Loi montagne et urbanisme : l’érosion se poursuit

Urbanisme et environnement - Aménagement du territoire -

Première loi appliquée à une zone géographique en tant que telle, la loi Montagne de 1985 marque une étape importante dans le traitement juridique de l’espace montagnard et dans ses principes d’urbanisation. Voulue comme une loi d’équilibre entre développement et préservation, le constat est amer presque trente ans après son adoption : outils de protection peu utilisés ou détournés, aménagements successifs parfois anarchiques, contentieux administratif abondant, réalités qui ont profondément changé avec notamment l’apparition de la problématique éolienne. Quels remèdes apporter à ce mal aigu des montagnes ? Quelques pistes...

Réservé aux abonnés

Loi montagne : 32 reformes en 27 années d’existence…

« Considérant que les élus de montagne […] s’inscrivent depuis de nombreuses années dans une réflexion visant à faire évoluer le texte de la loi Montagne du 9 janvier 1985 pour l’adapter aux enjeux et aux mutations de la société […], l’Association nationale des élus de montagne (Anem) demande […] que le Conseil national de la montagne (CNM) se réunisse au plus vite et soit saisi du rapport sur le bilan de la loi du 9 janvier 1985. » Cet extrait de la motion votée lors du 27e congrès des élus de montagne, le 7 octobre 2011, reflète les tensions induites par les principes d’urbanisation organisant l’espace montagnard. D’ailleurs, alors que de nombreux bilans de la loi du 9 janvier 1985 relative au développement et à la protection de la montagne ont déjà été établis, le Conseil national de la montagne, réuni le 31 janvier 2012, a prudemment conclu à l’approfondissement de la réflexion…

La réforme de l’urbanisme en montagne n’est en effet pas si facile à mener. Si l’érosion des principes rend aujourd’hui impératif la recherche d’un nouvel équilibre entre protection et valorisation, les enjeux financiers et environnementaux sont sources de crispation de la part des acteurs locaux. La loi Montagne est à l’origine une loi de compromis entre développement et protection, mais les réformes successives ont affirmé un certain déséquilibre en faveur du développement de manière aussi progressive que régulière. La loi a ainsi connu pas moins de 32 réformes en 27 années d’existence, sachant que cette frénésie parlementaire ne résume même pas les modifications juridiques concernant l’urbanisation de ce territoire puisqu’il convient d’ajouter les nombreuses lois relatives au droit commun de l’urbanisme et de l’environnement ou encore à l’agriculture et au monde rural.

Il n’est pas utile de reprendre ici les grandes lois réformatrices adoptées notamment entre 1994 et 2010. Il nous suffira de dire que le droit a le plus souvent évolué pour répondre à la volonté de développement de la zone montagne, que ce soit pour permettre des projets particuliers ou pour établir des dérogations plus générales. En définitive, les règles n’ont pas su empêcher une urbanisation excessive, motivée par le besoin des stations de dépasser une taille critique pour attirer une clientèle internationale et par la politique nationale de défiscalisation immobilière. En outre, de nouveaux dangers sont à craindre puisque cette pression foncière, jusque-là essentiellement due à la logique touristique, se double aujourd’hui d’une attractivité forte du territoire montagnard en termes de résidences principales, avec la migration des actifs urbains, des travailleurs frontaliers et des retraités, qui composent l’ensemble de ceux que l’on nomme les « monturbains ».

Si l’érosion des principes protecteurs explique en partie cette situation, la mise en œuvre de celle-ci est également en cause dès lors que le texte laisse une grande marge de manœuvre dans son application. La loi Montagne est comme un scénario dont le respect dépend des acteurs chargés de lui donner vie. Le Professeur Billet, à l’occasion d’une de ses nombreuse études relatives à l’environnement montagnard, indiquait que « la protection de la montagne repose finalement moins sur le législateur que sur le juge : à l’imprécision des formules du premier, donnant une certaine latitude d’interprétation à l’autorité compétente pour délivrer le permis de construire, répond la rigueur du second » (P. Billet, note sous cour administrative d’appel de Marseille, 21 novembre 2002, SCI Haute-Provence Habitat, n° 99MA02048). Il nous inspire ainsi un titre digne de Sergio Leone pour qualifier l’application de la loi Montagne : l’imprécis, le permissif et le rigoureux, dont les personnages principaux seraient interprétés par le législateur, l’autorité administrative (souvent la commune) et le juge administratif. Chacun de ces acteurs tient en effet son rôle, tant vis-à-vis des principes généraux d’urbanisation (premier chapitre) que des principes complémentaires posés par la loi (deuxième chapitre).

1. Principes généraux d’urbanisation de la loi Montagne : de l’ambition à la réalité

2. Règles complémentaires d’urbanisation de la loi Montagne : un bilan en clair-obscur

Abonnés
Baromètre de la construction
Retrouvez au même endroit tous les chiffres pour appréhender le marché de la construction d’aujourd'hui
Je découvreOpens in new window
Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !