Marchés publics : les exigences de capacité des candidats doivent se justifier

Le pouvoir adjudicateur peut subordonner le droit de candidater à la satisfaction de niveaux minimaux de capacité à condition que ces exigences soient liées et proportionnées à l’objet du contrat. Deux arrêts montrent comment le juge administratif vérifie si la restriction ainsi portée à l’accès des PME aux marchés est objectivement nécessaire.

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Du cas par cas ! Des prérequis très forts peuvent être imposés aux candidats pour répondre à un marché public, du moment qu’ils sont justifiés, ce que le juge apprécie souverainement. C’est ce qu’illustrent deux décisions récentes, l’une concernant la capacité financière des entreprises et l’autre la capacité technique, et toutes deux fondées sur l’article 45 du Code des marchés publics. Celui-ci dispose que « le pouvoir adjudicateur ne peut exiger des candidats que des renseignements ou documents permettant d'évaluer leur expérience, leurs capacités professionnelles, techniques et financières […] ; il ne peut être exigé des candidats que des niveaux minimaux de capacité liés et proportionnés à l'objet du marché. »

Un chiffre d’affaires annuel de 8 millions d’euros, réalisé dans le même secteur, valablement exigé

Dans l’affaire tranchée par la cour administrative d’appel de Paris le 22 avril 2013, un acheteur public avait lancé une procédure d'appel d'offres ouvert pour l'attribution d’un marché de services relatif à la collecte de déchets ménagers (divisé en cinq lots). Le dossier de consultation indiquait que les entreprises devaient, quel que le nombre de lots pour lesquels elles candidataient, justifier d'un chiffre d'affaires annuel global d'au moins 16 000 000 euros HT sur les trois dernières années et d'un chiffre d'affaires annuel d’au moins 8 000 000 euros HT pour des services similaires à l’objet du marché.

Une entreprise, ne satisfaisant pas à ces conditions, a été empêchée de candidater. Elle a formé un recours en annulation du marché attribué.

En appel, la cour rejette sa requête, en précisant tout d’abord que « s’il est toujours loisible à l'acheteur public d'exiger la détention, par les candidats à l'attribution d'un marché public, notamment de niveaux de capacités techniques et financières minimaux, il appartient au juge administratif de s'assurer que cette exigence, lorsqu'elle a pour effet de restreindre l'accès au marché à des entreprises, notamment au détriment des PME, est objectivement rendue nécessaire par l'objet du marché et la nature des prestations à réaliser ».

Les juges estiment que « compte tenu, d'une part, de l'objet du marché et des impératifs particuliers de salubrité qui y sont liés, ainsi que de la nécessité de garantir la continuité du service public en cause, et, d'autre part, du montant annuel de chacun des cinq lots du marché, évalués respectivement à 15,5 millions, 10,2 millions, 5,7 millions, 9,2 millions et 14,8 millions d'euros », le pouvoir adjudicateur « a pu régulièrement, dans un souci de qualité et d'efficacité, subordonner le droit de présenter une offre à la justification d'un chiffre d'affaires annuel d'au moins 8 millions d'euros HT réalisé dans le domaine de la collecte des ordures ménagères ».

Ainsi la juridiction parisienne donne raison à la personne publique.

Des matériels indispensables et susceptibles d’être facilement acquis ou loués

Dans un autre litige, le Conseil d’Etat reprend dans un arrêt du 7 mai 2013 le même raisonnement. Il souligne que « le juge ne peut annuler une procédure de passation d'un marché […] que si l'exigence de capacité technique imposée aux candidats est manifestement dépourvue de lien avec l'objet du marché ou manifestement disproportionnée ».

En l’espèce, pour un marché relatif à la mise en place de balisage et de signalisation de déviations sur le réseau routier national, l’acheteur public exigeait des candidats qu’ils aient à leur disposition certains moyens techniques (au moins douze fourgons équipés de panneaux à messages variables). Une entreprise écartée, au motif qu’elle ne satisfaisait pas à cette prescription, a saisi le juge des référés. Ce dernier a annulé la procédure de passation du marché. Les sociétés attributaires se sont pourvues en cassation devant le Conseil d’État.

La haute juridiction estime que « d'une part, que la diversité des messages potentiels à diffuser par le cocontractant comme l'étendue du réseau routier pouvaient justifier l'exigence d'une dotation minimale importante en véhicules de ce type et, d'autre part, que ces matériels pouvaient être aisément acquis ou loués par les candidats pour satisfaire aux niveaux de capacité technique ainsi exigés ». Ainsi le Conseil d’Etat valide les prescriptions litigieuses.

Pour consulter l’arrêt CAA Paris, 22 avril 2013, n°11PA00626, cliquez ici ; l’arrêt CE, 7 mai 2013, n°365706, cliquez ici.

Lire aussi notre article « Peut-on fixer des niveaux minimaux de capacité liés au chiffre d’affaires ? » en cliquant ici.

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