Le Code de justice administrative est clair. On ne peut pas exercer à la fois un référé précontractuel et un référé contractuel ; il faut choisir. Mais que faire lorsque l'on ignore où en est la passation du marché ? Cette question n'ayant pas été résolue dans le code, la société FIT, qui avait été tenue dans l'ignorance du sort réservé à son offre, a engagé logiquement une procédure de référé précontractuel, considérant sans doute que les marchés 'avaient pas encore été signés.
Le pouvoir adjudicateur ne l'ayant pas tenue informée du sort réservé à son offre en vertu des dispositions de l'article 80 du code des marchés publics, la société ignorait tout des suites de la passation. Dans ses observations en défense sous le référé précontractuel, l'établissement public France Agrimer a appris à la société FIT que les lots auxquels la requérante soumissionnait avaient déjà attribués, et que les marchés correspondants avaient déjà été signés. Normalement, la procédure de référé précontractuel s'arrête là, puisqu'elle est réputée sans objet lorsque les marchés litigieux sont signés.
C'est là que la décision du Conseil d'Etat prend tout son intérêt. Tirant les conséquences de cette information, la société FIT a en effet "transformé" son référé précontractuel en un référé contractuel, en demandant l'annulation des lots irrégulièrement attribués.
C'était une sorte de "quitte ou double", puisque le code de justice administrative ne permet pas en principe au requérant qui a exercé un référé précontractuel d'exercer ensuite un référé contractuel. Mais pour accueillir le recours ainsi transformé, le Conseil d'Etat a jugé que cette manière de procéder -dans ce cas précis- n'avait "pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un concurrent évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel alors qu'il était dans l'ignorance du rejet de son offre et de la signature du marché par suite d'un manquement du pouvoir adjudicateur au respect des dispositions de l'article 80 du code des marchés publics".
Une décision novatrice qui invite les pouvoirs adjudicateurs à respecter scrupuleusement la procédure d'information des candidats, ainsi que le délai de "stand still" avant la signature du marché.
Pour retrouver la décision du Conseil d'Etat, 10 nov. 2010, France Agrimer, req. n° 340944, cliquez ici