaine, notamment en milieu rural. Ces orientations peuvent être révisées selon la même procédure que celle suivie pour leur élaboration.
Les résultats de la mise en œuvre du schéma régional de cohérence écologique, du point de vue de la préservation et de la remise en bon état des continuités écologiques, seront également analysés à l’expiration d’un délai fixé par décret. A l’issue de cette analyse, le conseil régional délibère sur le maintien en vigueur de ce schéma ou sur sa révision. Le schéma régional de cohérence écologique peut être révisé selon la même procédure que pour son élaboration. Des dispositions spécifiques sont prévues pour la Corse, les départements d’outre-mer et Mayotte (article L. 371-4 du Code de l’environnement).
Par ailleurs, les départements peuvent être maîtres d’ouvrage ou exercer une mission d’assistance à maîtrise d’ouvrage dans le cadre des règles de la commande publique pour tous les travaux contribuant à la préservation ou à la remise en bon état des continuités écologiques sur la trame verte et la trame bleue d’un schéma régional de cohérence écologique adopté. Pour les missions autres que celles d’assistance à maîtrise d’ouvrage, ils peuvent mobiliser à cet effet le produit de la taxe départementale des espaces naturels sensibles.
Les trames sont-elles contraignantes ?
D’une part, les documents de planification et projets relevant du niveau national, et notamment les grandes infrastructures linéaires (autoroutes, TGV) de l’Etat et de ses établissements publics, doivent être compatibles avec les « Orientations nationales pour la préservation et la remise en bon état des continuités écologiques » et doivent préciser les mesures permettant d’éviter, de réduire et, le cas échéant, de compenser les atteintes aux continuités écologiques que la mise en œuvre de ces documents de planification et projets sont susceptibles d’entraîner.
D’autre part, les documents de planification et projets de l’Etat, des collectivités territoriales et de leurs groupements doivent prendre en compte les schémas régionaux de cohérence écologique, lors de leur élaboration ou de leur révision. Ces documents préciseront les mesures permettant d’éviter, de réduire et, le cas échéant, de compenser les atteintes aux continuités écologiques que leur mise en œuvre est susceptible d’entraîner. Les projets d’infrastructures linéaires de l’Etat doivent également prendre en compte les schémas régionaux de cohérence écologique.
Les trames verte et bleue concernent au premier plan les personnes publiques qui devront les mettre en œuvre. Elles ne constitueront donc des règles véritablement contraignantes pour les opérateurs privés qu’après avoir fait l’objet d’une traduction concrète dans les schémas régionaux de cohérence écologique, puis dans les documents d’urbanisme devant en tenir compte. Ces trames devront également être prises en compte dans les études d’impacts.
