Décryptage

Logement neuf : quel rythme de production à horizon 2050 ?

Après le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE) et l’Agence de la transition écologique (Ademe), c’est au tour du Service des données et études statistiques (SDES) de réviser à la baisse le besoin national en logements neufs et remis sur le marché. Dans son scénario le plus frugal pour s’adapter à l’évolution du nombre de ménages, l’offre nouvelle pourrait reposer d’ici 2040 sur l’appareil productif de seulement trois promoteurs immobiliers.

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construction de logements
La France a besoin de 208 000 résidences principales supplémentaires par an jusque 2030, estime le Service des données et études statistiques (SDES).

Le Service des données et études statistiques (SDES) affirme que la création et la remise sur le marché (après plusieurs années de vacance par exemple) de 208 000 résidences principales seront nécessaires chaque année jusque 2030, pour répondre aux besoins liés à l’évolution projetée du nombre de ménages à l’échelle nationale en excluant Mayotte.

Publiée le mois dernier, cette étude intitulée « Besoins en logements à horizon 2030, 2040 et 2050 » chiffre même le besoin en résidences secondaires à 26 000 par an jusque 2030.

Sur la période 2030-2040, la France n’aurait besoin que de 139 000 résidences principales supplémentaires par an. Entre 2040 et 2050, la décrue se poursuivrait pour tomber à 55 000.

Des dizaines de milliers de postes à supprimer

Au total, entre 2020 et 2050, il faudrait créer 4 millions de résidences principales, dont 1,3 à 1,5 million pour lutter contre le mal-logement, c’est-à-dire en logeant des personnes qui n’ont pas de logement propre et des ménages dont l’habitation est trop petite ou très dégradée mais ne peut être réhabilitée. Cette offre nouvelle résulte des « 3,6 millions de ménages supplémentaires à loger », anticipe le SDES.

Deux autres trajectoires sont proposées par ce service rattaché à plusieurs ministères, dont celui de l’Aménagement du territoire dont dépend celui du Logement.

Entre 2020 et 2050, son scénario « haut » estime le besoin à 5,6 millions de résidences principales, pour 5,4 millions de foyers en plus.

Sur la même période, le scénario « bas » table sur 2,8 millions résidences principales, pour 1,8 millions de ménages supplémentaires.

Pour répondre à cette faible évolution du nombre de foyers, seulement 16 000 logements dédiés aux propriétaires occupants et aux investisseurs locatifs seraient à construire et à remettre sur le marché chaque année entre 2040 et 2050, soit le volume total de réservations enregistré l’an dernier par Kaufman & Broad (5543), Icade (5300) et Vinci Immobilier (5112).

Fin 2024, ces promoteurs nationaux, qui vendent essentiellement des appartements, employaient à eux trois près de 1000 personnes, tandis que la profession comptait 25 700 actifs, selon la Fédération des promoteurs immobiliers (FPI).

Une décroissance anticipée par l’Ademe et le SGPE

Depuis 2023, le rythme de production annuel conseillé par le Secrétariat général à la planification écologique (SGPE), qui dépend du gouvernement, est compris entre 302 000 à 360 000 mises en chantier, sans préciser la répartition idéale entre résidences principales et secondaires.

De son côté, l’Agence de la transition écologique (Ademe) suggère (depuis 2021) de baisser la production neuve aux alentours des 150 000 logements par an d’ici 2050. L’établissement public, qui se trouve comme d’autres agences dans le collimateur de l’exécutif actuel en quête d’économies, met notamment l’accent sur la nécessité d’utiliser le gisement des logements vacants.

En 2023, Christophe Béchu, alors ministre de la Transition écologique dont dépendait celui du Logement, estimait à 370 000 le besoin annuel en nouveaux logements du pays. Le détail avait été donné par OIivier Klein, alors ministre délégué au Logement : « 120 000 logements sociaux et 250 000 logements privés ». Ses successeurs, de Patrice Vergriete à Guillaume Kasbarian, n’ont pas proposé de nouvel objectif.

En poste depuis neuf mois, Valérie Létard refuse elle aussi de s’aventurer dans de telles estimations. Pour l’heure, l’actuelle ministre du Logement ne s’est mouillée que pour le parc social. Alors que les bailleurs font état d’un nombre croissant de demandeurs et d’une baisse des attributions, elle pense que la délivrance cette année de 116 500 agréments HLM, dont 16 500 dans le cadre de la rénovation urbaine, constitue « un objectif de production ambitieux », qui représentarait une hausse de 15% par rapport à 2024.

Mais attention, un logement social autorisé à la construction n’est pas toujours mis en chantier : 8,4% des opérations agréées en 2022 étaient abandonnées fin 2024, faute d’équilibre économique essentiellement, selon la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages (DHUP).

La décohabitation, principal argument pour continuer à construire

Dans cette bataille de chiffres, les professionnels se montrent plus gourmands. En 2023, l’Union sociale pour l’habitat (USH) assurait que la France devait créer par an 518 000 logements, dont 198 000 HLM. Ces nouvelles maisons et appartements, précisait-elle, pouvaient être neufs ou anciens (remis sur le marché). La confédération mettait alors en avant les défis du mal-logement, du desserrement des ménages, de l’arrivée d’immigrés, etc. 

De son côté, la Fédération des promoteurs immobiliers estimait, toujours en 2023, que la production annuelle de 450 000 logements neufs étaient nécessaire, en particulier pour faire face à la décohabitation, c’est-à-dire la diminution du nombre de personnes par foyer liée aux divorces notamment. 

L’an dernier, seulement 263 000 logements ont été commencés, dont un petit tiers pour muscler l’offre sociale.

L’objectif des 500 000, de l’histoire ancienne

Avant l’arrivée en 2017 d’Emmanuel Macron à l’Elysée, l’objectif national était de produire de 500 000 logements neufs par an.

En décembre 2007, fraîchement élu président de la République, Nicolas Sarkozy mettait en avant la hausse du nombre de mal-logés (qu’il estimait à environ 2 millions, soit deux fois moins qu’aujourd’hui) et des sans-abris (100 000, soit trois fois moins qu’aujourd’hui) pour justifier son soutien à la construction neuve.

Son successeur socialiste François Holland a lui voulu passer de 350 000 mises en chantier en 2012 à 500 000 en 2017. L’objectif ne sera pas atteint (418 900), mais la relance était bien amorcée à la fin de son quinquennat, portée par le dispositif fiscal Pinel et le prêt à taux zéro pour les primo-accédants. Une autre époque avec des taux historiquement bas, dans une France qui n’avait aucun de problème de natalité…

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