Marchés publics : la Cour de justice européenne définit pour la première fois les concessions de services

Dans un arrêt du 10 mars 2011, la Cour de justice de l'Union européenne vient de préciser la définition des concessions de services, telle qu'elle résulte de l'article 1er de la directive 2004/18/CE du 31 mars 2004.

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La notion de concession de services est une notion proche de la concession de service public (qui est une sous-catégorie de délégation de service public ou DSP), mais ce n'est pas tout à fait la même chose. Ainsi, pour l'article 1er de la directive européenne du 31 mars 2004, "la "concession de services" est un contrat présentant les mêmes caractéristiques qu'un marché public de services, à l'exception du fait que la contrepartie de la prestation des services consiste soit uniquement dans le droit d'exploiter le service, soit dans ce droit assorti d'un prix."

Et lorsqu'un contrat est une "concession de services" au sens communautaire, il n'est pas soumis à la directive 2004/18/CE. C'est d'ailleurs un sujet de débats, et la Commission réfléchit actuellement à l'opportunité de soumettre ces contrats à une procédure de passation appropriée.

En 2000, la Cour de justice européenne avait eu l'occasion de dire pour droit que, même si une concession de services est exclue du champ d'application des directives, elle doit respecter les règles fondamentales du traité et le principe de non-discrimination en particulier. Il en résultait que, même pour ces contrats, il y avait lieu de procéder à une publicité et à une mise en concurrence dont les modalités concrètes étaient laissées à l'appréciation de l'autorité adjudicatrice (CJCE 7 déc. 2000, "Telaustria et Telefonadress", C-324/98).

Un risque d'exploitation, même limité, suffit à caractériser une concession de services

Pour autant, la Cour n'avait pas eu, jusqu'à cette date, l'occasion de préciser la définition même de la concession de services. C'est désormais chose faite. L'arrêt du 10 mars 2011 est très intéressant dans la mesure où il donne une interprétation finalement assez large de la concession de services. Les juges considèrent en effet que si le cocontractant est rémunéré par des tiers, le contrat qui, en l'espèce, portait sur des services de secours, fait peser sur le cocontractant un aléa, c'est-à-dire un risque d'exploitation qui, même s'il est "très limité", suffit à faire considérer qu'on est bien en présence d'une concession de services. Conclusion : le contrat en question n'est pas un marché public et n'est pas soumis aux directives. Ainsi, la Cour énonce que "lorsque la rémunération de l'opérateur économique retenu est intégralement assurée par des personnes distinctes du pouvoir adjudicateur ayant attribué le contrat portant sur des services de secours et que cet opérateur économique encourt un risque d'exploitation, fût-il très limité, en raison, notamment, du fait que le montant des droits d'utilisation des services en cause dépend du résultat de négociations annuelles avec des tiers et qu'il n'est pas assuré d'une couverture intégrale des coûts exposés dans le cadre d'une gestion de ses activités conforme aux principes énoncés par le droit national, ledit contrat doit être qualifié de contrat de «concession de services»".

La question qui reste à se poser pour la France est celle du droit interne. La France, à la différence de l'Union européenne, dispose d'une procédure propre aux délégations de service public (DSP), introduite par la loi du 29 janvier 1993. Il faudra donc vérifier, dans des cas similaires à celui tranché le 10 mars par la CJUE, si l'on est bien en présence d'une DSP (ce qui suppose, entre autres conditions, que les tiers soient les usagers d'un service public), auquel cas il y aura lieu d'appliquer la loi du 29 janvier 1993, ou bien si l'on est seulement en présence d'un contrat qui ne serait ni un marché public, ni une DSP (ni d'ailleurs une concession de travaux). Voilà qui ouvre un champ de réflexions inépuisable pour les juristes...

CJUE 10 mars 2011, "Privater Rettungsdienst und Krankentransport Stadler c. Zweckverband für Rettungsdienst und Feuerwehralarmierung Passau", aff. C-274/09

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