Métropole lilloise : quand le vivant guide l'aménagement de 200 ha

Réservé aux abonnés
Métropole lilloise
L'opération vise à créer un arc vert paysager reliant la Deûle aux gares. Elle doit rendre l'espace urbain plus respirable et plus résilient face aux pics de chaleur.

Forêt, bocage, maraîchage, zones humides, chouettes, fourmis, rubans… le vocabulaire utilisé pour décrire le projet « D'Euralille à la Deûle » ne relève en rien de l'urbanisme classique. De fait, la concession d'aménagement de 200 ha, dont l'attribution a été notifiée début juin à la SPL Euralille par la Métropole européenne de Lille (MEL), va innover en grand. L'objectif premier n'est pas ici de créer un nouveau quartier ou d'équilibrer un bilan financier avec des cessions foncières mais bien de rendre le site plus accueillant pour le vivant. La concession, dotée de 196 M€ sur 15 ans, dont 115 M€ dédiés aux travaux, vise à rendre l'espace urbain plus respirable et résilient face aux pics de chaleur en créant notamment des trames pour la biodiversité et les circulations douces.

« La modification du nœud autoroutier et l'arrivée du tramway vont libérer des espaces, ce qui permet de repenser l'ensemble. On inverse ici les habitudes en priorisant le volet paysager, les mobilités et le climat. Il ne s'agit pas de concevoir un parc mais un site poreux en interaction avec les quartiers et la population », souligne Jean-François Legrand, vice- président à la MEL délégué à l'agriculture et aux espaces naturels. La concession reprend le périmètre des ZAC Euralille 3000 et Euralille 2.

Un tiers de surfaces inaccessibles

« C'est un plan guide du vivant que nous avons élaboré en respectant la géohistoire, c'est-à-dire l'empreinte humaine posée dans ce territoire comme celle des remparts, ou du maraîchage. Le site est très complexe : ses 200 ha, répartis sur quatre communes (1), comprennent environ un tiers de surfaces inaccessibles [aux humains] et un autre tiers dédié à la voiture », résume Olivier Philippe, cofondateur et directeur de l'agence TER, mandataire du groupement (2) retenu pour neuf ans comme urbaniste en chef de ce programme qui créera un arc vert paysager reliant la Deûle aux gares.

TER a été choisie à l'unanimité en août 2023 pour son projet régulateur de climat qui cadre parfaitement avec le plan climat-air- énergie territorial (PCAET) de la MEL et l'arrivée du tramway. « Ce projet s'organise autour de cinq items : respirer, se mouvoir, habiter/travailler, se nourrir et s'épanouir », explique Fabienne Duwez. La directrice de la SPL Euralille jusqu'à fin mai a fortement soutenu cette proposition qui place le vivant au cœur des priorités et devrait permettre de baisser d'au moins 5 °C la température ressentie lors des pics de chaleur.

Le plan guide devrait permettre de baisser d'au moins 5 °C la température ressentie lors des pics de chaleur.

Réduire la place de la voiture

L'opération, qui s'étalera sur quinze ans, va exiger énormément de doigté de la part des équipes de la SPL et de TER. Elles vont en effet devoir s'atteler à la très sensible réduction de la place de la voiture avec la transformation d'une autoroute urbaine et de ses auto-ponts en route, la création de 9,5 km de voies pour modes doux de plus de 5 m de large et l'arrivée du tramway, le tout en composant avec un hub de 30 millions de voyageurs par an. Autre défi : renaturer 15 ha de sols et mettre en place une trame verte et bleue ininterrompue. Sans oublier la création, plus classique, de 80 000 m² SP de bureaux et logements sur quinze ans, principalement à Euralille, troisième quartier d'affaires de France.

« Nous n'allons pas attendre la fin du tramway pour commencer. Dès cet été, une signalétique mettant en lumière les futurs “rubans” de mobilités douces et de biodiversité sera déployée. Cela permettra de garder le lien avec les riverains suite aux nombreuses concertations menées », souligne Raphaëlle Robiquet, la nouvelle directrice de la SPL Euralille. Elle ajoute que de nombreuses actions de préfiguration des usages dans les espaces de plein air seront aussi menées. Les premiers travaux démarreront en 2026.

(1) Lille, La Madeleine, Saint-André-lez-Lille et Lambersart.

(2) Avec TER Architecture, Bérim, Citec, Hekladonia, Inddigo, Réseaux, PCM, Urban Water, 8'18''.

Soigner et monitorer le vivant tout au long du projet

« Il va falloir refertiliser 15 ha de sols.

Recréer une continuité verticale entre le sous-sol et le ciel est primordial pour que les écosystèmes puissent fonctionner.

Notre chance est de bénéficier d'eau, notamment via les eaux d'exhaure des parkings », souligne Olivier Philippe. Pour le cofondateur et directeur de l'agence TER, l'un des grands défis du projet consiste à réussir à faire cohabiter tous les voisinages : villes, infrastructures, patrimoine mais aussi la biodiversité et les humains, en réservant des espaces non accessibles à ces derniers. « Ce qui est vraiment novateur », estime-t-il. Pour suivre l'impact du plan-guide au fil des années, TER prévoit un monitoring pointu. Il suivra les températures mais aussi l'évolution de la faune et de la flore. « Nous continuerons à envoyer des écologues faire des relevés mais nous prévoirons aussi la pose de micros pour identifier les espèces présentes. Pour le végétal, pourquoi pas des drones ? », projette l'urbaniste.

Newsletter Week-End
Nos journalistes sélectionnent pour vous les articles essentiels de votre secteur.
Les services Le Moniteur
La solution en ligne pour bien construire !
L'expertise juridique des Éditions du Moniteur
Trouvez des fournisseurs du BTP !
Détectez vos opportunités d’affaires