La voie d'eau va-t-elle rebattre les cartes des infrastructures de transport autour de Nancy (Meurthe-et-Moselle) ? Parent pauvre du trafic de marchandises, elle revient sur le devant de la scène à la faveur de deux dossiers. D'une part, 11 ports lorrains publics et privés, implantés le long de la Moselle, unissent leur destin en se dotant d'une exploitation commune. Opérationnelle le 1er janvier prochain au terme de longues années de gestation sous l'impulsion de Voies navigables de France (VNF) et de la région Grand Est, la nouvelle Société des ports de Lorraine programme 30 M€ d'investissements pour la modernisation des différents ports répartis, du nord au sud, de Thionville (Moselle) à Toul (Meurthe-et-Moselle), en passant par Nancy-Frouard. L'objectif consiste à relancer un trafic qui est tombé loin des 10 millions de tonnes par an qu'il atteignait du temps du charbon et de l'acier florissants.
Le deuxième dossier concerne le port de Neuves-Maisons, au sud de Nancy, où un acteur du BTP a déjà investi pour la redynamisation du site. Le fabricant luxembourgeois de bétons Feidt a d'abord implanté sur place une centrale à béton, puis contribué à une nouvelle gouvernance du port. Celle-ci a abouti l'an dernier à la création de l'exploitant Lorport, propriété en majorité de la famille Feidt, et à l'arrivée d'autres industriels, dont les carrières Colas et Vicat. Outre 35 M€ qu'ils ont injectés pour leurs développements locaux, Bétons Feidt et les autres entreprises privées sont devenues utilisatrices de la voie fluviale à cet endroit.
Alternative à l'A31 bis ? Longtemps stagnant, le trafic à Neuves-Maisons est ainsi reparti de l'avant, et devrait encore augmenter. Selon Christophe Mendes, directeur de Lorport et de Bétons Feidt France, « si nous coordonnons les flux avec Frouard et Toul en évitant les kilomètres inutiles sur la route pour l'acheminement des marchandises jusqu'à nos ports respectifs, nous pouvons retirer 25 000 camions par an de la circulation autour de Nancy. » De quoi remettre en question les coûteux travaux (500 à 800 M€ selon les options) prévus pour créer une « A31 bis » dans le sud de la Meurthe-et-Moselle ? C'est la conviction de la communauté de communes Moselle et Madon, qui comprend Neuves-Maisons. « Nous tenons là une solution concrète autre que le tout-route actuel pour les flux venant du sud qui traversent l'agglomération de Nancy », appuie son président Filipe Pinho. Celui-ci ne prêche pas dans le désert. Elus et experts lorrains des transports appellent en effet depuis des années à créer des plates-formes multimodales alternatives à la route au bord de la Moselle, dont le cours est parallèle à l'actuelle A31. Quant au nouveau président de la métropole du Grand Nancy Mathieu Klein, il a annoncé sa volonté de revoir la question des mobilités à l'échelle du sud de la Meurthe-et-Moselle et sous tous ses angles : fluvial, ferroviaire et routier, avec un réaménagement de l'A31 sous la forme d'une troisième voie réservée au covoiturage et aux transports en commun.
La tâche reste toutefois colossale, puisqu'il s'agit de désaturer un trafic qui, autour de Nancy, représente aujourd'hui 50 000 voitures et plus de 10 000 camions, non pas par an, mais par jour.