Mais qui veut la peau des constructeurs de maisons individuelles ? Pas le ministre du Logement : Olivier Klein n'a pas qualifié ce mode d'habitat de « non-sens écologique », comme sa prédécesseure Emmanuelle Wargon. Le coup fatal aurait pu venir du député Daniel Labaronne (Renaissance) qui a déposé un amendement au projet de loi de finances 2023 pour supprimer le prêt à taux zéro dans les zones détendues. Heureusement pour les constructeurs, il n'a pas été retenu dans le texte pour lequel la Première ministre a choisi d'avoir recours au 49.3.
Ainsi adoptée, cette mesure se serait attaquée à la fois au territoire de prédilection des constructeurs de maisons mais aussi à leur clientèle cible, les primo-accédants. Ces derniers étant déjà sévèrement fragilisés par la hausse des taux d'intérêt enregistrée ces derniers mois. « Au niveau national, nous notons un recul du nombre de primo-accédants, indique Sophie Ho Thong, directrice stratégie et communication du courtier Finance Conseil. Les emprunteurs doivent présenter des revenus [mensuels moyens, NDLR] plus élevés, passant de 4 535 euros au deuxième trimestre à 5 366 euros au mois de septembre. »
Une inflation soudaine. Pour Sylvain Massonneau, vice-président du Pôle Habitat de la FFB, il s'agit d'une période à haut risque pour les constructeurs. « En 2021, le marché s'est enflammé, certains ont fortement recruté à des salaires parfois élevés pour répondre à la demande. La rentabilité a pu en prendre un coup », déplore-t-il. A tel point que certaines entreprises finissent par couler. A l'exemple de Geoxia, placée en liquidation judiciaire fin juin. Un dossier extrêmement médiatisé au regard de l'histoire de l'entreprise à l'origine des Maisons Phénix, Maison Castor… et des 1 600 chantiers en cours ! « Geoxia ne vendait pas assez cher ses projets. Ses dirigeants pensaient se refaire en misant sur le volume, mais ils se sont pris de plein fouet l'inflation des matériaux, qu'ils ne pouvaient pas anticiper », croit savoir un constructeur de maisons individuelles diligenté par un garant pour reprendre des chantiers. Et d'ajouter : « Quand je réévalue les projets, il n'est pas rare que le prix final progresse de plus de 25 %. » Dans la majorité des cas, des contrats de construction de maison individuelle (CCMI) sont signés. Le CCMI protège les ménages puisqu'il engage le constructeur sur un prix donné et une date de livraison. En cas de défaillance, le garant mène le projet à son terme, au prix signé… et supporte donc les surcoûts et pénalités de retard. Résultat, suite à la très médiatique défaillance de Geoxia, « nos garants ont du mal à se projeter, ils attendent de nous des augmentations de marge », indique Sylvain Massonneau.
Des banques frileuses. Un objectif jugé difficilement tenable : avec la mise en place de la RE 2020 et la hausse des prix des matériaux, les candidats à la propriété ont atteint leur limite de solvabilité. Les établissements bancaires se montrent aussi plus prudents. « Lorsque le constructeur de maisons individuelles est également aménageur, il n'est pas rare que les partenaires financiers exigent deux fois plus d'apport, poursuit le responsable de la FFB. Enfin, les taux d'intérêt [octroyés aux professionnels, NDLR] sont deux à trois fois plus élevés qu'il y a dix-huit mois. » La chute de Phénix a stressé les banquiers. « Ils auront tendance à regarder si le bilan des opérations peut supporter les nouvelles conditions de marchés. In fine, les acteurs financeront moins et ce qu'il y a de plus solide, ce qui nécessitera d'injecter davantage de fonds propres, décrypte Denis Moscovici, senior advisor de l'Institut de l'épargne immobilière et foncière (IEIF) qui a publié la 4e édition de l'étude de placesur le financement de l'immobilier des professionnels. Il s'agit là d'un comportement assez classique en période d'inflation. »