Nouveaux réseaux, création de gares, modernisation des équipements publics, programmes immobiliers d'envergure… les mégas chantiers se multiplient dans le Grand Londres, preuve que Paris n'est pas la seule capitale européenne à connaître des aménagements conséquents. Rien que sur le plan des infrastructures de transport, la métropole britannique n'a rien à envier au Grand Paris. A la fin de l'année 2021, elle prévoit d'inaugurer la section centrale du Crossrail, équivalent du RER francilien, qui reliera l'est à l'ouest de la ville (Crossrail 1). Par ailleurs, depuis septembre 2020, les travaux du TGV anglais, le High Speed 2 (HS2), ont également démarré. Le premier tronçon de cette ligne, estimée à plus de 118 milliards de livres ( environ 137 milliards d'euros) au total, reliera Londres à Birmingham - à 180 km au nord-ouest - à l'horizon 2030.
« La multiplication des projets ces vingt dernières années s'explique d'abord par la forte croissance démographique des années 2000 due au dynamisme du marché du travail. Elle a obligé les autorités à adapter les réseaux pour pouvoir accueillir ces nouveaux arrivants, analyse Patrick Le Galès, directeur de recherche au CNRS et professeur à Science Po Paris. En outre, contrairement à la capitale française, Londres était en retard sur le plan de la modernisation de ses équipements. »
Des égouts datant de l'époque victorienne. Lancé en 2016, le chantier Tideway, a pour objet d'agrandir et d'adapter le système des égouts de Londres construit… à l'époque victorienne. « Lors de sa conception, ce dispositif d'assainissement a été dimensionné pour 4 millions d'habitants. Or il est aujourd'hui utilisé par 8 millions de personnes et les jours de pluie, les rejets dans la Tamise sont monnaie courante. Il était donc indispensable d'adapter et de moderniser cet ensemble de canalisations », commente Richard Lewis, directeur du foncier au sein de la maîtrise d'ouvrage du projet.
Tideway - Des chantiers flottants au service des égouts
Pour moderniser ses égouts plus que centenaires, la capitale britannique a lancé en 2016 un gigantesque chantier. Baptisé « Tideway », ce projet prévoit de réaliser sous la ville un tunnel de 25 km de long et de 7,2 m de diamètre. Pour ce faire, six tunneliers seront mobilisés à plus de 30 m de profondeur. A cette artère principale s'ajouteront des tunnels de connexion qui relieront les anciens ouvrages au nouveau, ainsi que 21 puits d'une vingtaine de mètres de diamètre. Pour ceux situés sur les rives de la Tamise, le creusement a d'abord nécessité de gagner de la place sur le fleuve.
Emprise du chantier augmentée de 40 %
Ainsi, sur les sites de Victoria et de Chambers Wharf, les équipes ont préalablement construit un batardeau dans l'eau. « Grâce à ces travaux préparatoires, l'emprise du chantier a été augmentée de 40 %, malgré le milieu urbain très dense », relate Nicolas Woringer, directeur de travaux principal sur le site de Chambers Wharf, entre autres, pour Vinci Construction Grands Projets. Les puits pouvant atteindre jusqu'à 60 m de profondeur, les opérateurs ont dû réaliser des parois moulées qui atteignent 75 m, pour 1,80 m d'épaisseur.
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Du fait de la proximité des habitations, il a aussi fallu réfléchir à un dispositif de réduction des nuisances sonores sur certains des sites. A Chambers Wharf toujours, un hangar acoustique protège ainsi le chantier. « Son installation a permis de réduire le bruit d'environ 40 dB. Nous avons par ailleurs utilisé une hydrofraise électrique, moins bruyante, ce qui a constitué une première pour notre entreprise », se félicite le directeur des travaux. Le nouveau système d'assainissement londonien doit être livré en 2023.
Au-delà de leur nécessité, tous ces travaux se caractérisent par une même difficulté : ils sont menés en milieu urbain dense. Au quotidien, leur mise en œuvre impose des adaptations pour limiter les nuisances auprès des riverains.
Concernant l'approvisionnement en matériel comme les évacuations de déblais, la logistique s'organise essentiellement par voie ferroviaire ou fluviale, allant au-delà des pratiques habituelles. « Remblais, engins, tunneliers, bungalows de chantier… Nous acheminons la plupart des matériaux et des équipements par la Tamise », témoigne Nicolas Woringer, directeur de travaux principal sur Tideway pour Vinci Construction Grands Projets.
Au-delà de leur nécessité, tous ces travaux rencontrent la même difficulté : être menés en milieu urbain dense
Terre-pleins gagnés sur la Tamise. Ces chantiers XXL tentent aussi d'intégrer les préoccupations de la population : la préservation de l'environnement et du paysage. Sur Tideway toujours, les terre-pleins gagnés sur la Tamise pour les besoins des travaux seront, à terme, soit entièrement enlevés, soit reconvertis en espaces verts. Ce sera le cas pour les sites de Victoria et du chantier de King Edward Memorial Park, à l'est de la capitale. La future gare d'Old Oak Common du train HS2, dans le centre-ville, devrait, quant à elle accueillir un parc public au-dessus de ses quais. Ces multiples initiatives n'empêchent pas les opposants de dénoncer l'impact environnemental de certains chantiers. A Euston, dans le centre, mais aussi au niveau du parc régional de Colne Valley, dans la grande banlieue ouest, le projet HS2 s'est heurté à des mobilisations citoyennes et à une occupation des sites.
HS2 - Le génie civil s'attaque au train à grande vitesse
La construction du train à grande vitesse High Speed 2 (HS2) est l'un des plus importants et des plus coûteux chantiers d'infrastructures menés actuellement au Royaume-Uni. Son premier tronçon reliera Londres à Birmingham, à 180 km au nord-ouest, à l'horizon 2030. Ces travaux, qui comprennent la réalisation de 250 ouvrages, ont commencé en septembre 2020.
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Deux tours de bureaux démolies. Deux nouvelles gares verront le jour dans la capitale : Euston, dans le centre-ville, et Old Oak Common, à l'ouest. La première a nécessité de raser deux tours de bureaux de 40 et 60 m de haut. Les bâtiments, préalablement enveloppés d'une protection acoustique, ont été démolis à la pelle et ont généré 35 000 t de déchets de béton armé. La partie la plus technique de la démolition a consisté à grignoter l'énorme dalle du premier étage de l'ancienne tour du One Euston Square, épaisse de 2,7 m. A l'aide d'une grue mobile de 450 t, deux pelles de 45 t ont d'abord été levées sur la dalle pour la découper.
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Quelque 60 % de son volume s'est vu évacué par le haut avant que les excavatrices ne soient descendues pour terminer leur travail au niveau du sol. Les pelles ont ensuite été descendues pour terminer leur travail au niveau du sol. Toujours intra-muros, outre ces deux gares, les travaux du HS2 comprendront la réalisation d'un tunnel de 42 km de long. Son creusement devrait être lancé dans les prochains mois.
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A l'ouest de Londres, au niveau du parc régional de Colne Valley, un tunnel de 16 km et un viaduc de 3,7 km sont prévus. Ici aussi, les travaux de construction de la future voie ferrée ont démarré. « Les terrassements sont achevés, et le tunnel est en cours de réalisation, tout comme les fondations du viaduc », confirme Vardaman Jones, directeur général de Rendel, filiale britannique du groupe Ingérop.
Une autre incertitude s'ajoute à ces difficultés : le Brexit. La région de Londres a déjà perdu 800 000 habitants sur les 12 millions qu'elle comptait avant le référendum sur le maintien du Royaume-Uni dans l'Union européenne. Pour l'heure, il est trop tôt pour savoir si cette sortie aura un impact. « Les travaux lancés ces vingt dernières années étaient de toute façon nécessaires. Toutefois, devant l'exode des travailleurs hors de la capitale britannique, la question de la pérennisation de certains grands projets se posera bientôt. Si Crossrail 1 a bien été lancé, la réalisation de Crossrail 2 (du nord au sud), elle, est loin d'être acquise », prévient Patrick Le Galès. La construction de cette seconde ligne de RER, initialement espérée pour 2023, est pour l'instant suspendue, officiellement pour des raisons économiques liées à la pandémie.
Crossrail - Un chantier royal pour le RER britannique
Equivalent du RER francilien pour la banlieue de Londres, Crossrail est une ligne de 117 km de long, dont les travaux ont commencé en 2009. Elle reliera l'est à l'ouest de la capitale. Sa section centrale, qui comprend 20 km de tunnels et huit stations souterraines, doit être livrée au second semestre 2021 - au lieu de début 2019 - en vue d'une mise en service au début de l'année suivante. « Malgré un terrain géologique favorable, cette première partie a été la plus délicate car elle traverse le centre de la capitale », commente Simon Benett, responsable du patrimoine au sein de la maîtrise d'ouvrage du projet Crossrail.
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Surveillance par satellite. Ainsi, afin de surveiller et protéger les bâtiments qui bordent la station Liverpool Street, les ingénieurs ont instrumenté leurs façades, tandis que d'autres sections ont été surveillées par satellite. Et pour limiter les nuisances, le maître d'ouvrage a par ailleurs négocié des conventions avec les acteurs locaux.
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Dans le quartier de Whitechapel, où la station est proche d'une école, les livraisons et les sorties de camions ont été interdites aux horaires d'entrée et de sortie de l'établissement pour garantir la sécurité des élèves. De même, les jours d'examens, les activités bruyantes de type démolition ont été proscrites. Ces adaptations ont été définies lors de nombreux échanges avec les riverains. Le génie civil de la section centrale s'est terminé fin 2020. Crossrail a été rebaptisé en 2016 « Elizabeth Line », en hommage à la reine.