Loi d’urgence pour Mayotte : les députés refusent de faciliter les expropriations

L'Assemblée nationale a supprimé mardi 21 janvier à la quasi-unanimité une disposition du projet de loi qui, sous couvert de favoriser des chantiers d'aménagement ou de relogement, aurait facilité les expropriations dans l'archipel ravagé par le cyclone Chido. Le texte a été adopté en première lecture par un vote solennel le lendemain.

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Les députés suppriment l'article 10 du projet de loi d'urgence pour Mayotte qui autorisait le gouvernement à déroger au droit de l'expropriation pour cause d'utilité publique.

Par 166 voix pour et une seule contre (et 45 abstentions), les députés ont supprimé l'article 10 du projet de loi d’urgence pour Mayotte par lequel le gouvernement aurait été autorisé à légiférer par ordonnance pour faciliter « l'expropriation définitive d'emprises foncières à Mayotte, dans l'objectif d'y faciliter » des chantiers.

Selon cet article 10, l’ordonnance pouvait prévoir, jusqu’au 31 décembre 2025 d’une part, « des adaptations des règles en matière d’identification des propriétaires des emprises devant faire l’objet d’une expropriation » et d’autre part, « une occupation provisoire et réversible, moyennant indemnisation, d’emprises appartenant à des propriétaires privés nécessaires à la réalisation des ouvrages publics, opérations d’aménagement, d’équipement, de démolition, relogement, travaux nécessaires à l’extraction des matériaux de construction indispensables à la réalisation de ces opérations ».

« Mettre la main sur le foncier »

Pour la rapporteure, la députée (Liot) de Mayotte Estelle Youssouffa, « cela fait plusieurs décennies que l'État essaie de mettre la main sur le foncier » dans l'archipel, et « le but de cet article était vraiment de pouvoir exproprier à Mayotte pour construire n'importe quoi et mener à bien des projets qui n'ont rien à voir avec le cyclone ».

Une affirmation vivement démentie par le ministre des Outre-Mer : Manuel Valls a tenté d'expliquer, sans succès, que cette disposition était nécessaire en raison de spécificités locales qui rendent « quasi impossible » l'identification des propriétaires de certains terrains. « Beaucoup de Mahorais ont poursuivi les transmissions informelles de biens de façon tout à fait légale mais intraçable pour les pouvoirs publics », a-t-il souligné.

Avec son projet, le gouvernement n'entendait pas « exproprier ou occuper les terrains sans indemniser », mais éviter d' « être bloqué par l'identification définitive des propriétaires qui peut demander plusieurs années avant de pouvoir lancer des opérations », a plaidé l'ancien Premier ministre.

Malgré les critiques, l’adoption ne fait guère de doutes

L'examen détaillé de ce projet de loi d'urgence pour Mayotte, premier texte du gouvernement Bayrou à être débattu dans l'hémicycle, s'est achevé mardi 21 janvier dans la soirée. Il a été adopté le 22 par un vote solennel à la quasi-unanimité des votants, malgré les critiques de nombreux élus le jugeant « insuffisant ». Il sera discuté en séance publique au Sénat les 3 et 4 février.

Le texte comporte principalement des dispositions visant à déroger à des règles d'urbanisme et à faciliter le financement de la reconstruction. Il contient aussi des mesures sociales, comme des facilités fiscales ou des allègements de cotisations.

Un tiers des marchés publics réservés aux PME locales

Les députés ont ainsi approuvé plusieurs amendements visant à garantir que les entreprises locales mahoraises soient davantage sollicitées pour prendre part aux travaux de reconstruction. Ils ont notamment précisé qu'un tiers des marchés publics devrait être réservé aux PME locales.

Afin d'encourager les dons des particuliers destinés à la reconstruction de l'archipel, ils ont également relevé de 1 000 à 3 000 euros le montant maximal de dons pouvant donner lieu à une réduction fiscale majorée à 75%.

Question migratoire

Cependant aucun article ne concerne la question migratoire, qui doit être abordée dans une loi ultérieure, comme l'a répété Manuel Valls.

Le sujet s'est cependant immiscé mardi soir dans les débats, suscitant de vifs échanges autour d'un amendement déposé par la députée écologiste Dominique Voynet, qui connaît Mayotte pour y avoir dirigé l'Agence régionale de Santé. Mme Voynet proposait que les titres de séjour des étrangers en situation régulière à Mayotte avant le cyclone Chido soient « tacitement renouvelés », ceci car les difficultés logistiques empêchent la préfecture d'instruire les dossiers de renouvellement.

Cette proposition a suscité la colère de Mme Youssouffa. Ce « grandiose appel d'air » revient à dire aux Mahorais « vous êtes à genoux, il n'y a plus rien qui fonctionne, mais il faut continuer à accueillir », a-t-elle asséné. Pour des raisons « plus techniques que politiques », le gouvernement s'est également dit opposé à cet amendement, finalement rejeté par 140 voix contre 85.

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