Loi Elan : l'outil fiscal au service du logement

Pour asseoir le projet stratégique d'adapter la politique du logement aux évolutions de la société, le gouvernement n'a pas hésité à recourir aux dispositions du Code des impôts. Pour chacun des quatre axes d'action retenus dans la loi portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique (Elan) - améliorer le cadre de vie, construire plus, mieux et moins cher, adapter le logement social, répondre aux besoins de chacun - le législateur a voté des mesures fiscales d'incitation et de sanction des acteurs, d'exonération d'impôts et de taxes, de transformation des véhicules et de régulation des marchés. Décryptage.

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La loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, dite loi Elan, contient des dispositions qui modifient le paysage fiscal dans quatre champs de l'intervention publique. Deux mesures concernent l'amélioration du cadre de vie. D'une part, l'application du dispositif « louer abordable » de la ministre Emmanuelle Cosse est étendue. Cette extension prolonge la création des opérations de revitalisation du territoire pour encourager la rénovation des centres villes (lire article loi de finances pour 2019, p. 27). D'autre part, une présomption de revenus issus de la mise à disposition de logements indigne est instaurée dans le cadre de la lutte contre les marchands de sommeil. Au titre de la volonté du gouvernement de construire davantage, mieux et moins cher, une exonération de taxe d'aménagement vise à dynamiser les opérations d'aménagement et la Foncière publique solidaire est transformée pour libérer du foncier. Dans le domaine du logement social, la restructuration du secteur est facilitée. Enfin, des outils de connaissance et de régulation du marché privé locatif complètent l'arsenal fiscal en faveur du logement.

Améliorer le cadre de vie

Revitalisation des centres villes

En vue de remettre sur le marché les logements vacants, notamment en zone tendue, et de favoriser l'intermédiation locative, le régime « louer abordable » (art. 46, loi n° 2016-1918 du 29 décembre 2016) accorde une déduction spécifique sur les revenus fonciers aux propriétaires de logements loués dans le cadre d'une convention conclue avec l'Agence nationale de l'habitat (Anah) entre le 1er janvier 2017 et le 31 décembre 2019, sous condition d'une certaine durée de location. Son taux varie en fonction de la localisation géographique du bien et selon que la convention est conclue dans le secteur intermédiaire ou dans le secteur social ou très social. L'exclusion de l'ensemble de la zone C, hors intermédiation locative ou gestion locative sociale pour l'hébergement ou le logement de personnes défavorisées, empêchait de mobiliser cette aide fiscale dans le cadre des opérations de revitalisation des villes moyennes créées à l'article 157 de la loi Elan.

À partir du 1er janvier 2019, l’article 162 étend le bénéfice de la déduction « louer abordable » à tout le territoire en intégrant au dispositif la zone C hors intermédiation locative ou gestion locative sociale, pour les locations de logements sous convention Anah de type social ou très social et avec travaux d’amélioration. L’obligation de location est de neuf ans. La déduction correspond à 50 % des revenus bruts des logements donnés en location sous réserve du respect des plafonds de ressources des locataires et de loyers (art. 31 du Code général des impôts). La défiscalisation des revenus fonciers, y compris sans travaux d’amélioration, pour les opérations d’intermédiation locative reste inchangée, et ouvre droit à un taux de 85 % de déduction quelle que soit la localisation du logement. En outre, à compter de l’imposition des revenus de 2019, le plafond d’imputation du déficit foncier sur le revenu global est porté de 10 700 € à 15 300 €.

Lutte contre les marchands de sommeil

L'arsenal contre l'habitat indigne est renforcé par l'instauration, à l'encontre des marchands de sommeil, d'une présomption de revenus issus de la mise à disposition de logements indignes. L'article 185 crée une nouvelle infraction pénale dans le cadre de l'article 1649 quater-0 B bis du CGI. L'imposition d'un contribuable sur des sommes d'argent perçues en raison d'infractions, jusqu'à présent le trafic de stupéfiants, d'armes ou le délit de contrefaçon, est ainsi rendue possible en matière de lutte contre l'habitat indigne. Par conséquent, les marchands de sommeil sont présumés avoir perçu un revenu imposable égal à la valeur vénale des biens mis à disposition des occupants ou égal au montant des sommes d'argent provenant directement de l'infraction, c'est-à-dire aux loyers perçus indûment, du seul fait de la commission d'infraction spéciale résultant du Code de la santé publique (CSP) ou du Code de la construction et de l'habitation (CCH). Il s'agit des délits de non-respect des arrêtés du préfet en matière d'insalubrité (art. L. 1337-4 du CSP), du non-respect des arrêtés du maire pour les établissements recevant du public (art. L. 123-3, IV et VI du CCH), du non-respect des arrêtés du maire en matière de péril (art. L. 511-6, I et II du CCH) et du non-respect des droits des occupants (art. L. 521-4 du CCH). La charge de la preuve se trouve inversée au profit de l'administration fiscale.

Construire plus, mieux et moins cher

Dynamiser les opérations d'aménagement

Pour produire davantage de foncier constructible, l'article 3 exonère les constructions et aménagements de la part communale ou intercommunale de la taxe d'aménagement, dans le cadre d'opération d'aménagement d'intérêt national, lorsque le coût des équipements a été mis à la charge des constructeurs ou des aménageurs (art. L. 102-13 du Code de l'urbanisme).

Favoriser la libération du foncier

Le régime de faveur dont bénéficie la Foncière publique solidaire (FPS) est supprimé par l’article 24. Sont ainsi abrogées l’exonération de plus-values immobilières des biens cédés à une FPS (art. 150 U, II, 8° du CGI) et des droits de publicité foncière pour les acquisitions immobilières faites à l’amiable et à titre onéreux par la FPS (art. 1042, I, al. 1er du CGI), ainsi que l’absence de majoration de 25 % de la base d’imposition à la taxe foncière sur les propriétés non bâties (art. 1396, II, D, 1, 1° du CGI).

L’article 24 permet à la Caisse des dépôts et consignations d’acquérir une FPS, « afin de développer un nouvel outil dénommé Tonus Territoires », indique la circulaire du 21 décembre 2018 signée conjointement par Jacqueline Gouraud, ministre de la Cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, et Julien Denormandie, ministre chargé de la Ville et du Logement auprès d’elle. Lancé en septembre 2018, ce nouveau véhicule d’investissement est doté de 700 millions d’euros pour soutenir la production de logements sociaux via des opérations en démembrement de propriété, sous forme d’usufruit locatif social.

Les évolutions du secteur du logement social

Dans le cadre des opérations de restructuration du secteur du logement social, les organismes transformés en société anonyme agréée à la date de promulgation de la loi continueront, par application de l'article 81 V, de bénéficier des exonérations d'impôt sur les sociétés (art. 207, 1, 4° du CGI) et de cotisation foncière des entreprises (art. 1461, 2° du CGI). En outre, la contribution de sécurité immobilière proportionnelle, perçue pour les formalités hypothécaires de certaines opérations réalisées par certains opérateurs, est aménagée. Afin de faciliter les restructurations des organismes HLM, l'article 87 abaisse de 0,05 % à 0,01 % jusqu'au 31 décembre 2021 le taux de cette contribution à percevoir sur les opérations de fusions et d'apports réalisées par les organismes d'habitation à loyer modéré (HLM) et les sociétés d'économie mixte de construction et de gestion de logements sociaux agréées (art. 881L du CGI).

Régulation et connaissance du marché locatif privé

L'article 102 ratifie l'ordonnance n° 2016-1408 du 20 octobre 2016 relative à la réorganisation de la collecte de la participation des employeurs à l'effort de construction. Cette disposition valide donc la réorganisation du groupe Action Logement ainsi que la collecte de cette contribution de 0,45 % sur les rémunérations salariales par un collecteur unique, Action Logement Services, ainsi que la mise en place d'une stratégie de mobilisation des filiales de logement social pour, notamment, produire une offre de logements abordables adaptée aux besoins des territoires. En vertu de l'article 103, cette participation des employeurs à l'effort de construction peut désormais financer des aides accordées aux personnes physiques ou morales en faveur de la mobilisation du parc privé et la rémunération de toute intermédiaire agréé (art. L. 313-3 du CCH).

Après la censure en 2017, par le juge administratif, du dispositif d’encadrement des loyers prévu par la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur), l’article 140 lance une nouvelle expérimentation dans certains territoires qui doivent, pour être éligibles à cette faculté, être soumis à la taxe sur les logements vacants. Un décret en Conseil d’État précisera, au cours du 1er trimestre 2019, les sanctions administratives applicables en cas de non-respect de l’encadrement.

L’article 145 précise le cadre dans lequel l’activité d’intermédiation de la location d’hébergement entre particuliers par des plateformes électroniques peut être exercée et fixe les responsabilités de chacune des parties prenantes. À partir du 1 er janvier 2019, les plateformes électroniques devront collecter la taxe de séjour, tenir à jour un état déclaratif pour chaque logement loué, comprenant notamment le nombre de nuits de location, transmettre cet état à la collectivité bénéficiaire et lui verser le produit de la taxe de séjour. Dans ce nouveau cadre, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale pourront ainsi aisément identifier les loueurs non professionnels. Elles sont en outre habilitées à demander aux loueurs et aux plateformes tous documents justificatifs. De ce fait, elles contrôleront le seuil de 120 nuitées par an fixées par la loi et pourront saisir en référé le tribunal de grande instance pour obtenir la condamnation des loueurs à des amendes pouvant allant jusqu’à 10 000 euros. Les plateformes pourront se voir imposer des amendes jusqu’à 50 000 euros en cas de non-respect de leurs obligations.

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